27avr 07

Interview publiée le vendredi 27 avril 2007 dans l’Humanité - Entretien réalisé par Rosa Moussaoui

Pour Jean-Luc Mélenchon, sénateur socialiste de l’Essonne, un accord avec le dirigeant de l’UDF distendrait les liens avec une part de l’électorat de gauche.

Vous refusez toute perspective d’alliance politique avec l’UDF. Mais Ségolène Royal a-t-elle le choix ?

Jean-Luc Mélenchon. S’adresser aux électeurs de M. Bayrou est une chose. Entrer dans une logique d’alliance comportant des ministres au gouvernement et des accords de désistement dans les circonscriptions en est une autre. S’adresser aux électeurs, et le faire d’une manière convaincante, par l’entremise d’un débat public, mille fois oui. C’est ainsi que l’on peut faire de ce deuxième tour un moment de débat transparent et utile aux citoyens. D’autant que de nombreux électeurs de M. Bayrou ont voté pour lui de manière contextuelle, le pensant le mieux placé pour battre Nicolas Sarkozy. Une grande partie d’entre eux sont des électeurs de gauche, mécontents du Parti socialiste, qu’ils ont jugé en décalage avec leurs attentes. Je pense, par exemple, à certains enseignants. Il y a aussi ces millions de citoyens qui participent à des élections pour la première fois. Ce sont des coeurs à prendre. Ils devront faire, au deuxième tour, un choix différent du premier. Il faut évidemment s’adresser à eux, les convaincre. Mais un accord politique avec l’UDF relève d’un tout autre registre. Une large part des électeurs de gauche y est opposée. Parmi ceux qui ont choisi Ségolène Royal le 22 avril se trouvent, en outre, des communistes, des altermondialistes ayant pratiqué le « vote utile ». Ceux-là sont d’accord pour un débat avec les électeurs de M. Bayrou. Pas avec un accord politique. Nous devons en tenir compte.

Ces positions vous valent d’être qualifié par un éditorialiste (1) de « dinosaure chez lequel la réalité met longtemps à arriver jusqu’au cerveau »…

Jean-Luc Mélenchon. Je suis très surpris de la violence de certains journalistes. Parmi les politiques, personne ne me parle ainsi. Les insultes n’ont pas leur place dans le débat démocratique.

Ce débat est-il conjoncturel ou renvoie-t-il a des options de long terme défendues par les uns et les autres au sein du Parti socialiste ?

Jean-Luc Mélenchon. Il y a un débat conjoncturel, lié à des choix tactiques que je désapprouve, mais que l’on peut comprendre. D’ailleurs ma récente intervention, en brisant le gel, n’est pas étrangère à la clarification dont Julien Dray s’est fait l’écho en distinguant l’adresse aux électeurs de M. Bayrou et la perspective d’un renversement d’alliances. Mais certains voient dans cette séquence politique l’occasion rêvée d’accomplir ce que les socialistes français ont refusé ces trente dernières années : pousser le PS à un changement de centre de gravité.

L’effondrement des partenaires de gauche du PS ne rend-il pas incontournable cette ligne de recentrage ?

Jean-Luc Mélenchon. L’affaiblissement de la gauche autour du PS ouvre la voie à ceux qui poussent dans ce sens. C’est une évidence. C’est la raison pour laquelle en novembre dernier, j’avais mis en garde l’autre gauche contre des divisions qui lui ont été préjudiciables et font aujourd’hui le jeu d’autres stratégies d’alliances. Il serait néanmoins très injuste de reprocher à cette autre gauche sa faiblesse tout en se félicitant du vote utile qui, précisément, l’a affaiblie. Considérer cette autre gauche, en particulier les communistes, à l’aune de ce seul résultat électoral serait un contresens total.

Où est, pour vous, la clé d’une victoire de la candidate socialiste ?

Jean-Luc Mélenchon. Elle est dans le rassemblement de la gauche, dans le travail d’éducation populaire de terrain et dans l’interpellation, que j’approuve, des électeurs de M. Bayrou. Je le répète, ma conviction profonde est que le centre n’existe pas. Ce qui existe, ce sont les électeurs de M. Bayrou, qui devront faire un choix au second tour.

(1) Libération du 26 avril.



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