22août 15

Interview parue dans Sud Ouest du 20 août

« Pour un nouvel indépendantisme français »

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Les vacances sont terminées pour Jean-Luc Mélenchon. Avant sa rentrée politique, qui aura lieu à l'université d'été du Parti de gauche à Toulouse le dernier week-end d'août, il s'est confié à Sud Ouest. Interview.

Sud Ouest. Le Premier ministre grec, Alexis Tsipras, a annoncé hier soir sa démission et des élections anticipées (1). Faut-il s'en inquiéter ?

Jean-Luc Mélenchon. On vote, c'est bien. La voix du peuple est toujours la solution aux problèmes d'un pays. Mais encore faut-il respecter ses décisions. Les Grecs ont voté non au plan européen, et Tsipras l'a pourtant signé. J'espère que la gauche de Syriza aura un beau succès. Cela confirmerait le non du référendum. Tout cela montre que la situation est très volatile en Europe. Tout peut arriver.

Ce dernier plan d'aide à la Grèce impose – entre autres – la retraite à 67 ans et une hausse de 10 points de la TVA. Un mal pour un bien ?

Suicidaire ! Ce plan va aggraver la situation. La clé du problème, c'est la dette : il faut la rééchelonner ! Je vous prédis de grandes turbulences, car le ralentissement de l'économie chinoise va frapper le marché européen. Les Grecs n'ont donc aucun espace pour reprendre leur souffle.

François Hollande a pourtant vu dans cet accord des principes de « solidarité et de responsabilité ».

Encore un bobard ! Quelle solidarité ? La dette grecque est détenue à 80 % par des organismes publics européens. Ils pourraient donc la rééchelonner sans le moindre coût pour personne. Il enfume parce qu'il s'est fait imposer la même purge : privatisations à gogo et coupes dans les budgets publics. Merkel commande aussi en France. Nous sommes entrés dans l'ère de l'Europe allemande. Et ce n'est pas compatible avec la liberté des Européens ni avec l'indépendance de la France.

En acceptant cette cure d'austérité, Alexis Tsipras ne va-t-il pas vous décrédibiliser ? Et prouver qu'il n'y a pas d'autres options ?

C'est le risque, en effet. Mais les gens savent que, moi, je ne suis pas homme à céder. Parmi les dirigeants français, je suis le seul capable de tenir tête à Mme Merkel. Les autres sont des galopins. Mais le pire serait que les gens se résignent et acceptent la soumission.

Seriez-vous prêt à mettre dans la balance une éventuelle sortie de la France de la zone euro ?

Pourquoi enfermer le débat dans cette question ? Avec ou sans euro, le traité budgétaire s'appliquerait. Nous ne sommes donc plus libres. Je propose un nouvel indépendantisme français. Mais il n'y a pas à menacer. Si l'on ne peut convaincre l'Allemagne, il faut la contraindre. Sinon, mieux vaut divorcer qu'une vie commune humiliante.

Pour les régionales, la désillusion grecque ne va pas vous aider, surtout que votre alliance avec les Verts n'est pas simple.

Oui, l'affaire grecque pèsera. Les Verts ? Ils ont choisi de faire des listes autonomes. Mais, dans six régions sur treize, ils s'unissent à nous. Ils disent une chose et en font une autre ! En plus, ils veulent partout avoir la tête de liste et compter le score pour EELV : c'est sectaire. Je demanderai à mes amis de n'être dans aucune liste plutôt que de subir cette annexion. Enfin, je refuse les comportements qui aboutissent à expulser les communistes. L'opposition de gauche peut devenir majoritaire si elle additionne, pas si elle exclut.

Arnaud Montebourg, qui accueillera dimanche à Frangy l'ex-ministre grec des Finances, vous concurrence-t-il ?

Non. Je lui souhaite une intense et heureuse « mélenchonisation » ! C'est très précieux. Il aide les socialistes à quitter Hollande et le vote PS. De mon côté, je rencontre Yanis Varoufakis dimanche matin pour lui proposer une conférence européenne du « plan B ». Tout cela élargit la brèche !

François Rebsamen qui préfère sa mairie de Dijon au ministère du Travail, c'est un signe de l'impuissance des pouvoirs publics face au chômage ?

C'est un signal de débandade. Il sait qu'à Dijon, en tant que maire, il peut agir, alors qu'au gouvernement il ne peut rien. Les chefs du PS sont des féodaux : ils ont compris que le monarque va être emporté. Donc, ils retournent sur leurs terres.

François Hollande a fait d'une baisse significative du chômage la condition de sa candidature pour 2017. Le croyez-vous ?

Par principe, il ne faut jamais le croire. Mais si, par hasard, il est sérieux cette fois-ci, j'en conclus qu'il annonce son retrait. Car il est impossible, avec sa politique, que la courbe du chômage s'inverse.

L'exclusion du FN de Jean-Marie Le Pen peut-elle discréditer l'extrême droite ?

Non. Elle avance partout en Europe, et la droite traditionnelle lui court derrière. Ils finiront alliés ! Jean-Marie Le Pen gesticule. S'il était sérieux, il serait candidat à la présidentielle. Philippot ne le laissera pas faire.

La présidentielle de 2017 fait-elle partie de vos objectifs ?

Je me mets en situation, je travaille comme si je devais être candidat. Le pays est si abaissé ! Que de souffrances ! Sortons de ça !

PROPOS RECUEILLIS PAR JEFFERSON DESPORT



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