19fév 14

Jour de dictamolle

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La dictamolle, ce n’est pas la dictature. La dictature est rustique. Elle surveille, réprime et nécessite une vigilance de chaque instant. En dictature, il y a des morts. La dictamolle est bien plus efficace. Sa formule générale d’action est « cause toujours tu m’intéresses ». Rien ne sert à rien, tout veut dire n’importe quoi et même son contraire. La dictamolle est une situation d’autoritarisme insaisissable. Tout simplement parce que le dictamou vit dans la demie-teinte, mi-chair mi-poisson. Tel le caméléon, il se confond avec le paysage qu’il occupe ; il tient tout le monde hors de portée sous un feuillage de mots truqués, d’humour de muscadin, de blagues et de jeux de communication. La dictamolle de Hollande est un exemple de ce que l’on peut faire dans ce registre extrêmement exigeant en matière de cynisme post-électoral et d’absence d’affect face aux souffrances qu’on déclenche. Mais cette semaine, le dictamou a commis une erreur. Il s’est laissé trop aller dans le paysage qu’il occupait. Et c’est ça qui le rendait trop visible. Bisouter des patrons très discutables, admirer bouche bée le président démocrate qui a espionné son pays : tsssss ! tsssss !

L‘insatiable Pierre Gattaz, celui que Hollande nous demande d’applaudir, veut réduire « le stress » des patrons. Quelle impudence que ces mots quand on sait ce qu’est devenue la vie pour les salariés dans tellement d’entreprises ! Et quand on sait quelle pluie de bienfaits Hollande a déjà fait couler sur la caste cupide et insatiable dont Pierre Gattaz est le pleurnicheur en chef. J’écris donc ici sur ce qu’est vraiment le MEDEF. Devant Danielle Simonnet qui le mouchait à Paris sur sa prétendue représentativité, il faisait moins le faraud que sur les épaules de François Hollande ! Il s’est sauvé par une porte dérobée. Le MEDEF est un groupuscule bien placé. Faire comme s’il représentait « le patronat » est un contre-sens. Faire comme s’il représentait « l’entreprise » est une imposture. Je le démontre. 

Tenir tête, haut et clair, comme l’a fait Danielle Simonnet à Paris : voilà le chemin à prendre. Trop c’est trop ! C’est le sens de la marche du « ras-le-bol de gauche » dont nous avons proposé le principe ensemble, NPA et PG, avec la proposition de la date du 12 avril prochain. Je ne parle pas ici seulement d’un état d’esprit à reconstruire. Je parle ici de l’entrée dans une nouvelle phase du quinquennat après les deux élections municipales et européennes. Car la déroute du gouvernement ne sera pas seulement un incident de parcours électoral. Le contexte n’est plus celui des alternances à la papa, connues dans le passé. L’ambiance aujourd’hui est d’abord celle d’une combinaison à haut risque. D’un côté, la panique des classes moyennes étranglées et déclassées sur fond de marée montante de la misère générale. De l’autre, la mobilisation exaltée d’une droite de la société unie autour de ses thèmes et objectifs les plus durs. Et, pour finir, l’effondrement de l’autorité du président en exercice. Deux pour cent de « très satisfaits », c’est du jamais vu. Un chiffre en deçà de la marge d’erreur. Les institutions ne sont plus une garantie suffisante face à une conjonction aussi détonante. Pas question de compter les points en attendant le désastre. Je reviens donc sur l’appel à la marche du « ras le bol de gauche ».

Danielle Simonnet a bien raison : le MEDEF est un groupuscule

Vendredi 14 février, lors d'une initiative organisée par l'association Emmaüs, Pierre Gattaz, le meilleur ami de François Hollande, s’est bien fait remettre à sa place par  ma camarade Danielle Simonnet, candidate du Front de Gauche à la mairie de Paris. Car l’incendiaire patronal était invité au bal des pompiers sociaux ! Plutôt que de participer à la congratulation générale, Danielle Simonnet a rappelé au président du MEDEF qu'il ne représentait que lui-même ou presque. Décontenancé et ne sachant que répondre, Pierre Gattaz a fui comme un petit garçon. Il a quitté la salle ! Ridicule ! Merci Danielle ! Pauvre homme ! Il venait de descendre de l’avion qui le ramenait de son triomphe aux Etats-Unis dans les bagages de François Hollande ! Mais il ne représente que 8 % des patrons de notre pays, et encore faut-il compter large pour arriver à ce résultat !

De fait Pierre Gattaz a le melon. Il se sent pousser des ailes. Depuis le début du quinquennat, François Hollande cède à tous ses caprices ! Il réalise point par point le programme du MEDEF : gel du SMIC, allongement de la durée de cotisations pour la retraites, facilitations des licenciements avec la loi ANI écrite dans le bureau du MEDEF, baisse des dépenses publiques, refus de l’amnistie sociale, et ainsi de suite. Bref, c’est le seul homme vis-à-vis duquel Hollande se sent engagé lorsque ce dernier souhaite quelque chose. Dès lors, Pierre Gattaz a même pu se permettre de tirer dans le dos des Français en lançant une polémique très marquée par les refrains aux Etats-Unis d’Amérique contre le président de la République. Du jamais vu lors d'un voyage à l'étranger. Mais, ensuite, Hollande l’a même fait applaudir !

Alors, le Medef se croit tout permis. Chaque jour, son président Pierre Gattaz peut multiplier les crises de nerfs provocantes. Gattaz se gorge de ce pouvoir d’injonction comminatoire qui lui a réussi si bien. Ce mardi, il a exigé un "moratoire" sur les projets de loi qui, selon lui, "stressent les patrons". Pauvres chéris ! En fin de semaine dernière, il réclamait la suppression pure et simple du régime des intermittents du spectacle, dont dépendent plus de 100 000 travailleurs de la culture. Avant cela, avec son équivalent allemand, il avait carrément lancé un "appel" au Conseil des chefs d'Etat et de gouvernement européens pour renforcer encore la logique austéritaire de l'Union européenne avec "la création, au sein de la zone euro, d’un organe exécutif permanent ayant des compétences budgétaires et fiscales propres"

Pourtant, il n’y a aucune raison de reconnaître au MEDEF autant d’autorité. Mais, dira-t-on, il faut bien ménager ceux qui « donnent-de-l’emploi-et-produisent-les-richesses-gna-gna-gna ». Je ne le pense pas. Pour la raison essentielle que le MEDEF n’est rien de tout ça. Le rapport aux entreprises et aux patrons dans notre pays est faussé par toute une série de lieux communs répétés sans discernement. Les mots ici, comme souvent lorsqu’il s’agit de nommer les protagonistes des rapports sociaux, créent davantage de confusion que de clarté. Ce n’est pas neutre évidemment, comme toujours en pareil cas. Par exemple, on voit bien quelle objection non dite oppose le concept de « partenaires sociaux » à la compréhension du mécanisme de la lutte de classe. Ici encore, l’équation « MEDEF égale entreprise » est davantage un slogan qu’une désignation. Le MEDEF ne représente pas « les entreprises ». Son nom même éclaire ce point. Le MEDEF ne veut pas être d’abord un syndicat comme l’était le CNPF d’autrefois. Il veut être un « mouvement ». Il s’avoue donc lui-même porteur d’une idéologie. Pas seulement vis-à-vis des salariés, des pouvoirs publics et de la société en général. Mais aussi et peut-être surtout aux yeux de tous les patrons. Le MEDEF défend ce qui est utile aux très grandes entreprises multinationales françaises et à celles qui vivent de l’export pour l’essentiel. Il représente un secteur du capitalisme français inscrit dans le cadre de la mondialisation des échanges et de la finance. Tout le reste du patronat qui est, du fait des activités de leurs entreprises, intéressé à un marché intérieur actif et à la consommation populaire, n’a aucune voix au chapitre dans la stratégie du MEDEF. Pierre Gattaz lui-même est l’incarnation de cette petite fraction du patronat français, puisque sa propre entreprise fonctionne pour l’essentiel à l’export et, d’ailleurs, beaucoup avec les Etats-Unis, ce qui en fait un partisan inconditionnel du Grand Marché Transatlantique. Mais cette objection à la représentativité du MEDEF n’est pas la seule que je veux présenter. 

Le MEDEF ne représente même pas le patronat lui-même en tant que catégorie sociale. Je l'ai déjà pointé à l’occasion de la campagne présidentielle, dans mon discours à Vierzon. J’y suis revenu il y a plusieurs mois sur ce blog. Je vous ai parlé des 800 000 entreprises de l'économie sociale et solidaire dont les employeurs se sont regroupés dans une autre structure patronale, l'USGERES. Ils ont obtenu près de 20% des voix aux dernières élections prud'homales de 2008 ! A ces mêmes élections, le MEDEF a eu peur de se compter, préférant se présenter sur des listes communes avec deux autres organisations patronales, la CGPME et l'UPA. En fait, Danielle Simonnet avait raison quand elle a pointé le fait que le "le MEDEF ne représente que 8% du patronat". Elle s’appuyait sur une étude de la Fondation Concorde parue en 2011. Cette fondation défend des idées libérales. Elle est très proches des milieux patronaux. Et son rapport se donne pour ambition de "renforcer la voix du monde de l'entreprise". Il ne peut donc pas être suspecté de rouler pour le Front de Gauche. Or, cette étude affirme que "le taux moyen d'adhésion à une organisation syndicale" patronale ne dépasse pas 8% des patrons ! Danielle Simonnet a même été trop généreuse avec le MEDEF. Car, pour arriver à 8%, la Fondation Concorde additionne ceux qui adhèrent au MEDEF avec ceux qui adhèrent aux deux autres organisations représentatives, l'UPA et la CGPME. Le MEDEF tout seul représente donc moins de 8% du patronat !

Vérifions. Le MEDEF revendique "750 000 adhérents". Or, il y a en France plus de 3,5 millions d'entreprises selon l'INSEE. Selon les propres chiffres du MEDEF, celui-ci ne représente donc qu'au maximum 21% des entreprises du pays. Mais les chercheurs spécialistes du patronat s'accordent pour considérer que le nombre officiel d'adhérents revendiqué par le MEDEF est très largement surévalué. C'est ce qu'a démontré Michel Offerlé, politiste, professeur à l'Ecole Normale Supérieure. Il a croisé les annuaires du MEDEF et les données de l'INSEE pour essayer d'évaluer le nombre réel d'adhérents au MEDEF. Il abouti à des chiffres bien moins flatteurs que ceux mis en avant par le MEDEF. Son hypothèse la plus favorable au MEDEF donne à peine plus de 334 000 adhérents soit moins de 10% des entreprises du pays. Sa deuxième hypothèse aboutit à 111 463 adhérents au MEDEF. Soit 3% des entreprises du pays ! Le MEDEF est un nain. Et Gattaz ne représente que ce qu’on veut bien lui reconnaître d’importance.

Le MEDEF est une coquille vide. Ce n'est qu'une confédération à laquelle il est très rare que les patrons adhèrent directement. Ceux que l'on présente abusivement comme des adhérents au MEDEF sont en fait des adhérents à des syndicats spécialisés, eux-mêmes adhérents à une fédération patronale de branche. Et c'est la fédération de branche qui décide – ou non – d'adhérer au MEDEF. Le lien qui unit le patron adhérent au MEDEF est donc presque uniquement un lien administratif. Depuis les années 1970, le nombre de fédérations patronales adhérentes au CNPF puis au MEDEF est en nette diminution. Il est passé de plus de 100 à 75 environ. Plusieurs branches professionnelles ont choisi de rester en dehors du MEDEF. C'est le cas du Syndicat de l'Edition, de la Fédération Nationale des Transporteurs routiers, du Syndicat des Agences de Voyages  (Syndicat National des Espaces de Loisirs d'Attraction et Culturels), et ainsi de suite. L'usurpation du MEDEF, soit-disant représentant « des entreprises », a assez duré. A quoi bon lui donner cette importance et ce rôle surévalué ? La représentativité des organisations patronales doit être constatée par des élections démocratiques, comme c'est le cas pour les syndicats de salariés depuis la réforme de 2008. En 2008, l'UMP a protégé le MEDEF et refusé de soumettre sa représentativité à des élections. Ce privilège doit cesser. Il est absolument certain que si les Français comprenait et connaissaient la réalité de la situation que je viens de décrire, leur crainte et leurs préjugés sur la puissance de la caste dominante seraient beaucoup changés.

L'entreprise, ce n'est pas le MEDEF

Avaler tout rond que les entreprises sont représentées par le MEDEF fait perdre de vue l’essentiel. Les entreprises ne se limitent pas à leurs dirigeants et propriétaires. Une entreprise est d’abord un collectif de travail. Elle fédère en vue d’une production le travail des salariés, source de toute la richesse, et les moyens de cette production : les savoirs-faire, les machines, l’environnement local et ainsi de suite. Dans la liste raccourcie que je viens de noter, un facteur est essentiel à mes yeux. C’est la qualification des salariés. Car la qualification, c’est du savoir. Compte tenu de ce qu’est l’économie moderne, c’est du savoir de haut niveau dans de nombreux compartiments de l’activité. « L’entreprise », c’est donc d’abord ça : le lieu où la valeur d’usage des savoirs humains se transforme en valeur d’échange socialement utile. Toute la production en amont de cette qualification, puis sa reconnaissance sociale, sont ainsi des facteurs directement liés à la production. Ils sont même premiers. Une machine n’est rien sans celui qui sait l’utiliser. Elle-même n’existe pas sans l’action intellectuelle de ceux qui l’ont conçue. Et ainsi de suite. Le travail qualifié n’est pas seulement une nécessité de la production mais sa condition toute intellectuelle.

Par conséquent, résumer "les entreprises" aux revendications sociales de ses propriétaires n’est donc pas seulement un raccourci moralement inacceptable. Il l’est surtout politiquement. Et cela vaut pour nous peut-être davantage que pour d’autres. Si nous acceptons le cadre mental dominant, si nous voyons les entreprises seulement comme des machines à cracher du cash, nous nous mettons à côté de la plaque. Cela nous empêche de réfléchir et de travailler sur une idée essentielle : comment devrait fonctionner une entreprise pour être à la fois socialement utile par ses productions, efficace dans leur mise en œuvre, et socialement et écologiquement responsable ? On s’empêche ainsi de réfléchir à ce que devra être, du point de vue du travail à accomplir, la planification écologique. On s’empêcherait de réfléchir concrètement à des plans d’ensemble comme ceux que nécessite « l’entrée en mer » écologiquement réfléchie. Tout le cercle des décideurs politiques du pays et celui des nôtres aussi doit être décontaminé de la vision intellectuellement étroite et socialement ringarde que dessinent les discours et gesticulations de Hollande et Gattaz à propos de l’entreprise.

Trop c'est trop ! La marche du ras-le-bol de gauche

Elle vient de loin, la proposition d'organiser une marche du « ras-le-bol de gauche », sous l'antienne « trop c'est trop ». Pour ma part, j’avais évoqué l'idée dans mon post du 10 février en précisant le cahier des charges pour réussir ce que nous voulons faire. À vrai dire, j'exprimais des arguments déjà largement répandus dans nos rangs. Faisons un retour rapide sur l'enchaînement des événements. Après le succès de notre marche contre l'augmentation de la TVA, nous avons voulu, au Front de Gauche, constituer un collectif pour organiser une nouvelle mobilisation sur le thème. Des dirigeants comme Éric Coquerel se sont donné beaucoup de mal pour réunir un collectif crédible. Dans les discussions nombreuses qui ont eu lieu, le Parti de Gauche et le NPA se trouvaient être les seuls favorables à une nouvelle démonstration de force dans les rues. Une compréhension commune s’est forgée dans cette circonstance. Mais reconnaissons que les objections avaient leur poids d'arguments. Il y avait aussi une ambiance morose créée par l'absorption des militants politiques dans les élections municipales, d'une part, et, d'autre part, le scepticisme dans les organisations syndicales après les mobilisations maigrelettes contre la retraite à soixante-six ans imposée par François Hollande. Certes, notre marche du premier décembre a été un succès de terrain considérable. Personne, dans la gauche politique ou syndicale, n’a réuni autant de monde depuis… des mois. Mais les faits sont une chose et leur image une autre. Il faut admettre que la bataille médiatique orchestrée par le ministère de l'Intérieur pour minorer le nombre des manifestants et le sens de cette marche du 1er décembre a été gagnée par lui. On se souvient comment. La conjonction désormais traditionnelle d’attaques ciblées sur moi (cette fois ci c’était un sondage si vous vous souvenez), la hargne traditionnelle du duo « Libé »-« Le Monde » a été cette fois ci amplifiée par une opération de communication de haut niveau. Valls et Olivier Schramek, le président du prétendu CSA, ont joué main dans la main d’une façon efficace, appuyés par les « erreurs d’images » de Canal+ et i>Télé et les accusations de truquages contre TF1. Bref, d’astucieuses trouvailles créant une diversion magique. Je n'oublierai pas de mentionner la sottise de ceux de nos amis qui se sont sentis obligé d'étaler leurs passionnantes angoisses sur le fait de savoir si nous étions 100 000 ou bien 70 000 ou même 15 000. Aucun d'entre eux, bien sûr, n'était capable d'apporter la moindre preuve de leur ahurissante convergence chiffrée avec nos adversaires. L'essentiel était de me « casser ». En vain, pour ce qui me concerne. Mais il est vrai que tout cela a eu son efficacité pour refroidir la force qui aurait dû s'exalter à partir de la réussite de ce jour-là.

Nous pensions avoir tiré la leçon. Nous avons compris qu'il fallait d'abord se protéger des jalousies et coups de billard venant de notre propre camp. Pour cela, entendait-on dire, il fallait procéder de façon plus ample, plus lente, avec « davantage de concertation », en partant d'un collectif. Mais le résultat à la fin, lui aussi, nous a servi de leçon : un mois et demi de discussions pour décider de faire une pétition et d'aller l'apporter à l'Assemblée nationale ! Autant dire que tout cela était sans rapport avec les besoins du moment politique. Arrivent là-dessus les manifestations de l'extrême droite et de la droite ! Elles ont eu au moins un effet bénéfique : réveiller la compréhension de tous nos amis. Tout le monde a enfin convenu qu'il était nécessaire de tenir le haut du pavé par une démonstration de force. La prise de conscience a été générale. Et la conclusion identique : le rapport de force doit être reconstruit dans la rue. De toute façon, toutes les autres issues sont bouchées par la dictamolle de Hollande. Clémentine Autain, Pierre Laurent ont embrayé publiquement sur cette idée en mettant toute leur autorité dans la balance. De mon côté, sous le titre « Marchons, marchons », j'ai publié une synthèse des discussions et analyses qui avaient conduit notre équipe à vouloir aller de l'avant dans ce sens dès le mois de janvier. Le plus important, à mes yeux, est que tous nous allions dans le même sens en ce qui concerne non seulement le diagnostic mais la méthode. De son côté, le NPA, lui aussi, passait à l’initiative en adressant une lettre à tous les partenaires de l'autre gauche pour proposer une initiative. Nous avons aussitôt analysé l'initiative du NPA comme un moyen de déclenchement. À nos yeux, il ne fallait ni se laisser enfermer dans les intrigues des municipales, ni laisser le NPA sans réponse au moment où il faisait un geste unitaire. L'analyse attentive, ligne à ligne, de ce qu'écrivait le NPA montrait une vraie convergence de méthodes, d'état d'esprit, de perspectives. Lundi dernier a donc été la journée décisive.

Lundi matin, la coordination nationale du Front de Gauche s’est accordée sur le thème « trop c'est trop » et sur la décision de travailler un appel large pour aller dans la rue. Ici, ce qui est fondamental, c'est que la méthode lie l'objectif de reprendre le terrain avec la condition incontournable : se situer dans une claire logique d'opposition de gauche à la politique du gouvernement. Autrement dit, personne parmi nous n'est dupe des gesticulations des solfériniens sur le thème du « 6 février 1934 » qui pointerait à l'horizon. Tout le monde est bien conscient du fait que le gouvernement et son parti voudraient provoquer, sous prétexte de contrer l'extrême droite, une mobilisation-amnistie à son profit pour masquer l'ampleur du désaveu qui le frappe. Dans ce cas précis, une nouvelle fois, nous retrouvons une démonstration de ce qu'il lie ensemble la capacité de mobilisation et la rupture avec le PS et son gouvernement. La rupture est la condition de la crédibilité. La crédibilité est la condition de la mobilisation. Tel est l'énoncé de l'équation dont nous devons fournir le contenu concret. Une fois le Front de Gauche mis d'accord, la rencontre que nous avions l'après-midi avec une délégation du NPA, conduite par Olivier Besancenot lui-même, à notre siège national, a été simple pour nous. L'accord de tous étant dorénavant possible, il fallait avancer, déclencher, mettre sur la voie concrètement ce qui jusque-là n'étaient qu'une analyse abstraite. D'où la prise de position commune et la conférence de presse tenue séance tenante avec Olivier Besancenot, Martine Billard et les camarades de nos deux délégations dont l'un des artisans essentiels de cette percée : Éric Coquerel. Le soir même Pierre Laurent, au nom du Parti communiste, donnait son approbation. La machine est donc lancée.

Je crois que la date que nous avons proposée sera retenue car elle tient compte des réalités du calendrier prévisionnel. En effet, d'ici au premier tour des élections municipales, nos organisations appellent aussi à soutenir le mouvement intersyndical du 18 mars. Puis ont lieu les deux tours des élections municipales. Et le week-end suivant est celui de la mise en place des conseils municipaux et de leurs exécutifs. C'est pourquoi un délai de quinze jours après le deuxième tour de l'élection municipale nous a paru être efficace. À partir d'aujourd'hui, cela nous laisse deux mois. Nous n'avons eu que trois semaines pour préparer la manifestation du 1er décembre. C'est dire que nous sommes certains de pouvoir faire mieux.

Entre ce récit que je viens de faire, et le retour sur ma note où je traite de la méthode, c'est déjà bien de la lecture. Je voudrais cependant insister sur le sens de ce que nous venons de décider d’entreprendre. Et davantage encore plaider pour une prise de conscience à propos du moment que nous allons vivre. À sa façon, la marche du 12 avril ouvrira, de notre côté de la barrière, le processus que nous devons construire en réplique aux résultats des deux élections. La droite et l'extrême droite ne s'y sont pas trompées non plus puisqu'elles convoquent, pour le week-end précédant le nôtre, une nouvelle « journée de la colère » sur le mode de celle où l'on avait vu les exactions et les slogans d'extrême droite dont chacun se souvient. Pas question de les laisser formater politiquement l'espace béant que la déroute du pouvoir en place va ouvrir. Je sais très bien, pour avoir en main d'ores et déjà les documents que Valls a préparés pour présenter les résultats (et minorer aussi notre existence), que tout sera fait pour masquer le sens de ce qui va se passer réellement dans les urnes. On peut compter sur un système médiatique paresseux et docile pour recommencer le numéro d’escamotage et de confusion bavarde que l'on a toujours connu jusqu'à présent. Qui pourrait oublier la soirée électorale présidentielle où les perroquets ont annoncé et laissé Marine Le Pen s'attribuer 20 % des suffrages toute la soirée et la nuit, là où elle n'en faisait pas dix-huit ? Mais cette fois-ci, tout ce qui sera fait pour regrouper, par la peur du loup, autour du pouvoir et de son compère de l'UMP, nous servira en dépit des apparences. Car cela ne fera qu'aggraver la détermination de tout ceux qui sauront, du fait de leurs résultats locaux, ce qu'il en est réellement.

La composante médiatique du système de maintien de l'ordre ne doit certainement pas être sous-évaluée. Mais il ne faut pas lui supposer la toute-puissance que nombre de nos amis lui attribue souvent. La machine à abrutir peut enfumer et retarder. Mais elle ne peut pas arrêter. Nous devons savoir la manipuler pour l'amener agir jusqu’au bout de ce que sa propre sottise et paresse lui suggèrent de faire. À la fin, le bouchon du cratère explose tout entier.

Que cela ne vous empêche pas, d’ici-là, de continuer à rester critique et d’observer attentivement comment est menée l’opération « Whisky de Périgueux » pour nous nuire. Surtout, montrez si vous le pouvez les séquences où cette « affaire » est « traitée ». Apprendre les techniques du traquenard médiatique est une composante essentielle de l’éducation militante de notre temps. Et n’ayez aucun scrupule à dire très haut ce que vous pensez de cette caste partout où vous le pouvez, de manière à créer une ambiance qui leur soit partout contraire et méprisante. Et consolez-vous : ils ne valent pas plus cher. Sachez qu’aucun d’entre eux n’a été vérifier quoique ce soit ni sur l’identité des « démissionnaire du Whisky » ni sur la réalité de leur démission pour ceux qui étaient en état de le faire. Les « journalistes » ont juste sauté sur une occasion de nous nuire et de nous insulter. C’est tout. Une partie des personnes « signataires » ne l’étaient pas et ont demandé à retirer leur nom noté contre leur gré. Nombre d’autres ne pouvaient pas démissionner pour la raison que c’était déjà fait depuis plusieurs mois, une autre au moins pour la raison qu’elle avait déjà adhéré au NPA depuis deux mois. Et ainsi de suite. Journalisme ? Rien n’est vérifié, rien n’est recoupé. Journalisme ? Où ça ?


251 commentaires à “Jour de dictamolle”
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  1. libera dit :

    Bonjour,
    L'idée de défiler contre le Grand Marché Transatlantique et d'arrêter de le nommer avec des initiales que la plupart des gens ne comprendront pas (y compris les "journalistes") me parait une vraie manif et peut aussi attirer les autres personnes de gauche trompées par tous les faux semblants des oligarques au pouvoir.
    Quant aux cartes postales, excellente idée, postons les et envoyons les toutes à M. Besancenot dans sa poste de rattachement, au moins elles ne disparaitront pas et on pourra toujours aller les coller sur le mur de la honte et inviter les "journalistes" à venir les compter s'il le faut ! Ils ne veulent que le buzz, offrons le leur !


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