21juin 07

Tribune de Jean-Luc Mélenchon publiée dans Le Figaro le 21 juin 2007

Pour modifier la constitution, Sarkozy n’a pas une majorité assez large

C’est une conséquence méconnue du résultat mitigé de l’UMP aux élections législatives. Si la majorité présidentielle disposera effectivement de la majorité absolue à l’Assemblée nationale, elle ne parvient pas, même étendue à l’ensemble des centristes, à atteindre la majorité des 3/5 des membres du Parlement, indispensable pour réviser la Constitution par voie parlementaire. Le choix de Nicolas Sarkozy de se passer de l’avis des Français pour faire adopter sans référendum son traité européen « simplifié » est donc compromis. En effet, sauf coup de théâtre au Conseil constitutionnel, ce projet de traité ne pourra être ratifié par la France que si l’on procède à une nouvelle révision de notre Constitution. Depuis février 2005, l’article 88-1 de la Constitution prévoit en effet explicitement que la France « peut participer à l’Union européenne dans les conditions prévues par le traité établissant une Constitution pour l’Europe signé le 29 octobre 2004 ». Cet article étant obsolète depuis le vote Non des Français le 29 mai 2005, il devra être révisé si un nouveau traité européen voit le jour.
La majorité présidentielle devra donc obligatoirement composer avec l’opposition de gauche pour réviser la constitution sur la question européenne. Si elle le décide, l’opposition de gauche sera en mesure d’obliger l’exécutif à soumettre cette révision au référendum. Car pendant la campagne présidentielle, toute la gauche s’est retrouvée pour exiger une nouvelle consultation des Français par référendum sur un nouveau traité européen. J’estime qu’en élisant un plus grand nombre de députés de gauche qu’en 2002, les électeurs ont donné à la gauche les moyens d’imposer cette consultation du peuple.
Depuis le dimanche 17 juin 2007, Nicolas Sarkozy ne peut plus faire croire aux autres pays de l’Union européenne que la ratification de son traité européen simplifié ira de soi en France. Il ne peut pas leur garantir à l’avance la réponse des Français quel que soit le contenu social et démocratique du nouveau traité.
C’est un élément nouveau qui fait irruption dans les négociations du Conseil européen des 21 et 22 juin. Cela devrait inciter les chefs d’Etats et de gouvernement européens à renoncer au contournement du Non des Français et des Hollandais. Cela devrait aussi les inciter à abandonner pour de bon une méthode qui pense pouvoir se dispenser de l’implication populaire dans la poursuite de la construction européenne. Et à envisager, pour organiser la réforme constitutionnelle de l’Union européenne, des méthodes nouvelles plus respectueuses des traditions démocratiques pourtant en vigueur dans les 27 Etats membres. Il existe pour cela un organe : le Parlement européen. Il peut recevoir un mandat constituant en 2009. Il suffit de le décider sans avoir aucune autre construction baroque à mettre en place comme le fut la prétendue « Convention » présidée par monsieur Giscard d’Estaing. Le périmètre du champ constituant est lui aussi parfaitement délimité d’ores et déjà. Il suffit de le limiter à l’organisation des compétences déjà déléguées par les nations à l’échelon européen. Je ne mentionne ces pistes que pour signaler à quel point le chemin est simplement praticable. D’autres propositions pourraient être faites évidemment.
Je sais que le Conseil constitutionnel, passant outre le vote négatif du référendum pourrait arguer que la révision de la Constitution (article 88-1 précité) déjà opérée en février 2005 par le Congrès du Parlement vaudrait encore pour les incompatibilités constitutionnelles que le traité simplifié pourrait présenter. Alors il n’y aurait plus besoin de nouvelle modification constitutionnelle et donc un vote à la majorité simple suffirait pour ratifier le traité européen simplifié comme un traité ordinaire. Mais alors une rupture fondamentale serait opérée. Le peuple français pourrait alors se détacher durablement de la construction européenne elle-même qu’il percevrait comme le résultat d’un coup de force permanent contre son vote du 29 mai 2005.



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