14juin 07

Interview parue le  jeudi 14 juin 2007 dans l’Humanité – Entretien réalisé par Dominique Bègles

Sénateur socialiste, président du mouvement Pour la République sociale, Jean-Luc Mélenchon privilégie un processus à l’allemande et pense au divorce avec la rue Solférino.

Vous serez présent dans quelques heures au congrès fondateur du Die Linke en Allemagne. Pourquoi donnez-vous une telle importance à ce moment politique d’outre-Rhin ?

Jean-Luc Mélenchon. Le processus de constitution de cette formation n’est évidemment pas transposable en France. En revanche, ce qui est directement transposable est la situation d’impasse de la social-démocratie allemande aboutissant à ce qu’un secteur de celle-ci, tant sur le plan électoral que militant, décide de s’engager dans un processus de construction politique original. Cette impasse est emblématique. L’Allemagne et la Grande-Bretagne sont le coeur de la social-démocratie internationale. Dans ces deux pays aujourd, les sociaux-démocrates sont des acteurs enthousiastes du démantèlement de l’État social qu’ils ont eux-mêmes construit. Ils arrivent ainsi au bout de la politique d’accompagnement de la mondialisation libérale. Un seul exemple : dans ces deux pays, ils participent à l’allongement de l’âge de la retraite, comme tous les autres partis sociaux-démocrates d’Europe. Cette impasse stratégique, ce renoncement à transformer la société, nous concerne : elle n’est ni allemande ni anglaise mais internationale. Nous sommes donc directement impliqués par l’évènement. C’est sans doute aussi le moment, ici, de se demander s’il est bien l’heure de se découvrir une vocation sociale-démocrate qui n’a jamais été dans la tradition du socialisme français.

Considérez-vous ce scénario à allemande comme une piste pour la gauche française ?

Jean-Luc Mélenchon. Je suis cette évolution depuis les premières heures. J’ai participé à plusieurs réunions avec Oskar Lafontaine. J’ai la conviction que nous pouvons y trouver une source d’inspiration très forte pour notre propre travail de construction politique en France. Après l’observation des conséquences de la chute du communisme d’État, on est en train de découvrir la catastrophe qui frappe la social-démocratie internationale. Pour ma part, je crois que la formule et la méthode de construction de ce nouveau parti peuvent nous donner une indication sur ce que nous avons nous-mêmes à faire. J’y vois une des issues possibles de la crise de la gauche en France. C’est celle que je privilégie à cette heure. J’observe de la part des communistes français une volonté de dépassement des formes politiques anciennes, tout en ayant le souci de protéger leur identité. Le même souci existe chez une partie des militants socialistes qui n’acceptent pas de se résigner à une fumeuse orientation sociale-démocrate, ni à un tropisme pour le centre. Ceux-là ne veulent pas qu’on substitue à l’aspiration sociale des Français une inclination préférentielle pour les revendications sociétales des classes moyennes supérieures des centres-villes.

En France, cela signifierait une double rupture : celle entre vous et le PS actuel, et celle du PCF avec son passé. La situation vous semble-t-elle s’y prêter ?

Jean-Luc Mélenchon. Je suis obligé de constater une évolution du PS dans le sens d’une mise aux normes européennes. La gauche du PS est de plus en plus un alibi pour ce parti. Elle n’est plus admise à jouer un rôle actif dans le mouvement socialiste. Il suffit de voir comment cette gauche, ses idées et ses représentants ont été traités pendant la campagne présidentielle. Les choses se sont depuis considérablement aggravées avec les surenchères vers le centre. La question du divorce commence à être posée. Elle n’est toutefois pas tranchée. D’ailleurs à l’heure actuelle il n’existe pas d’alternative. Les communistes n’ont pas encore fait ouvertement le choix de la construction d’une force nouvelle. Leur choix sera tout à fait décisif. Un projet alternatif doit avoir trois caractéristiques : être républicain, de gauche et gouvernemental. Sur ces points, la convergence est extrêmement avancée entre PRS et le PCF d’aujourd’hui. Reste le facteur déclenchant : la décision des communistes. Ce n’est pas la première fois que je lance cet appel. Dans la présidentielle j’ai parlé « de l’union dans l’union ». J’ai voulu montrer qu’une affirmation identitaire n’est pas contradictoire avec une affirmation unitaire.



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