29mar 12

Interview publiée dans le Télégramme

Sur le Front National et le Parti Socialiste

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Vous  étiez absent à l'occasion des cérémonies de Toulouse et de Montauban,  alors que la plupart de vos concurrents y étaient. Pourquoi?
Jean-Luc Mélenchon. Je  pense que chacun a fait pour le mieux. Pour ma part, je me suis demandé  ce qui était le plus utile. Il s'agissait d'un acte solennel de l'État.  Le chef de l'État, chef des Armées, s'y trouvait ; par conséquent, on peut dire que le rôle était tenu. Ce jour-là, j'avais prévu des déplacements, en particulier en Seine-Saint-Denis. C'était un  rassemblement populaire. J'ai pensé qu'à ce moment, ma place était à cet  endroit pour y faire l'apologie de la fraternité, du rassemblement des  Français et du refus de se laisser entraîner par un tueur en série.  [...] C'est mon appréciation mais je ne fais pas la leçon aux autres.

Les sondages indiquent que le Front national est en tête dans l'électorat populaire. Comment ramener cet électorat vers la gauche et vers vous?
Jean-Luc Mélenchon. Il y a eu des années d'abandon. Il faut regarder avec attention ces sondages. Madame Le Pen  occupe en milieu populaire l'espace qu'occupait autrefois la droite. Nous avons donc assisté à un processus de radicalisation de la droite en  milieu populaire, qui est allée vers l'extrême droite. Ceci posé, l'immense majorité de la classe populaire ne se reconnaît pas dans  Madame Le Pen. L'électorat populaire se situe encore majoritairement à gauche. Que pouvons-nous faire? Il faut répondre aux attentes populaires, aux espérances qui sont des choses simples, des revendications de la vie quotidienne, comme pouvoir partir à la retraite quand c'est le moment – parce que la mortalité ouvrière est la plus forte -, comme avoir des  enfants correctement scolarisés. Le programme du Front de Gauche, qui repose sur un rude et rigoureux partage des richesses, permet de financer toutes les mesures populaires dans notre projet.

François Hollande est-il, à vos yeux, l'héritier de François Mitterrand, ou celui de Guy Mollet et de la SFIO des années 50 et 60?
Jean-Luc Mélenchon. [...] François Hollande ne se comporte pas du tout comme le faisait le Parti socialiste de François Mitterrand qui entretenait avec ses partenaires de gauche un dialogue public. François Hollande, tout au contraire, dit : « C'est mon programme, il est à prendre ou à laisser.» Cette méthode est sans précédent. On n'a jamais vu cela à aucun moment de l'histoire de la gauche. Jamais on n'avait vu un  dirigeant de gauche dire : « Maintenant, c'est la capitulation ou rien du  tout ». On ne peut donc pas le rapprocher de la méthode de François Mitterrand. Si on doit le rapprocher de quelqu'un ce serait de Jacques Delors dont  il est en quelque sorte l'héritier intellectuel. C'est une tendance de  la gauche. Je ne sous-estime pas l'importance de ce courant qu'il  affirme d'ailleurs avec beaucoup de force. Il propose ainsi de mettre le  concordat dans la Constitution, de donner un pouvoir réglementaire aux régions, ce qui revient à faire de la France une sorte de république  fédérale, ou qu'il se propose de ratifier intégralement la charte des langues régionales alors qu'une partie des articles est jugée  anticonstitutionnelles.

Allez-vous négocier entre les deux tours avec François Hollande?
Jean-Luc Mélenchon. Le candidat Hollande lui-même a déclaré qu'il n'y avait rien à négocier.  [...] Je ne vois donc pas pourquoi j'irais négocier au rabais des  objectifs que nous nous sommes donnés. Nous travaillerons à faire battre  Nicolas Sarkozy, mais quelles que soient les circonstances, nous  protégerons notre autonomie politique. Nous ne cesserons de viser nos objectifs de Révolution citoyenne et de partage des richesses, sans être  ficelés, tenus aux jambes de la manière odieuse avec laquelle les Verts  ont été cloués par un accord avec les socialistes qui les a ridiculisés  et détruits électoralement.

Propos recueillis par Philippe Reinhar.



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