02déc 06


Fresque de rue représentant le général Miranda, compagnon de la Révolution française à Valmy et fondateur avec Bolivar de la 1ère République démocratique du Venezuela en 1804.
Fresque de rue représentant le général Miranda, compagnon de la Révolution française à Valmy et fondateur avec Bolivar de la 1ère République démocratique du Venezuela en 1804.

Vérification faite, le feu d’artifice à cinq heures du matin, c’était l’opposition. Ca devait être des restes de celui tiré à dix heures hier soir en conclusion de la campagne de Manuel Rosales, le challenger de Chavez. Auparavant il avait réuni seize mille assesseurs dans les bureaux de vote pour donner ses consignes. Un discours modéré qui tranche avec l’exaltation habituelle des opposants dans ce pays. « Je veux un jeu propre pour que la volonté populaire soit respectée » a-t-il déclaré selon le journal El Universal que j’ai trouvé sur le pas de ma porte ce matin. « Nous n’accepterons pas les jeux sales. Et celui qui aura les votes, celui-là aura gagné ». Cette dernière phrase est la plus importante. Elle signifie qu’il reconnaîtra le résultat. C’est crucial dans la mesure où avant même le vote certaines forces contestent déjà le résultat.


Son score étant évalué à plus de trente pour cent, Rosales s’installe dans la durée en tant qu’alternative. C’est son but en face de la poussière de partis et groupuscules d’ancien régime qui maintiennent une ligne aventureuse de confrontation totale qui les a conduit d’une déroute de putsch, à l’échec d’une grève économique jusqu’à la volatilisation électorale. Le pays n’y trouvait guère son compte non seulement du fait de l’impact désastreux sur l’économie mais davantage encore du point de vue de sa cohésion. Le Vice président Rangel m’avait dit : « nous rêvons d’avoir une opposition et des débats contradictoires. Avec des aventuriers contre le gouvernement aucune vie normale n’est possible et c’est d’abord notre démocratie qui est la victime ». Ici on met donc les bouchées doubles pour rendre le scrutin irréprochable.

La publication des sondages est interdite depuis dimanche dernier. La propagande télévisée l’est depuis ce matin. La commission électorale nationale, institution constitutionnelle autonome et indépendante surveille et sanctionne à tour de bras ceux qui ne respectent pas à la lettre les règles qu’elle énonce, si je comprends correctement ce que je lis et que je crois ce que m’ont dit ses représentants ce matin. De plus 214 tribunaux pénaux sur les 782 que compte le pays seront ouverts toute la journée du vote pour trancher les litiges et plaintes qui pourraient surgir dans la journée du vote. De son côté le directeur général de Globovision a proclamé qu’il n’avait pas du tout l’intention d’annoncer le résultat du vote avant la commission électorale nationale et à son tour il a demandé la présence d’observateurs dans ses murs pour vérifier l’éthique de son comportement. En fait, les élections au Vénézuéla sont parmi les plus surveillées du monde avec plus de 300 observateurs internationaux et ceci du fait du gouvernement qui n’y est nullement obligé. Car aucune institution internationale n’a dénoncé quoique ce soit concernant la démocratie dans ce pays. Le président de la commission des affaires étrangères du parlement espagnol avait donc tort dans ses reproches hier à la présidente de la Commission électorale nationale, Lucena Tibisay. Il regrettait qu’une délégation d’observateurs parlementaires espagnols n’ait pas été acceptée. Elle lui répondit qu’aucun parlement en tant que tel n’avait été invité et qu’au demeurant aucun n’avait demandé à l’être, pas même l’espagnol.? Un ange est passé.

Ce matin les autorités concernées installaient les trente deux mille deux bureaux de vote du pays. Ce sera le vote le plus automatisé de l’histoire électorale du Venezuela. Nous, les observateurs avons passé la matinée en conférence à ce sujet. La commission nationale électorale nous présentait le système de vote électronique actuel.

Il se trouve que je suis très sceptique à propos des machines à voter. En France chaque fois qu’il en a été question j’ai toujours été très froid. J’ai donc écouté avec une attention particulière tout ce qui nous a été exposé ce matin et les réponses aux questions qui ont été posées ensuite avec une certaine pugnacité de la part de nombre des observateurs rassemblés. Puis je suis allé faire une


Démonstration et test des machines à voter
Démonstration et test des machines à voter

séance d’essai de la machine à voter. Et même deux, car il m’est venu des idées en faisant la première démonstration. J’ai donc joué un rôle sur mesure : celui du maladroit qui se trompe à toute les étapes en n’appuyant pas sur le bon bouton ou sur la bonne case. La machine est préparée à ça? Le gars qui me faisait la seconde démonstration beaucoup moins. J’ai bien vu qu’il se demandait où on avait pu dénicher un type pareil? En fait il s’agit d’un système de vote avec double comptage. On vote électroniquement. A chaque étape un écran projette en format géant ce que vous avez fait et vous demande si c’est bien ça que vous voulez. Puis une fois tout confirmé, la machine vous donne un reçu anonyme de votre vote mentionnant pour qui vous venez de voter. Ce reçu vous le déposez dans l’urne qui est là, exactement comme un bulletin de vote. Une fois le vote achevé et la centralisation électronique opérée automatiquement des vérifications par comparaison sont faites. Cette fois ci 54 % des machines seront vérifiées après le vote par l’audit de contrôle. Ces machines seront choisies aléatoirement. Je passe tous les détails innombrables de contrôle. A cette heure c’est moins la fiabilité du système électronique qui me laisse perplexe que son utilité. Pourquoi faire tout ça ? Mais je reconnais que cette question peut-être posée à propos de la plupart des mécanisations de processus hier réalisés sans technologie. De toute façon, en général, s’agissant de votes on peut poser comme règle que moins il y a d’intervention de tierce personne entre l’électeur et son bulletin de vote, plus sûr est le décompte. Si la machine est absolument fiable alors la méthode appliquée ici est fascinante. Franchement chaque étape ayant été décortiquée, je dois reconnaître que je suis moins sûr de ma méfiance à cette heure. Mais on aura compris que dans tout cela je pense davantage à mon pays qu’à celui-ci. Je suis dans mon mandat cependant. J’estime en effet que c’est la bonne façon d’être vigilant et bien dans la fonction d’un observateur sans complaisance. Je ne


Concert de cloture de cette journée, par un orchestre amateur financé par la Mission sociale de la Jeunesse.
Concert de cloture de cette journée, par un orchestre amateur financé par la Mission sociale de la Jeunesse.

supporterai rien ici que je ne supporterai pas aussi chez nous. Et l’inverse. Bonne façon de dire que nous aurons sans doute pas mal à apprendre de ce qui se fait ici, en matière d’organisation de la démocratie. Depuis l’idée d’une commission nationale électorale autonome et indépendante du ministère de l’intérieur, organisatrice et garante des élections jusqu’aux diverses disposition de la Constitution favorisant l’intervention des citoyens dans les processus de décisions politiques? Je rappelle que nous sommes ici dans la Caraïbe mal developée et non dans un canton suisse. Et pourtant, dans ce cas, les maldéveloppés, c’est nous !


Aucun commentaire à “Les maldéveloppés c’est nous …”
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  1. JuanK dit :

    Bueno, entonces que passa ahora con el processo democratico electronico ?

    La conf sur le MAS a été instructive sur le processus de réappropriation du "politique" par le peuple.

    Il serait souhaitable, et cela très largement, que le futur parti de la gauche antilibérale et républicaine s'en inspire.

  2. TODOMODO dit :

    Ca a l'air plus calme que les primaires au PS...

  3. TODOMODO dit :

    Les machines à voter sont largement utilisée en Amérique latine (Brésil depuis longtemps). Pourquoi ? Illetrisme.

  4. TODOMODO dit :

    En Novlangue on ne dit plus "en voie de développement" on dit "mal développés" maintenant?.

    Je propose de dire "pas-très-développés-à-cause-de-ces-fumiers-de-pays-capitalistes".

    On plus extrême gauche mais "gauche de la gauche" (par contre c'est bizarre les journalistes disent toujours extrême-droite). Je propose "à droite de la gauche" pour le PS version Royal et "à droite de la droite de la gauche" pour l'UMP. Ca a le mérite de tirer à la ligne pour les pisseurs de copies.

  5. les marques dit :

    euh... chais pas de quoi parle Mélenchon quand il dit nous... si c'est du PS, pas de problème, les lecons de tranparence électorale, ils les ont prises dans la corse des année 50-60...

    Sur les machines à voter, perso, je suis contre, définitivement, obstinément, et farouchement... l'informatique est un truc si facile à détourner-pirater...

  6. Bernard dit :

    Salut camarades,

    Jean-luc, ne sois pas trop enthousiaste envers le vote electronique. J'habite maintenant a Los Angeles depuis 3 ans, j'ai donc vu passer deux elections US. Ici, le vote electronique est/a ete central dans le bourrage des urnes en 2004 et 2006. Principalement, cela tranforme le depouillement local, pierre angulaire de la conformite des elections, en une "boite noire". Les scrutateurs locaux sont depouilles de leur role de "vigie" de la democratie. Les resultats ne "montent" plus depuis les bureaux de vote, ils "redescendent" depuis les centres de calcul. On voit evidement les risques.

    Bourrer les urnes localement, ca se voit bcp, et ca influe peu. Bourrer les urnes centralement, informatiquement, ca se voit pas, ca ne cree pas "d'etrangete" locale et discernable, c'est indolore. En plus, ils est possible de bourrer les urnes tres exactement du montant necessaire. Ca done un vote tres serre, et les eventuels contestataires sont traites de mauvais perdants. Ca vous rappelle qque chose ?

    Evidement, ce n'est pas le vote electronique en soi qui est nocif, c'est son usage.

    Ici, aux US, sa mise en oeuvre technique est incroyablement biaisee. Soyons technos un instant (election de 2004) :

    - Machines PC sous Windows 95, non patche.

    - Base de donnee sous MS Access son cryptee

    - Comptabilisation via connection "Remote Access Service"

    - Mot de passe "administateur" trivial et commun a TOUTES les machines

    Bref, un niveau de securite absoluement inexistant, et des militants US on prouve qu'il est materielement possible, et facile, de fausser les chiffres.

    Plus generalement, les machines a voter sont des ordinateurs avec des imprimantes. Et ca tombe en panne. Quand elle sont en panne, la capacite a les faire fonctionner et directement liee au niveau de competences techniques des scrutateurs. Ainsi le taux de pannes non resolues dans l'heure est evidement lie au groupe socio-educatif du bureau de vote. En francais: Les quartiers riches profitent de meilleures conditions de vote que les quartiers pauvres.

    Pour finir, 80% des votes US sont comptabilises pas une societe privee qui appartient... a des membres eminents du parti republicain.

    Le vote electronique demande un certain nombre de garanties que l'on peut resumer ainsi

    1 - utilisation de logiciel et systemes "Open Source"

    2 - Copie papier du vote imperative

    3 - Pas de sous-traitance privee de la comptabilisation

    4 - controle aleatoire de la veracite des tabulations

    Au fait, pourquoi le vote electronique ?

    On a des problemes avec le vote a bulletins secrets ?

    Si vous voulez plus d'informations, vous pouvez tenter de trouve une version de http://www.hbo.com/docs/programs/hackingdemocracy/

    Voir aussi http://www.blackboxvoting.org/ en anglais.

    Je peux aussi repondre a vos questions.

    /bernard/

  7. brigetoun ou brigitte.celerier dit :

    vous pouvez arrêter deux secondes avec la politique anti PS là ? Moi je trouve assez passionnant ce qui est dit sur la nécessité d'avoir une opposition structurée et sur la possibilité que les groupes excités des anti-Chavez découvrent l'exercice de la démocratie autrement qu'en slogan et il me semble que nous pourrions profiter de la présence de Jean Luc Mélanchon pour avoir son éclairage sur le Vénézuela, non ?

  8. TODOMODO dit :

    @ Bernard

    Comment? Marie-Ségolène Royal est élue présidente du Vénézuéla est personne ne m'informe?

  9. Gilles Vollant dit :

    En échange des médecins, le Venezuela devrait offrir ces machines à voter à son pays modèle, Cuba

  10. Moi dit :

    JL, acceptes tu et reconnais tu le résultat du vote du PS ?

  11. papou dit :

    Jean-Luc, c'est très bien le Venezuela mais reviens vite en france.SR vient de montrer sa nullité. Elle n'ira pas jusqu'en avril. Que faire?

  12. Jos? Angel dit :

    les Etats Unis ont fait mille fois plus de morts que Cuba, mais certains amis sociaux démocrates vouent un culte sans égale vis à vis des cow boys et trouvent insupportable l'existence de Cuba.

    on comprends mieux pourquoi ils lâchent tout aux libéraux. Pour eux le marché compte bien plus que les droits de l'homme.

    Pour preuve, depuis que la Chine s'est ouverts au libre échange, ils n'en ont plus après elle.

    Etonnant non ?

  13. Sylvain Z. dit :

    Sur la pauvreté au Venezuela

    Message pour les soc-dém victimes de leur innumérisme

    Cher socdem, je t'invite vivement à vérifier tes dires avant de raconter n'importe quoi. Voici tes mots sur Chavez :

    "malgré 8 années de pouvoir et une manne pétrolière considérable, n'a pas fait reculer d'un pouce la pauvreté dans son pays."

    Bon : les chiffres que j'avance sortent directement du PNUD, agence des nations unies que l'on ne peut pas qualifier de marxiste-léniniste...

    L'indicateur de pauvreté humaine qui est un indice composite prend en compte : les chance de survivre au-delà de 40 ans pour les nouveaux-nés; le taux d'analphabétisme des adultes; l'accès à un point d'eau et le taux d'enfants souffrant d'insuffisance pondérale.

    Cet indicateur est passé de 12,4 % en 1998 à 8,8 % en 2004.

    Le nombre de personnes vivant avec moins de 1 $ par jour est passé de 14,7 % à 8,3 % entre 1998 et 2004.

    Le nombre de personnes vivant avec moins de 2 $ par jous est passé de 47 % pour la moyenne de la période 1983-2000 à 27,6 % pour la prériode 1990-2004.

    Donc, avant d'avancer des aneries, on est mieux de s'informer correctement.

  14. Philippe LE CLERRE dit :

    Appel à vous Monsieur Mélenchon :

    J'anime la commission Amérique latine du MRAP, avec un groupe passionné par les transformations sociales et les projets, ainsi que par les positionnements politiques exprimés par certains dirigeants dans cette partie du monde. J'ai eu l'occasion de publier sur notre forum un article de votre blog qui avait convaincu plusieurs d'entre nous. Il parlait de l'ignorance et de la suffisance des politiques français (de gaucheen particulier) quant au vent d'imagination et de progrès qui souffle en Amérique.
    Personnellement, j'apprécie beaucoup vos prises de positions qui contrastent avec la dérive de plus en plus néolibérale d'une partie de la gauche et, malheureusement, avec un obscurcissement de la perception de ses valeurs de base.
    Nous avons décidé, en tant qu'antiracistes, de nous intéresser et de soutenir plus particulièrement le processus lancé en Bolivie il y a presque 2 ans et que les forces fascistes des nantis soutenus par M. Aznar, M. Bush et d'autres bien sûr, ont tenté de faire capoter. L'accès au pouvoir d'Evo Morales et de son équipe nous a paru extrêment symbolique, leur démarche nous a paru complètement digne d'être soutenue. Nous savons que le MAS tente, malgré les efforts d'une oligarchie quasi-fasciste, de donner la dignité à ce petit pays qui n'a pas voix au concert des nations.
    Je vous transmets ci-dessous un projet d'appel (en fait presque définitif) auquel vous ne serez sans doute pas indifférent. Il a été rédigé par un groupe composé très majoritairement de citoyens boliviens. Nous aideriez-vous en le signant avec nous et plusieurs associations ?

    Merci en tout cas de votre réponse.
    Très cordialement,
    Philippe LE CLERRE, Pdt Commission Amérique latine du MRAP

    Appel au rassemblement du 16 décembre

    Les organisations soussignées reconnaissent la qualité démocratique du processus d'élaboration du texte de la Constitution pluriculturelle bolivienne mise en place par le Président Evo Moralès et son gouvernement. La volonté de soumettre ce texte à une ratification par voix de référendum est un gage de la démarche démocratique.

    La nouvelle Constitution proposée a comme objectif essentiel de mettre fin à la structure coloniale du pays; elle vise à l'éradication du racisme et à une plus grande justice sociale.

    Elles dénoncent la campagne médiatique de l'oligarchie ultraminoritaire des provinces de l'est relayée par les médias nationaux et internationaux ainsi que par les forces antisociales et racistes qui cherchent à déstabiliser un gouvernement dont l'action est un sujet d'espoir pour le peuple bolivien, pour l'ensemble des peuples des Amériques et du monde.

    Elles appellent à un rassemblement de solidarité avec le peuple bolivien

    jeudi 16 décembre
    horaire à préciser
    Parvis des Droits de l'Homme
    Place du Trocadéro
    à Paris


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