25mar 13

Interview parue dans Sud Ouest le 23 mars

« L’extrême droite ou nous »

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Municipales, Europe, Chypre, alliance avec le PC : du « lourd » au congrès du parti de Mélenchon, qui se tient ce week-end à Bordeaux. Jean-Luc Mélenchon à propos de la crise chypriote : « L'euro est devenu le garrot avec lequel on étrangle en silence les peuples ». 

Quel est l'enjeu de ce congrès ?

L'essentiel sera d'adopter notre projet écosocialiste. De tracer une ligne d'horizon et de décliner une doctrine. Cela inclut le passage à la VIe République, et surtout un autre partage des richesses. Sans projet global, la politique ne peut demeurer que politicienne. Ce congrès est également celui de l'affirmation d'une stratégie : l'autonomie conquérante face au PS ! Pour la première fois depuis trente ans, une autre gauche, la nôtre, a fait un score à deux chiffres à une élection présidentielle. Nous sommes candidats à gouverner le pays. Cela nous oblige à être concrets. Mais un autre enjeu vient de surgir avec l'affaire chypriote. D'ici à dimanche, nous devons penser autrement notre rapport à l'Europe et à l'euro. Une page est en train de se tourner. Pis : à l'heure où nous parlons, nous ne savons pas si le système bancaire européen ne va pas s'effondrer dans les quarante-huit heures.

Cette crise majeure à quelques jours du congrès du Parti de gauche, c'est un signe ?

Oui : l'histoire s'accélère. Pour préparer ce congrès, je suis allé dans les pays du Maghreb. Le « Qu'ils s'en aillent tous ! » a déjà gagné l'Espagne et l'Italie, et arrivera inévitablement en France. L'épicentre de la révolution citoyenne et de la réponse à la domination allemande qui s'annoncent se trouve en Europe du Sud, où se concentre la crise. Le fait que le banquier central ait été capable, malgré le rejet du plan d'austérité par un Parlement, de décider tout seul de couper le robinet de l'euro à Chypre change tout le paysage politique de l'Europe. Nous sommes bien avec une fédération d'États-nations sans gouvernement démocratique et avec un autocrate absolu qui, de sa banque, peut décider de couper la gorge d'un peuple. Pour moi, c'est un franchissement de seuil. L'euro est devenu le garrot avec lequel on étrangle les peuples. Cela n'était pas prévu, mais cette question s'impose évidemment dans le congrès.

Vous allez prôner la sortie de l'euro ? 

Le dire reviendrait à capituler et à clamer la victoire de Mme Merkel. Mais, s'il faut choisir entre la souveraineté des Français et l'euro allemand, nous n'aurons pas peur de choisir la souveraineté. Les Français sont des naïfs. Le couple franco-allemand avait été constitué par de Gaulle et Adenauer sur le principe de l'égalité pure et parfaite. À l'époque, l'Allemagne était moins peuplée que la France, dévastée, coupable de crimes contre l'humanité et coupée en deux. Pourtant, nous avions traité à égalité.
La situation de déséquilibre, conjuguée à la pleutrerie de nos gouvernants face à Mme Merkel, est en train de nous conduire à un très grand désastre en Europe. Seule la puissance de la France peut obliger les gouvernements allemands à bouger pour repenser l'Europe. L'essentiel tient en un point : la Banque centrale doit prêter directement aux États pour les mettre à l'abri de la spéculation internationale.

La révolution citoyenne est-elle inévitable ? 

Elle est commencée, par la grève des urnes que montre l'abstention. Et aussi par la force des mouvements sociaux dans les entreprises privées. Au total, nous avons le sentiment d'être dans une course de vitesse avec l'extrême droite. Le peuple qui rejette le système choisira entre notre réponse et la leur. Le phénomène est présent dans toute l'Europe. Avec nos collègues grecs de Syriza et les Espagnols, nous sommes les plus avancés dans l'opinion de nos pays. En termes de réponse politique. Face au ronron politique de la caste dominante, notre devoir est d'être en position de rupture. C'est pourquoi je dis à mes camarades qu'on ne peut dissocier le programme de la fonction tribunicienne.

Comment allez-vous déjouer le « piège » des municipales, qui amèneront le PS à faire les yeux doux à vos camarades communistes du Front de gauche ?

L'important est de présenter une liste Front de gauche, au premier tour, dans toutes les très grandes villes. De façon à décliner localement notre programme national, dans son caractère de radicalité concrète. Après, dans un certain nombre de villes moyennes et petites, l'arbitrage viendra des circonstances locales.
On ne va pas non plus faire la bêtise de faire gagner la droite. J'ai confiance. Chaque fois que la base communiste a voté, elle a toujours voté dans le sens de l'autonomie du Front de gauche.

Propos recueillis par Dominique de Laage



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