10oct 13

Interview publiée dans le Parisien du 6 octobre 2013

« Hollande est un homme d’embrouilles »

Ce billet a été lu 1  312 fois.

Le leader du Parti de gauche en est persuadé : face aux espoirs déçus par la gauche au pouvoir, il y aura de « grosses surprises électorales ».

Que pensez-vous de la bataille contre le travail le dimanche qui oppose salariés et syndicats?

JEAN-LUC MÉLENCHON. Le repos, deux jours consécutifs, au même moment, pour tout le monde, garantit la cohérence de la vie en société : libres ensemble! L'idéal de la vie de famille, ce n'est pas de se balader dans les galeries marchandes le dimanche. On peut sortir du temps des marchands!
Mais quand les employés eux-mêmes le réclament pour mieux gagner leur vie?
Ils y sont contraints, et c'est cruel. Pour gagner plus, il y a aussi les augmentations de salaires. Ceux qui choisiront de travailler le dimanche ne doivent pas oublier ceux qui n'auront plus le choix et à qui on dit : le seul emploi à t'offrir, c'est la nuit ou le dimanche. Les grands patrons n'ont aucune limite. Le soi-disant gouvernement de gauche leur résiste-t-il? Au contraire. Dès qu'il est question d'une demande patronale, Hollande fait de la « calinothérapie ».

Vous n'exagérez pas?

Non. Voyez ces rappels à la loi très brutaux contre les Roms. Puis deux grandes firmes décident de passer outre la loi et d'ouvrir quand même le dimanche. Les traite-t-on pour autant comme des délinquants? Non, Ayrault organise une conférence au sommet pour voir comment leur donner raison. Les désirs des puissants sont toujours les bienvenus pour ce gouvernement.

Partagez-vous l'inquiétude sur les nouveaux rythmes scolaires?

C'est très discuté. Les choses qui nous posent le plus problème dans cette nouvelle organisation, c'est l'inégalité entre les écoles, la porte ouverte aux marchands de temps périscolaire et la dévalorisation du métier d'enseignant.

Vous appelez à voter contre le budget 2014 dont le débat s'ouvre cette semaine à l'Assemblée. Pourquoi?

Nos parlementaires (NDLR : du Front de gauche) décident seuls. C'est dommage. Sans vouloir les caporaliser, je trouverai normal un travail plus collectif pour nous éclairer les uns les autres. En tout cas, c'est un budget de récession pire encore que les précédents. Les versements de l'Etat aux communes sont dévastés. L'austérité va se répandre dans le moindre territoire.

Qu'avez-vous pensé du débat sur le « ras-le-bol fiscal » au sein du gouvernement?

Inepte! Pour aider à relancer l'activité, il faut répartir l'effort fiscal. Or, on le concentre sur 5 tranches d'impôts. Ce gouvernement a deux bêtes de somme : les ouvriers et les classes moyennes! Comme la droite, pour lui, le grand ennemi, c'est le coût du travail.Pas celui du capital. Il néglige la guerre à la fraude fiscale. Elle coûte pourtant plus que la dette chaque année : 80 Mds€. 

A l'approche des municipales, la côte de popularité de François Hollande vous surprend-elle?

Il a trompé beaucoup de monde et il continue. Ainsi, quand il va à Florange proposer de convertir les fondeurs en chercheurs, qui peut le prendre au sérieux? C'est même humiliant. Il réunit toutes les conditions pour être détesté. Le désespoir qu'il répand sert la soupe aux Le Pen.

Les déclarations de Manuel Valls sur les Roms vous ont-elles heurté?

Il a confirmé les thèses du FN selon lesquelles certaines personnes sont inassimilables. Il a fait de 17000 malheureux les boucs émissaires de toutes les souffrances du pays. Minable.

Cécile Duflot a-t-elle raison de rester au gouvernement?

Sa position est intenable. Le Président ignore l'écologie politique. Puis il arbitre en faveur deManuel Valls. Hollande la teste. C'est un dompteur de faibles. Pour ça, il commence par diviser. Il a divisé les syndicats sur l'accord national interprofessionnel (qui porte sur la compétitivité des entreprises et la sécurisation de l'emploi), sur les retraites, il magouille pour diviser le Front de gauche. Maintenant, il explose ses alliés écolos… C'est sans fin. Ce n'est pas un homme de synthèse, c'est un homme d'embrouilles. Au PS, il passait son temps à cela pour mieux régner. Mais la France n'est pas le préau d'école de la rue de Solferino.

Que dites-vous à Noël Mamère qui quitte les Verts?

Il enlève la muselière et retrouve sa liberté de parole? Je dis Bienvenue au club! Une nouvelle gauche va se construire dans les municipales. Nous tiendrons l'objectif : des listes autonomes dans toutes les villes de plus de 20000 habitants. Presque partout heureusement, avec les communistes. Mais de façon significative aussi avec Europe Ecologie-les Verts (EELV) : ce sera le cas à Rennes, Cholet, sans doute Grenoble. C'est la nouvelle gauche sans muselière! Son rassemblement s'élargit. Il y aura de grosses surprises électorales!

Avec le Parti communiste, vos points de vue se sont-ils rapprochés?

Comme prévu! Ma ligne est bien partagée (Pierre Laurent, patron du PCF, a pourtant pris son contre-pied en affirmant hier que le « maître-mot n'est pas l'autonomie mais le rassemblement »). A l'heure où je parle, presque toutes les grandes capitales régionales auront des listes autonomes au premier tour. Lille, Le Havre, Marseille, Rouen, Grenoble. Restent des villes emblématiques : Paris, Evry, Nantes et Toulouse. A Paris, les militants PC votent : j'ai confiance en eux. Danielle Simonet devrait mener une liste.

A Paris, pourquoi Anne Hidalgo ne peut-elle être pour vous une candidate d'union dès le premier tour?

C'est l'équipe de Hollande. Une femme du vieux PS féodal, des barons arrogants, reconduisant les mêmes équipes. Les muselières sont distribuées avec les places.

Propos recueillis par Martine Chevalet



Blog basé sur Wordpress © 2009/2015 INFO Service - V3 Archive