14fév 06

 

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ENTRETIEN AVEC LE VICE-PRESIDENT JOSE VICENTE RANGEL : "L'IMPLICATION POPULAIRE EST LA FORCE DE NOTRE REVOLUTION"

 

Ce matin mardi la journée démarre avec un rendez-vous très important. Je suis reçu par le vice-Président de la République Jose Vicente Rangel. Je me rends à son bureau en compagnie de l'ambassadeur de France. On m'avait prévenu : Le vice-Président de la République bolivarienne du Venezuela est considéré comme un homme froid et distant. Mais ce n'est pas ce que j'ai vu. Au contraire. Certes c'est un homme qui pèse ses mots avec soin. On peut penser que le poids de vie vécue au front du combat de gauche rend précautionneux dans les explications. Lui le peut.

Non seulement parce que c'est un ancien journaliste engagé, éditorialiste redouté pour le tranchant de sa plume. Mais par la profondeur de son engagement politique. Adhérent à 16 ans à un parti de gauche, l'Union Républicaine Démocratique (URD) il a été un opposant déterminé à la dictature de Perez Jimenez (1948-1958). Emprisonné, puis expulsé du pays à la suite des manifestations étudiantes de 1953, il s'exile au Chili, puis en Espagne. De retour au Venezuela après le rétablissement de la démocratie, en 1958, Jose Vicente Rangel a été aussitôt élu député. Il siège pendant cinq mandats consécutifs, jusqu'en 1983. Après avoir rompu en 1964 avec l'URD qu'il estime trop compromise avec le système, il s'est longtemps efforcé de rassembler la gauche vénézuélienne radicale en créant, en 1967, le mouvement ''Avant-garde Populaire Nationaliste'', puis en 1968, le Parti Révolutionnaire d'Intégration Nationaliste (PRIN), qui se voulait peu ou prou l'organe politique de la guérilla guévariste. Après la dissolution du PRIN, en 1971, il n'a plus adhéré à aucun mouvement politique et s'est toujours présenté comme une figure de la gauche indépendante, capable de rallier autour de son nom plusieurs mouvements. M. Rangel a été ainsi candidat à trois reprises à la Présidence de la République (en 1973, en 1978 et en 1983), avec l'appui de partis de gauche.

On comprend que sa présence dans l'équipe Chavez symbolise la jonction de la gauche historique avec la révolution bolivarienne de Chavez. M. RANGEL a soutenu la candidature de Hugo Chavez à la présidence de la République dans toutes ses interventions publiques à partir du printemps 1998. Ministre des relations extérieures du premier gouvernement Chavez son parcours et sa personnalité en firent pendant cette période le ministre le plus en vue du gouvernement. En février 2001, à la suite d'une crise interne dans les forces armées, Hugo Chavez le nomme Ministre de la Défense. Il est alors le premier titulaire civil du poste depuis 1929. Il se retrouve donc dans une situation particulièrement périlleuse lorsque, en avril 2002, plusieurs des officiers organisent un coup d'Etat. José Vicente Rangel tint bon. Il refuse de trahir Hugo Chavez. Il préfère passer pendant quelques heures à la clandestinité jusqu'à ce que le peuple qui ramène Chavez au palais présidentiel l'y ramène avec.
M. Rangel a été nommé le 28 avril 2002 vice-Président de la République. Dans cette fonction, il est chargé non seulement de coordonner l'action gouvernementale, mais aussi de dialoguer avec les adversaires du régime. C'est sur ce thème qu'il se montre le plus désolé au cours de l'entretien.

« Vous connaissez le drame de Shakespeare, me dit-il, avec cette réplique : « Mon royaume pour un cheval ? » Et bien moi je dis: "mon royaume pour une opposition qui en soit une". Car, ici, nous, nous parlons avec tout le monde, le clergé, les syndicats, l'armée, le patronat, tout le monde, il n'y a que l'opposition qui ne veut pas parler et qui ne veut être reçue qu'en cachette ! Notre opposition est "immédiatiste" et du coup elle court d'une aventure à l'autre. Elle soutient les putsch à moins qu'elle ne les organise, elle participe aux élections puis retire ses candidats au dernier moment. Ce n'est pas cela l'opposition dans un régime constitutionnel démocratique. Nous rêvons d'une opposition qui nous critique, même durement, mais qui respecte la règle du jeu comme dans tous les pays. » Naturellement je cite d'après mes notes prises pendant l'entretien et je ne prétends donc pas à l'exactitude d'une retranscription. Pendant que je l'écoute, je note que c'est aussi un démenti à l'affirmation entendue la veille selon laquelle le gouvernement ne dialogue pas avec le patronat. Mais c'est l'homme de la gauche rebelle que je veux entendre. J'engage la discussion sur le thème de l'implication populaire dans le changement de République et de la place que jouent dans ce processus des mouvements civiques populaires informels tandis que les partis de la gauche ont un rôle assez effacé. Il me répond que c'est la une caractéristique du processus révolutionnaire. « C'est d'ailleurs un processus contradictoire si l'on peut dire. Car ceux qui se sont mis en mouvement et réappropriés l'action politique nous critiquent aussi au gouvernement. Mais quand le régime est en cause, les mêmes sortent dans la rue pour nous aider à faire face et mettre en échec les coups de force. Mais c'est dans cette implication populaire qu'est la force de notre révolution. C'est de cette réalité que part la mise en place des "missions" et d'autres organes de lutte populaire qui fonctionnent en parallèle du système étatique. C'est de cette façon que le président Hugo Chavez a rompu avec beaucoup d'audace l'encerclement du processus de transformation par les anciennes structures qui ne voulaient pas de ces changements. Notre démarche est d'encourager la dynamique populaire et non pas de la brider même si cela n'est pas toujours aussi confortable! »

Nous avons aussi évoqué la relation du Vénézuéla avec les Etats-Unis. José Vicente Rangel ne sourit plus. « Nous avons des relations pacifiques souvent amicales avec tous les Etats du monde, sans exception. Même quand il y a des difficultés de toutes sortes en raison d'une immense frontière commune, comme avec la Colombie, nous choisissons dans tous les cas le dialogue et le compromis amical. Seuls les Etats-Unis ne reçoivent jamais nos ambassadeurs, eux seuls ont soutenu les putsch contre le gouvernement légitime de ce pays, eux seuls insultent nos dirigeants élus. Ce n'est pas nous qui voulons cela. Ce n'est pas nous qui avons choisi ce type de relation. Ce n'est pas celles que nous voulons. Mais à partir du moment où ils font ce choix nous, de notre côté, nous ne nous laissons pas faire. Nous ne voulons pas cette situation. Mais nous lui faisons face. »

Ensuite il y a eu plusieurs autres thèmes à bâtons rompus. D'autant que pendant l'entretien le ministre de l'intérieur nous a rejoints. L'ambiance intègre une dimension de cordialité militante par la simplicité, les plaisanteries et les nombreuses références à des codes communs. Même quand viennent des sujets plus épineux comme l'attitude de l'Iran concernant l'armement atomique. La parole a été libre. Il n'y a eu aucune condescendance à mon égard en tant qu'interlocuteur quand bien même le parti membre de l'internationale socialiste au Vénézuéla a fait tirer sur la foule qui protestait contre sa politique néo-libérale et qu'il a soutenu le putsch contre Chavez. Je trouve remarquable d'avoir pu développer mon point de vue à ce sujet. J'ai fait valoir que le monopole de l'armement atomique était sans doute injuste mais qu'en l'élargissant à une dizaine de pays de plus on ne le rendait pas plus juste pour ceux qui en resteraient dépossédés. J'ai dit que la lutte contre la dissémination était un axe politique constant de la gauche du moins en Europe, y compris dans des périodes d'extrêmes tensions comme celle de la guerre froide. J'ai souligné que tous les adversaires du régime allaient avoir un prétexte en or pour stigmatiser la République bolivarienne. J'ai été écouté avec attention. Je n'ai pas convaincu.

Quand nous nous sommes quittés, j'ai réalisé que le vice-Président était un homme de grande taille qui se tient très droit et parle avec un débit mesuré pour s'assurer que l'interlocuteur suit le fil de sa démonstration. Il utilise l'art subtil de la pause silencieuse dont j'ai connu le maître toute catégorie qu'était Jean-Marie Tjibaou, le président du FLNKS de Nouvelle-Calédonie. Je m'y serais bien entrainé à mon tour mais, en sortant, sans que je l'aie prévu il m'a fallu répondre dans la salle de presse aux trois chaînes de télévision et aux journalistes de la presse écrite qui se trouvaient là. En espagnol, évidemment. A ma demande l'ambassadeur me traduisait les questions. Je répondais en espagnol. Pourquoi faire traduire d'une langue que l'on parle ? Vieille ruse : La traduction permet de s'assurer que l'on a très correctement compris et surtout de chercher ses mots pour répondre.

Le midi, au déjeuner, je retrouve Henri Peña-Ruiz qui donne trois conférences à Caracas à l'invitation de l'Alliance française sur la laïcité et sur la participation épistolaire de Victor Hugo dans les luttes libératrices de l'Amérique latine de son temps. Cela ne s'invente pas. Pena Ruiz est l'un des principaux intellectuels de référence de PRS notamment pour son discours sur l'articulation des niveaux de l'émancipation dans la dynamique républicaine. Qu'il s'agisse de laïcité ou d'émancipation républicaine Peña-Ruiz chevauche ici aussi l'actualité. Car si les dirigeants chavistes sont catholiques et pratiquants dans des formes qui laissent pantois la gauche laïque française, le Haut-clergé local est bien en phase avec la ligne ultra-réactionnaire traditionnelle à laquelle on pouvait s'attendre. Et cela au grand dam des paroisses de base car elles vivent avec ce petit peuple des quartiers qui remplit à bloc les églises, même le soir en semaine. Cela j'ai pu le voir en fin d'après-midi ce jour même de retour d'une visite avec les ardentes militantes de la "défensoria de los niños", institution associative agréée qui prend en charge la défense des droits des enfants en plein dans la panade des quartiers déshérités. De ça et d'autres choses je parlerai dans une prochaine note.


Aucun commentaire à “Deuxième journée au Venezuela”
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  1. marie mandrin du vaucluse dit :

    cher jean -Luc,je vis au quotidien ton voyage au Venezuela,grand merci a toi,tu sais, là,est ta famille,Jean-Luc,avec ses grands hommes de gauche,déroutante Amerique latine,ou l'argent et la misere s'entrechoquent,vite, Jean-luc la suite du voyage......Amitiés,Marie

  2. dominique et gerard dit :

    Nos alegra y nos interesa mucho el analisis tan preciso que nos mandas despues de jornadas tan llenas y agobiantes. Esperamos que hagas al volver reuniones publicas en provincia y que en Marsella tendremos la oportunidad de oir tus comentarios en directo! ANIMO para SEGUIR ADELANTE un abrazo fuerte de Gérard y Dominique

  3. Jean-Charles dit :

    Idem pour Strasbourg, il faudra prévoir une conférence dès ton retour en partenariat avec la Maison de l'Amérique latine.

  4. kapela lonsa patrick dit :

    oui, jlm tu es un homme de terrain, c'est avec plaisir que nous lisons tes news, jeune que je suis,je tires pas mal des leçons pour l'avenir de mon engagement politique, aider les autres a mieux vivre via l'ecoute, il est trop fort ton blog; le meilleur ; bon courage et j'espere que la gauche du ps ---l'ex nouveau monde ; nps ; retrouve en toi un leader.

    BON COURAGE A TOI ET QUE DIEU TE GARDE

    UN MILITANT PS -R.A Gauche

  5. serge lagrifoul dit :

    Re salut camarade Jean Luc vu le rythme éffrené de ton voyage, je me demande dans quel état tu vas nous revenir ! Mais bon vu l'ampleur des taches à accomplir pour déboucher sur une alternative anti-libérale en France, il vaut mieux que tu prenne l'habitude, car a mon avis t'a pas finis d'être fatigué !

    Courage camarade la lutte ne fait que commencer et il nous faudra du courage et plein de gens comme toi !


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