07juil 15

Il a la classe notre Tsipras, tra-la-la-la-lère !

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Mis à jour le 8 juillet à 8h00

Je rédige ces lignes dans l’urgence après une fin de semaine spécialement occupée : le congrès du Parti de Gauche et le vote en Grèce ont mobilisé tout mon temps nuit et jour depuis jeudi dernier ! Je me trouve à présent à Strasbourg où le Parlement européen va devoir se prononcer sur le projet de Grand Marché Transatlantique. Je survole tout cela. Les vidéos de mes diverses interventions permettent à ceux qui veulent en savoir davantage sur mon point de vue de disposer d’un ample matériel. Je n’insiste donc pas. Mais je veux dire quelques mots d’ambiance à présent.

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Cette semaine s’est joué un bras de fer terrible. Les dirigeants de l’Eurogroupe ont essayé de faire tomber le gouvernement grec. La réplique est venue : un appel au vote ! Et malgré un véritable blocus, le peuple grec a voté « non ». Désormais la situation est retournée. Si les puissants mettent la Grèce en banqueroute ils devront payer eux-mêmes la dette grecque en application des traités ce sujet ! Tel est pris qui croyait prendre !

En tous cas, je ne suis pas prêt d’oublier cette soirée de dimanche. De retour de l’émission sur RTL « Le Grand Jury », nous fîmes halte au « Y Grec », rue Godot de Mauroy, où Syriza-Paris a ses habitudes. Une petite foule joyeuse s’y était rassemblée et des chansons furent inventées sur place dans les rires et les embrassades à mesure que l’ampleur de notre victoire s’affirmait. Une nouvelle fois, les sondages truqués, les médias serviles et la foule de catéchumènes mercenaires se sont ridiculisés ! Leur haine et leur mauvaise foi a éclaté aussitôt passées les premières heures de stupeur, déchaînant de nouveaux torrents d’injures et de mensonges contre les grecs. Jubilatoire ! On se sentait revenu en 2005 !

D’ailleurs, depuis plusieurs jours, la matinale de France Inter et les éditos de Libération sentaient déjà à plein nez la hargne de cette époque, et le bourrage de crâne battait son plein ! J’avais appelé à se retrouver place de la République pensant relayer une consigne de Syriza Paris. On se retrouva donc à plusieurs centaines et sans doute plus d’un bon millier à l’heure dites, serrés au pied de la statue de la République. Après qu’on ait épuisé la répétition de nos chansons, j’improvisais un discours sans micro.

C’est alors que des jeunes gens décidèrent de répéter chacune de mes phrases ! Quelle scène inouïe pour nous tous ! C’est la première fois de ma longue vie militante que je vis une situation comme celle-ci. Si jamais la fonction de tribun du peuple a jamais eu un sens concret ce fut bien à cet instant où la foule et l’orateur parlent ensemble avec les mêmes mots ! Je veux dire que selon moi, à cet instant, la véritable Europe était là : celle de gens se sentant solidaires les uns des autres, émus les uns par le sort de autres et en communion avec leur combat. L’autre Europe, celle du fric et des postures médiatiques, se tortillait dans son venin seule et triste dans les salles de rédaction et les palis d’impuissance ! Le coup d’État contre Tsipras a échoué, la mobilisation populaire en est venu à bout, comme hier les pauvres du Venezuela ont sauvé Chavez du coup d’État fomenté par les USA et les élites sociales corrompues de ce pays.

Je ne veux pas oublier de vous recommander de ne tenir aucun compte de ce qui se dit que j’ai dit à propos de ma candidature pour 2017. C’est du manger pour la foire médiatique. Si la question vous intéresse, je vous renvoie à la vidéo de mon discours pour que vous puissiez bien comprendre la portée de mon raisonnement sur la stratégie que nous devons déployer dans le proche avenir sur ce sujet !

Le coup d'état contre Tsipras a échoué

La semaine qui vient de s’écouler dans le cas grec doit être étudiée avec soin et méthode. Je ne prétends pas le faire en quelques lignes et aussi près des évènements. Mais il faut partir de ce qui s’est passé en le regardant en face. L’Eurogroupe a essayé de faire tomber un gouvernement démocratique de l’union européenne. Il s’agit d’une tentative de coup d’état en vue de soumettre un pays en détruisant son gouvernement et l’idée qu’il incarne aux yeux d’un peuple qui l’a choisi librement. Dès lors, en mesurant la gravité du sujet nous devons étudier avec soin toute la séquence en pensant à nous et à notre futur possible après le jour où nous aurons commencé notre libération en France. Etudier et apprendre car nos adversaires n’ont pas une imagination très importante. Ils agissent d’une façon assez mécanique et avec reproduisent toujours les méthodes qui leur ont réussi une première fois. Ainsi quand la CIA et les USA organisent des complots pour abattre un gouvernement, ils suivent presque à l’identique d’un pays à l’autre leur méthode de travail de sape. On l’a bien vu aussi dans la vague des soit disant « révolutions » contre les gouvernements réputés pro-russes à l’est. Le folklore, le matériel distribué (autocollants, drapeaux, affiches), les campagnes internationales dans les médias liés aux agences d’influence sont les mêmes pour chaque « révolution », orange, violette et ainsi de suite. En Amérique latine la technique des putschs s’est elle aussi reprécisée et uniformisée d’un pays à l’autre passant partout par les mêmes phases et les mêmes rebonds sur place et dans les médias en Europe. En Europe dorénavant, il en va de même.

Le sort réservé à la Grèce est à l’identique de ce qui fut fait contre Chypre. Je rappelle que ce pays a voulu résister à l’application d’un « mémorandum » austéritaire après l’effondrement en vue du système bancaire sous le poids de spéculations semi maffieuses. Il ne s’était pas trouvé un seul député chypriote pour accepter le transfert sur le dos du peuple de l’apurement de ces comptes. Le mémorandum fut repoussé à l’unanimité. La réplique fut foudroyante. L’Eurogroupe se réunit. Le verrouillage quasi instantané du circuit financier réussit en quelques jours à faire céder le parlement chypriote. Il accepta le mémorandum. Le peuple ne fut pas consulté. François Delapierre avait qualifié de salopards les ministres des finances qui avaient voté ce dispositif de contrainte et les mesures qui suivirent. Grosse émotion médiatique, non sur les faits mais sur ce qu’en avait dit Delapierre ! Les mêmes montèrent une campagne de diffamation contre moi parce que j’avais dit  « Moscovici ne parle plus que la langue de la finance ». Le premier secrétaire du PS, Harlem Désir, à la suite de plusieurs journalistes socialistes, m’accusa d’antisémitisme ce qui en dit long surtout sur leurs propres associations d’idées. Mais chacun comprend mieux à présent comment ce genre de campagnes sur « le ton » « le style » fonctionnent comme des diversions pour bloquer la parole et même la réflexion  sur le fond !

Cette méthode de la diffamation et de la disqualification des protagonistes par des arguments ad hominem est une constante dorénavant. On a vu comment a été disqualifié de cette façon Yannis Varoufakis. Et bien sûr Alexis Tsipras de même. Il faut admettre que cela fonctionne bien dans la fraction boboïde la plus influençable de l’opinion. Il y a là un secteur très soucieux des apparences et des « bonnes manières ». C’est typique de l’obsession des parvenus ou des gens qui ont peur du déclassement social. Ceux-là répercutent directement sur nous la pression de l’ennemi sur un mode personnel extrêmement insidieux. Il est intéressant aussi de noter qui reprend ce genre de campagne dans les médias. Car par là même, elles nous montrent que ce sont des personnes agissent sous l’emprise des agences d’influence qui orchestrent des campagnes générales. Et quand ils font une campagne, ils les font toutes. Les amis des putschistes au Venezuela sont évidemment pour le oui en Grèce, favorable au gouvernement « européen » de l’Ukraine et ainsi de suite.

Commençons par le commencement. En Grèce, l’Eurogroupe a tenté de reproduire le coup de force qui avait fonctionné à Chypre. Paul Krugman, prix Nobel d'économie en 2008 fait le constat : « La Troïka a choisi de faire une offre à Tsipras qu'il ne peut pas accepter. Elle l'a fait en connaissance de cause. L'ultimatum est fait pour remplacer le gouvernement grec, ce qui devrait être perturbant pour tous ceux qui croient aux idéaux européens ». Je pense exactement la même chose. La proposition des créanciers était inacceptable. Elle était absurde sur le plan économique : la poursuite de l’austérité aurait aggravé la crise empêchant toute reprise de l’activité en Grèce. Et le principe d’un déblocage des versements par tranches mensuelles jusqu’en novembre actait la poursuite d’un chantage permanent sans donner aucun horizon de long terme à l’économie grecque. La proposition ne menait nulle part. En refusant de renégocier la dette grecque globalement, les créanciers empêchent un règlement durable de la situation financière de la Grèce. De toute façon si l’on met de côté les gesticulations et les effets d’annonce un examen même superficiel de la proposition de l’Eurogroupe se résume vite : le seul but des créanciers était de se sauver eux-mêmes. La quasi-totalité des sommes promises par les créanciers dans leur dernière proposition devaient servir à … rembourser les créanciers eux-mêmes ! Une fuite en avant qui reporte tous les problèmes liés à la nature et à l’importance de la dette ! J’ai montré ici comment les vivres furent coupés graduellement avec la raréfaction de l’argent liquide en circulation. L’asphyxie devait culminer à la date de refus de payer la traite du FMI. La stupeur de l’Eurogroupe fut que Tsipras convoque un référendum.

Puis les manœuvres de désinformation ont commencé pour annoncer tantôt que le vote n’aurait pas lieu tantôt que le oui semblait l’emporter. La propagande a marché à plein régime. Sur les télévisions grecques, le « oui » avait portes ouvertes et le « non » portes closes. La guerre médiatique repose d’abord sur des armes de désinformation massive. Il est intéressant de voir comment les bruits les plus absurdes ont été répercutés en France sans aucune vérification. Alors que tous pariaient sur l’annulation du référendum, Tsipras a parlé. Et là, « coup de théâtre ! » comme l’a écrit le site internet du Point : « Tsipras confirme son appel à voter non » et le référendum ! Diantre, un dirigeant qui ne change pas d’avis en trois jours, comment est-ce possible ? Heureusement, Libé à trouvé la parade. Il suffit de garder le même article qu’avant mais en changeant seulement le titre ! Toute la semaine un nombre considérable de médias français ont purement et simplement recopié les éléments de langage de leurs homologues grecs dont même le journal le Monde dit qu’ils « assument leur subjectivité ». Ainsi quand le site internet de BFMTV a écrit le mardi 30 juin que « « le gouvernement grec pourrait appeler à voter « oui » au référendum » ! Rien de moins ! A peine plus mesuré, le site internet de 20 minutes écrivait le lendemain matin que « Athènes n'exclut en tout cas pas de suspendre le référendum prévu dimanche ». La palme revient comme souvent à Libération qui a passé la journée du 1er juillet à écrire que « Alexis Tsipras est prêt à accepter la plupart des demandes des créanciers ».

Pourtant on aurait tort de croire, selon moi, à une véritable organisation de campagne en bon ordre. L’effet de système fonctionne ici à plein. Sous l’effet de la doxa dominante et sous le prisme de la vision allemande (pour faire court) du problème posé, les médias se sont surtout intoxiqués eux-mêmes. Et ils ont intoxiqué les dirigeants qui se sont pris à croire à leur propre propagande sans tenir aucun compte des alertes reçues de longue date sur le sujet. Pourtant, selon moi, dès cet instant le ver est dans le fruit. Je crois que, pris de court, les chefs de l’Eurogroupe se sont affolés au pire moment pour eux. Je le crois au vu de l’activité de François Hollande. Il a pris conscience seulement cette semaine de la gravité de la crise qui s’ouvrait. Il avait longtemps pensé qu’elle n’aurait pas lieu et que tout finirait par s’arranger comme d’habitude. Lui, comme les autres, n’ont pas cru que Tsipras résisterait. Et encore moins qu’il se dégagerait du piège en le retournant contre ses auteurs avec ce referendum. Ils ne pouvaient pas croire à un referendum convoqué pour une semaine plus tard ! Rappelez-vous que ces gens ont détruit sans coup férir deux gouvernements dans le passé, celui de Berlusconi et celui de Papandréou en nommant à leur place dans les deux cas un « technocrate » directement issue du sérail de la bureaucratie européenne. Dès lors ils se croient tout possible. C’est Arnaud Leparmentier, éditorialiste du journal Le Monde qui a en quelque sorte vendu la mèche. S’il en est ainsi c’est parce que cela lui paraissait tellement évident ! Il l’a écrit dans son journal le 18 juin : « La Grèce doit trouver un accord avec les Européens. Signé par Alexis Tsipras ou un autre, peu importe. Il existe des précédents peu reluisants. C'était en novembre  2011, au G20 de Cannes, au plus fort de la crise de l'euro : le premier ministre grec, Georges Papandréou, et l'Italien Silvio Berlusconi avaient comparu au " tribunal de l'euro " devant Sarkozy, Merkel et… Obama. Bien sûr, ils ne furent pas renversés par un putsch comme de malheureux démocrates sud-américains victimes de la CIA. Mais, de retour dans leur pays, ils ont comme par miracle perdu leur majorité. Papandréou fut remplacé par le banquier central Papademos, et Berlusconi, par l'ex-commissaire européen Mario Monti. Imaginons donc un scénario de crise : (…) constitution d'un gouvernement d'union nationale, avec ou sans Tsipras ; (…) retour des négociateurs à Bruxelles-Canossa. Odieusement antidémocratique ? Les Grecs jouent au poker. Pourquoi pas nous ? ».

Aucun de ces beaux et grands personnages ne se donne le mal de penser et de s’informer autrement qu’ils ne le font dans leurs cercles et réseaux habituel parmi les animaux domestiques de la ferme, gras et dodus. Il y a longtemps qu’ils n’ont plus rencontré quelqu’un qui fait de la politique en mouvement en se servant des règles du jeu pour mieux les rendre inopérante. Pour eux, les dix années qui viennent d’avoir lieu en Amérique latine pour sortir des mêmes problèmes de « politique d’ajustement structurel » n’ont pas eu lieu. Ils ne se sont intéressés à rien. C’était une affaire de latinos ! Et les répondeurs automatiques de la presse me rabâchaient « oui mais la Bolivie, (le Venezuela, l’Equateur, l’Argentine, etc.) ce n’est pas la France, gna gna gna !». Leur souci était de nuire, pas de comprendre. Nous avons survécu, ils ont gardé leur poison en eux. Ils en payent aujourd’hui tout le prix ; ils sont totalement aveuglés. Rien ne s’est passé comme prévu parce que tous ces gens ne fréquentent plus depuis longtemps personne qui soit capable d’audace. Ni de ruse avec des actions qui utilisent une situation pour la retourner contre ses inventeurs. Je pense qu’au moment où le referendum est lancé c’est déjà panique à bord dans l’Eurogroupe. Ils ne s’y attendaient pas. L’espionnage ne pouvait rien leur apprendre d’avance compte tenu des conditions de la prise de décisions. Car évidemment ils croient aussi que nous nous nous répandons par mails et téléphones comme si nous n’avions rien appris. Et tout le monde n’est pas aussi pleutre que Hollande pour accepter de discuter dans la portée des grandes oreilles de l’ambassade des Etats-Unis.

A partir de là il n’y a plus eu de pilote dans l’avion chez les eurocrates. Les uns ont joué la désinformation (« le referendum est annulé », « Tsipras accepte les conditions » etc.  Campagne circulaire en Europe qui en dit long sur la nature des réseaux à l’œuvre. Le but constant semblait être de désamorcer la crédibilité du référendum lui-même soit pour l’annoncer annulé soit promis à un résultat « serré ». Au point sans doute d’y croire eux-mêmes. Les autres ont joué la campagne pour le « oui ». C’est d’abord le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, demandant au peuple grec « de voter oui, quelle que soit la question » ! C’est ensuite François Hollande faisant pression insidieusement en agitant les épouvantails, comme il l’avait déjà fait à l’élection législative précédente: «  si c’est le « oui », la négociation peut très facilement s’engager. Si c’est le « non », on rentre dans une forme d’inconnu ». Ou bien, comme Merkel, il y a eu ceux qui ont essayé de changer la question pour faire croire que le référendum ne portait pas sur l’acceptation de la proposition des créanciers mais qu’il « est évidemment lié au maintien dans l'euro ».

Les sociaux-démocrates allemands se sont particulièrement illustrés dans ces basses œuvres. C’est le prix à payer en tant qu’allié de Mme Merkel au gouvernement de l’Allemagne. Ainsi Martin Schulz, président du Parlement européen. Pour lui « Alexis Tsipras est imprévisible et manipule les gens en Grèce, cela a presque un caractère démagogique ». Relevez au passage que les mots sont les mêmes pour cet ami de François Hollande que chez Sarkozy. Martin Schulz a surtout confié qu’il espérait la victoire du « oui », permettant « la fin de l’ère Syrisa » et l’arrivée d’« un gouvernement de technocrates pour que nous puissions continuer à négocier» ! Là encore, comme Sarkozy qui avait appelé Tsipras à démissionner en cas de victoire du « oui » ! Au parti social-démocrate allemand, Martin Schulz n’est pas le seul sur cette ligne. Le président de son parti, Sigmar Gabriel avait donné la consigne. Il est aussi vice-chancelier d’Allemagne et ministre de l’Economie de Mme Merkel. Il appelait carrément à ce que Tsipras « annule le référendum ». Les sociaux-démocrates n’étaient déjà plus sociaux, désormais ils ne sont même plus démocrates ! Il est même allé plus loin que Mme Merkel dans la désinformation. Alors que Merkel disait que le référendum était « lié au maintien dans l’euro », Sigmar Gabriel ne s’est pas embarrassé d’une telle subtilité. Pour lui, la question était "oui ou non au maintien dans la zone euro". Son hostilité l’a conduit à un aveu de taille. Il a en effet déclaré que le problème tenait au fait que le gouvernement grec veut en fait "politiquement, idéologiquement une autre zone euro" que celle qui existe. Or pour eux, les sociaux-démocrates européens, notamment allemands, sont convertis à l’ordo-libéralisme. Pour eux, le peuple est le problème. Il ne doit pas se mêler d’économie, ni même de politique d’ailleurs ! C’est ce qu’a dit crument le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker en affirmant qu’ « il ne peut pas y avoir de choix démocratique contre les traités européens » quatre jours après l’élection de Tsipras en janvier !

Rien n’a marché. Comment ont-ils pu passer à côté de la perception d’un peuple qui s’apprêtait à voter aussi massivement de cette façon ? 61 % de non constituent une victoire immense et sans appel. Elle explose la situation en retournant le piège du chantage contre ses auteurs. Que peuvent-ils faire à cette heure ? Tsipras a rassemblé tout son pays et enfoncé sa propre opposition interne qui dorénavant fait bloc au moins dans cette phase avec lui face à l’union européenne.

Mais avant de venir au moment présent, faisons le bilan et le résumé de la méthode du coup d’état qui a été tenté et qui a échoué. Premier temps a l’approche d’une échéance de remboursement, créer une crise de petite ampleur bien maitrisable mais dramatisée à l’extérieur. Là, la crise est déclenchée pour 1,5 milliards dus au FMI alors qu’il y a 19 milliards encore en réserve pour la Grèce à la banque centrale européenne ! A ce moment-là ils savent que les prochaines traites arrivent en juillet et qu’il faut en finir avant avec Tsipras. De cet instant date le durcissement de l’étranglement financier. Deuxième temps, après un premier niveau d’étranglement financier, le second vient par un resserrement brutal de l’accès à l’argent liquide pour créer la panique et les effets d’effondrements partiels qui impressionnent et terrorisent. Troisième temps une campagne de doute sur la détermination de l’adversaire pour ébranler ses soutiens. Quatrième temps jeter dans la balance toutes les émetteurs médiatiques pour disqualifier et inverser le sens du tableau. Je pense que dans un tel processus si nous ne nous laissons pas gagner par la peur nous pouvons trouver dans les méthodes de nos adversaires l’aliment essentiel de notre rebond. Le pays se sent en état de guerre et les élites semblent liées à l’ennemi, les médias sont vite vomis et ce qu’ils disent est transformé en indication du contraire de ce qu’il faut croire. Enfin nos adversaires n’ont pas de plan B. Dès que la situation leur échappe, à condition qu’ils s’en rendent compte à temps, ils ne savent plus que faire. A ce moment-là commence la discorde chez l’ennemi. Car si tous suivaient pour la victoire acquise d’avance, il en va tout autrement lorsque se dessine un désastre qui peut atteindre le système en profondeur. Dans ce moment, eux sont dans la position de défensive et nous à l’offensive. Et dans ce cas l’important est de creuser les divergences pour disperser l’énergie de l’adversaire. Les premiers propos de Hollande et de Junker montrent qu’on peut compter sur des débandades productives pour nous.

Pour nous, le peuple est la solution. Cette victoire éclatante ouvre donc une nouvelle page en Europe. Le choix est désormais entre l’austérité et la démocratie. Le peuple grec a choisi son camp. Et nous avec lui !

Les créanciers sont obligés à présent négocier pour trouver une solution qui ne les ruine pas. Ils doivent donc céder et peu importe la forme que prendra leur capitulation ! Il faut organiser la restructuration de la dette grecque. Commençons par décréter un moratoire pour discuter calmement des moyens techniques pour alléger le fardeau pour la Grèce. Mais le problème est plus global. La dette publique grecque n’est pas la seule dette illégitime et insoutenable en Europe. J’ai donc proposé que l’on organise une conférence européenne sur les dettes souveraines pour discuter du problème dans son ensemble et tenir compte des implications des décisions à prendre pour chaque pays sur ses voisins et l’équilibre financier en Europe. Evidemment, la France s’honorerait de prendre une telle initiative.

La balle est désormais dans les mains de l’Eurogroupe et de la Banque centrale européenne. La situation est la suivante : la Grèce ne veut pas sortir de la zone euro et aucun mécanisme n’existe dans les traités pour l’en exclure. Les discussions sur une éventuelle sortie de la zone euro sont donc de la propagande. Sauf à vouloir préparer les esprits à un coup de force supplémentaire, d’une ampleur inédite. La BCE peut techniquement éjecter de fait la Grèce de la zone euro. Il « suffit » pour cela de couper définitivement tout accès aux liquidités en euros aux banques grecques. Celles-ci s’écrouleront alors en quelques heures, obligeant le gouvernement grec à les nationaliser ou la banque de Grèce à leur fournir d’autres liquidités que des euros. Les conséquences sur le système bancaire et financier européen et mondial sont imprévisibles. Surtout, aucun traité ne prévoit ce droit pour la BCE ni pour personne dans l’Union européenne. L’euro est aussi la monnaie de la Grèce. Il lui appartient autant qu’aux autres. Le blocus monétaire déjà en vigueur est déjà une agression. L’éjection de la Grèce serait un acte de guerre. Une guerre dont les perdants principaux seraient le reste de l’Europe ! Sans oublier la commotion du capitalisme mondial que cela peut contenir. Je pense que le point n’est plus loin ou bien des gens vont se dire que mieux vaut changer de place madame Merkel que monsieur Tsipras !

Premier vote en Europe sur TAFTA

Mercredi 8 juillet, le Parlement européen se prononce sur le Grand Marché Transatlantique entre l’Union européenne et les États-Unis d’Amérique. Depuis que je combats ce projet et notamment depuis 2009 où je fus le seul candidat à mentionner son existence dans ma profession de foi européenne, tout a été rendu plus difficile à expliquer puisque le texte a changé plusieur fois de nom : les acronymes TAFTA ou TTIP après GMT ont bien embrouillé les pistes ! Le vote portera seulement sur un rapport d’initiative parlementaire. C’est-à-dire un texte sans aucune valeur juridique contraignante pour la Commission européenne ou le Conseil des chefs d’Etat. Il n’empêche, c’est un vote important. Un vote contre du Parlement européen serait une déflagration politique. Mais la droite et les sociaux-démocrates européens complotent ensemble pour que le texte soit adopté.

D’ailleurs, nous devions voter sur ce texte il y a un mois, le 10 juin. C’était sans compter les magouilles et l’autoritarisme de Martin Schulz, le président social-démocrate allemand du Parlement européen. La veille, le 9 juin, il a décidé tout seul que le vote serait reporté à plus tard, sans donner de nouvelle date. Pourquoi ? Officiellement en raison d’un trop grand nombre d’amendements empêchant un vote dans les conditions prévues initialement. Rires dans la salle, chacun se souvenant assez bien de ces séances où l’on vote en chaîne des dizaines d’amendements écrits et oraux a la cadence parfois d’un vote toutes les trois ou quatre secondes… Alors, le matin même, il a encore fait voter une motion repoussant aussi les débats ! Elle a été adoptée à 2 petites voix de majorité ! Ni voter ni débattre ! Du Schulz tout craché. Au Parlement européen comme en Grèce pour le « socialiste » Schulz, la démocratie est un encombrement. C’est que le malaise était bien plus profond. Si Schulz a reporté le vote, c’est qu’il craignait de le perdre !

En effet, le refus de ce projet grandit partout en Europe : ONG, syndicats, associations écologistes, défenseurs des libertés numériques… tous alertent sur le danger que représente ce projet d’accord de libre-échange et de libre-investissement entre les deux rives nord de l’Atlantique. Une question rend ce projet encore plus dangereux. C’est celle de la possibilité offerte aux firmes transnationales d’attaquer des décisions publiques devant des tribunaux privés d’arbitrage sur le modèle de celui qui a donné 400 millions d’euros à Bernard Tapie. C’est une remise en cause fondamentale de la souveraineté des États et de l’égalité devant la loi. Cette justice privée favorise aussi les copinages et les magouilles. Ces tribunaux d’arbitrage s’appellent en anglais ISDS – Investor-State-Dispute-Settlement : mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États. Derrière des formules tortueuses, les sociaux-démocrates européens se sont ralliés à ces tribunaux. Ils en contestent quelques modalités mais en acceptent le principe. C’est officiel depuis une réunion des dirigeants sociaux-démocrates européen à Madrid en février en présence de Manuel Valls. 

Le report du vote prévu le 10 juin dernier était une première victoire. Je ne suis pas peu fier d’avoir été le premier, et le seul, à avoir parlé de ce sujet dans la campagne européenne de 2009 et dans la campagne présidentielle de 2012. A l’époque, on m’accusait de faire de « l’anti-américanisme primaire ». Mme Le Pen, elle, est une opposante de pacotille à ce Grand Marché Transatlantique. Le 28 mai dernier, la commission du Parlement européen chargé du Commerce international examinait le texte et discutait de ce projet funeste. Mme Le Pen est membre de cette commission. Elle n’était pas là pour ce débat et ce vote ! Son suppléant Aymeric Chauprade non plus d’ailleurs ! Pour ma part, j’ai voté contre le 31 mars dans la commission des Affaires étrangères où je siège.

Depuis 2009, sous la pression citoyenne, les écologistes ont rejoint le camp du « non » à ce traité alors que Daniel Cohn-Bendit a soutenu les premières résolutions en sa faveur. Désormais, il y a même des sociaux-démocrates pour s’opposer au texte. Je me souviens pourtant comment Benoît Hamon avait adopté sa première version au début du processus à la fin des années quatre-vingt-dix ! Mais ce sont évidemment les tribunaux d’arbitrage qu’ils ont le plus de mal à avaler ! Le 10 juin, une large partie d’entre eux menaçaient de ne pas voter la résolution proposée. Or, comme tous les textes au Parlement européen, cette résolution ne peut mathématiquement être adoptée qu’avec un accord entre la droite et les sociaux-démocrates ou au moins une large partie d’entre eux. C’est la grande coalition à l’allemande qui dirige l’Europe. Sans ces voix, Martin Schulz risquait de voir le texte rejeté. Il a donc préféré déterrer un article du règlement pour bâillonner le Parlement européen.

Depuis le 10 juin, Martin Schulz a donc travaillé pour « retourner » une partie des membres du groupe social-démocrate en faveur de ce projet. Le tout en lien avec le rapporteur du texte, un autre social-démocrate allemand. Pour ma part, mon opposition à ce projet de grand marché est constante et totale. Je suis contre cette nouvelle déréglementation des échanges puisque je prône un protectionnisme solidaire. Je suis contre les droits spécifiques reconnus aux multinationales et aux « investisseurs ». Je suis contre le renforcement de l’arrimage de l’Europe aux États-Unis au moment où ceux-ci nous espionnent et nous engagent dans une guerre contre la Russie en Ukraine. Je vote donc contre ce projet. Je ne serai pas seul, croyez-moi bien. Et une fois de plus il sera très intéressant de regarder comment chacun vote, notamment dans la délégation des socialistes. Et parmi eux, il faut regarder de près le vote des députés PS français.


110 commentaires à “Il a la classe notre Tsipras, tra-la-la-la-lère !”
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  1. Strummer dit :

    Tout ça pour sauver le totem Euro.
    Désolé @Yohann V mais ce n'est pas les gens qui critiquent aujourd'hui Tsipras qui retournent voter PS mais bien ceux qui le soutiennent aveuglément. C'est à vous de devoir voter PS. Aucune différence avec le projet Grec.

  2. Claude dit :

    Quand je lis les commentaires d'aujourd'hui et l'entêtement qu'on peut y lire, je comprends mieux pourquoi "notre extrême-gauche" n'arrive à rien.
    Vouloir une société beaucoup plus à gauche, oui, mille fois oui. Mais avec l'esprit bloqué par l'idéologie obsessionnelle et, donc, en ne tenant pas compte de tous les paramètres, ça ne marchera pas.

  3. naif dit :

    Et si nous assistions à du judo politique. Au Judo, ce n’est pas la force qui permet de gagner un combat mais plutôt la capacité à utiliser la force et la vitesse de l’adversaire pour le déséquilibrer et l’envoyer au sol. Pour ce faire, les judokas utilisent des techniques de projection debout faisant intervenir les jambes, les bras et les hanches. Il existe aussi des techniques de sacrifice consistant à sacrifier son équilibre pour faire tomber l’adversaire.

  4. Sophie Clerc dit :

    L'objectif, c'est la réalisation du programme "l'humain d'abord" adapté à chaque pays Le "comment" passe par l'abandon de la politique d'austérité et son remplacement par l'éco-socialisme. Un "comment" qui implique pour commencer une mise en lumière crue et une dénonciation tonitruante et persévérante des manigances de la finance internationale et de ses fers de lance, troïka, Merkel, Schäuble (prononcé Scheuijblè) et compagnie. Tout va dans le bon sens (d'où les éructations médiatiques). Il faut tenir, ne pas lâcher le morceau, ne pas douter !

  5. Vassiviere dit :

    Les fans de I télé et de BFM sont à la manœuvre sur ce blog. Quelle violence ! Rusé comme Ulysse vous disait Sapir, mais vous préférez hurler avec les loups. Et si Tsipras assortissait ses propositions de conditions inacceptables pour l'Allemagne ? Et si l'imposition sur les grandes fortunes renversaient la table ? Et si les mesures sur les retraites ne s'appliquaient qu'en 2019, le temps qu'elles ne soient plus nécessaires ? Etc... Et si Tsipras se montrait une fois de plus plus fort que vous tous.

  6. Yohann V dit :

    Tout à fais d'accord avec Sophie Clerc, il ne faut pas confondre cynisme et pragmatisme. Dans la situation présente le cynisme serait de dire "Tsipras a plié, j'en suis sur, il a trahi son peuple", le pragmatisme serait de dire après le référendum il y a eu une réunion de l’Eurogroupe de quatre heures et un sommet de l’Eurozone de deux heures et nous ne savons pas ce qui s'est dit, nous ne sommes donc pas en moyen de préjuger aujourd'hui de la stratégie de Tsipras. Nous pourrons dire il a trahi dans quelque temps mais il est trop tôt pour céder ne serait-ce qu'un pouce aux tentatives de déstabilisation quelque soit leurs origines.

  7. Girouette dit :

    @Vassiviere
    Il va falloir faire preuve de beaucoup d'imagination, tout de même, et d'éducation populaire pour nous faire digérer que les mesures que vient de proposer Tsipras ne sont pas celles demandés par les créanciers, qu'il ne s'est pas couché sous la table, et que tout celà fait partie d'un vaste plan machiavélique pour dire non à l'austérité. Beaucoup.
    Jean Luc si tu me lis, je ne te conseille pas de te lancer dans cet exercice suicidaire, et plutôt d'être honnête dans ton analyse, personne ne te tiendras rigueur de dire la vérité sur la situation. Déçus, je crois que nous le sommes tous. La digestion est dure, j'y croyais moi même.

  8. Claude dit :

    @Vassiviere
    Et si vous aviez oublié qu'il n'y avait pas que l'Allemagne à renâcler à l'idée d'encore prêter ou donner à la Grèce ? Car non, l'Allemagne n'est pas isolée. Ce serait bien trop simple. Le manichéisme, ça ne fonctionne pas. Il faut toujours dresser un tableau complet, objectif, des situations rencontrées. Sinon, toute lutte (à moins qu'elle ne soit violente, et encore) est vouée à l'échec. Et l'échec, on ne le connaît malheureusement que trop bien.

  9. jeannine dit :

    Eh bien dites donc quelle avalanche de critiques, pour dire ça calmement, contre Tsipras, qui était hier porté au pinacle par les mêmes ! Pas très mature tout ça. Que pensiez vous que c'était la fée Alexis face a une nuée de moustiques ? Vous commentez a l'envi mais, et nous a part tapoter sur le clavier que faisons nous de plus fort que ce qu'a fait notre camarade grec ? Allons un peu de jujotte et laissez-lui le temps de faire sa politique car lui, Tsipras, il fait de la politique! Il est le capitaine d'un gros bateau qui s'appelle la Grèce et qui a des êtres humains en souffrance et en désespérance, a son bord.
    Courage et bon vent Capitaine Tsipras.

  10. Quel que soit le résultat du bras de fer entre Syriza et l'Europe, il nous faut prendre le relais tendu par le peuple grec. C'est-à-dire mettre de côté ma mascarade des régionales et nous brancher sur Stop TAFTA ! No TAFTA ! No Troïka ! Libertad ! L'acceptation de ce foutu traité signerait le début de notre esclavage et le victoire de Big Brother.


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