14avr 12

Interview publiée dans Ouest-France

Le projet du Front de Gauche

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Quelle analyse faites-vous de votre succès dans les sondages ?
Jean-Luc Mélenchon. D’abord, on a mené une campagne d’enracinement très méthodique. Ensuite ce fut la rencontre entre un rassemblement – le Front de gauche – et une situation politique bien plus explosive ou volatile que nos adversaires ne l’avaient imaginé. Tout le pronostic de départ était bâti sur cette idée : il y a une majorité antilibérale potentielle dans le pays. L’ultime condiment, c’est qu’il fallait trouver la personne dont le style, le caractère et le passé correspondaient à ce moment politique.

Votre projet sert à protester ou c’est un projet de gouvernement ?
Jean-Luc Mélenchon. C’est clairement un projet de gouvernement, de réorganisation de la vie institutionnelle, économique, sociale du pays. Le Front de gauche est une force politique porteuse d’une synthèse nouvelle et cohérente.

Qu’est-ce que vous mettez sous le terme de VIe République ?
Jean-Luc Mélenchon. Nous convoquerons une assemblée constituante. J’ai décrit des droits nouveaux que la nouvelle Constitution devrait à tout coup contenir : le droit de revenir sur une élection avec le référendum révocatoire, le droit à l’avortement, le droit de décider de sa fin de vie, l’égale dignité de tous les couples, l’instauration de la citoyenneté dans l’entreprise, ce qui veut dire un droit de préemption, un droit de veto sur les décisions stratégiques…

Toute cette espérance, que certains experts disent irréaliste, peut créer une désillusion terrible…
Jean-Luc Mélenchon. Certains économistes disent que c’est irréaliste, d’autres non ! Et il y a une discussion dans toute l’Europe : est-ce que l’on continue les politiques d’austérité et de contraction de la dépense publique sachant que, partout, cela provoque la récession ? La force que nous avons levée existera après l’élection. Quel que soit le vainqueur, il aura cette énorme puissance de revendication sur les bras.

Le projet peut-il s’appliquer en restant dans l’Europe ?
Jean-Luc Mélenchon. On n’est pas en train de confronter des schémas abstraits. Le schéma « austéritaire » est appliqué en Grèce, en Espagne, en Italie. Cela ne marche nulle part et, en Europe, tout le monde est en train de s’en rendre compte, les Allemands aussi ! Nous sommes vingt-sept, mais nous, la France, sommes la deuxième puissance. On ne fait pas l’Europe sans nous, ni contre nous.

1 700 milliards d’euros de dette en France. Vous en faites quoi ?
Jean-Luc Mélenchon. Ce ne sont pas 1 700 milliards qu’il faut payer cette année ! La durée moyenne d’un titre de dette, c’est 7 ans et 31 jours. Durant ces 7 ans, la France produit 14 000 milliards d’euros de richesses. Le stock de la dette représente 12,5 % de cette masse. Deuxièmement, nous payons autour de 50 milliards d’intérêts par an, la moitié du déficit de l’État, par rapport aux 2 000 milliards produits par le pays. Là aussi, je demande que l’on se calme. Il faut augmenter les recettes de l’État. Enfin, il y a la discussion avec la Banque centrale qui doit prêter aux États à 1 %, exactement le taux pratiqué aux banques. Qui veut que l’on appuie sur le bouton pour que l’on ne paie plus les intérêts ? Personne n’y a intérêt.

S’il y a une attaque spéculative le 7 mai, que faites-vous ?
Jean-Luc Mélenchon. Je ne laisse pas rentrer les titres spéculatifs dans les banques françaises. En cas d’attaque, il y aura un emprunt forcé sur les banques qui se refinanceront à 1 % à la Banque centrale. Pas besoin de loi, elle existe déjà !

Vous voulez sortir Nicolas Sarkozy. Mais seriez-vous prêts à faire élire Hollande ?
Jean-Luc Mélenchon. Je suis sur une ligne politique d’autonomie positive par rapport au PS. Autonomes, mais pas une politique de la terre brûlée. Nous avons une visée de long terme : le passage à la VIe République, la révolution citoyenne. Pour y arriver, il y a une condition de base, que M. Sarkozy parte. Hollande n’a pas hésité à dire que lui aussi voterait pour le candidat de gauche le mieux placé afin d’y arriver. Je dis comme lui.

La campagne du PS pour le vote utile est un coup bas ?
Jean-Luc Mélenchon. Les sondages montrent que plus je monte, plus la gauche tout entière monte.

Comment peut-on être écologiste et avoir des alliés pro nucléaire ?
Jean-Luc Mélenchon. Il ne faut pas vous méprendre sur l’évolution des communistes : parmi eux, il y a pas mal d'« écocologistes ». Vous le savez, je suis pour la sortie du nucléaire et certains électeurs vont nous rejoindre uniquement parce que nous proposons un référendum.

C’est le PS ou vous qui avez changé ?
Jean-Luc Mélenchon. Les deux. J’étais heureux en 1981 puis en 1997. On a changé beaucoup de choses. Mais les petites différences sont devenues des failles et les failles des fossés. En 2005, mon adhésion a explosé de l’intérieur : mon parti a voté oui et moi non. J’ai continué ailleurs autrement. Je suis un homme qui connaît le système socialiste, j’ai rompu avec lui. Mon chemin est ailleurs ! Le Front de gauche est désormais le recours de la gauche.

Recueilli par Laurent MARCHAND et Michel URVOY.



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