L'argument de la semaine

Sarkozy ressuscite Camdessus, le Frankenstein du FMI

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Sarkozy a confié à Michel Camdessus, ex-président du FMI, la présidence d’un groupe de travail pour la mise en place d'une règle d’interdiction des déficits publics. Ce groupe de travail ne rendra son rapport définitif que dans le courant de l'été : une note d'étape a été présentée à la conférence du 20 mai 2010.

Qui est Michel Camdessus : du FMI au Vatican

Economiste français néo-libéral, Michel Camdessus est aujourd’hui consultant financier de l’Etat du Vatican, auprès duquel il a été recruté par Jean-Paul II comme membre du Conseil pontifical Justice et Paix, chargé de la promotion de la doctrine sociale de l’Eglise.
Michel CAMDESSUS est surtout tristement célèbre pour avoir présidé le Fonds monétaire international de 1987 à 2000 et pour lui avoir donné une impulsion très libérale et brutale à l’égard des pays les plus pauvres. Partout où il est passé, à coup de privatisations, de réductions des budgets sociaux et d’austérité monétaire, les économies émergentes ont trépassé. Les effets de sa thérapie de choc libérale ont été tellement dévastateurs pour les populations, que sa présence à la tête du FMI a fini par être une menace pour l’avenir de l’institution elle-même. Camdessus fut ainsi contraint de démissionner en 2000, un an avant la fin de son mandat.
Il faut dire qu’en 13 ans, sous sa direction, le FMI a aggravé ou même parfois directement déclenché une dizaine de crises financières majeures : Mexique (1994), Asie du Sud Est (1997-1998), Russie (1998), Brésil (1999), Argentine (2000-2001). Fin 1998, il vante ainsi au siège du FMI sa politique à l’égard de l’Argentine comme un véritable laboratoire : « L’Argentine a une histoire à raconter au monde : une histoire sur l’importance de la discipline fiscale, des changements structurels et une politique monétaire rigoureusement maintenue ». Au lieu de ça, l’Argentine offre quelques mois plus tard le spectacle d’une économie complètement ruinée par les crises financières et les recettes libérales. En à peine quelques mois, sous l’effet des mesures préconisées par le FMI, le taux de pauvreté va bondir de 25 % à près de 70 % de la population. De toute cette période de thérapie de choc libérale, la CNUCED conclura qu’elle a « provoqué le chaos en extrême orient et en Russie et neutralisé les progrès accomplis en Amérique latine ».
En dépit de ce bilan désastreux, Michel Camdessus va rester un économiste courtisé par la droite française. En 2004, Nicolas Sarkozy ministre des finances lui confie la rédaction d’un rapport sur la croissance. Considéré par Sarkozy lui-même comme son « livre de chevet », ce rapport théorise le « décrochage français » et propose pèle mêle de démanteler les 35h, ne remplacer qu’un fonctionnaire sur 2 partant en retraite, remplacer le CDI par un contrat de travail unique plus souple ou encore ne plus augmenter le SMIC. Autant de propositions qui ont directement alimenté les programmes du MEDEF, de Sarkozy et de Bayrou.
Michel Camdessus est enfin considéré comme proche de l’Opus Dei. A ce titre il est membre du conseil consultatif de l’école de commerce de l’Université de Navarre qui est directement gérée par l’Opus Dei. Il a également fait appel de 1996 à 1998 à un universitaire de l’Opus Dei, le professeur Juan José Torribio, pour l’assister comme directeur exécutif du FMI qu’il présidait.

Les travaux du groupe Camdessus sur l’interdiction des déficits publics

Le constat unilatéral du groupe de travail

La gravité de la situation de nos comptes publics est présentée comme une "réalité indiscutable" : depuis trente-six ans, la France s'est trouvée sans interruption en déficit budgétaire.

  • cette approche catégorique reflète la composition monolithique du groupe de travail présidé par Camdessus (16 membres, dont 7 très hauts fonctionnaires placés sous l’autorité du gouvernement, 4 économistes libéraux et 4 parlementaires dont 3 de droite !)
  • les causes des déficits structurels sont uniquement recherchées du côté des dépenses alors que les réductions des recettes de l'Etat en sont en grande partie responsables.

Le groupe Camdessus concède que le retour à l'équilibre ne peut pas être envisagé de façon réaliste comme une perspective de court terme. D’après lui, ce contexte appelle la mise en place d'un cadre institutionnel qui puisse nous préserver, à l'avenir, de la propension aux déficits tout en permettant une adaptation aussi fine que possible aux fluctuations de la conjoncture.
“Le redressement des finances publiques ne doit pas être l’engagement d’un gouvernement mais de la Nation. Il doit s’inscrire dans la durée et, pour cela, la gouvernance de nos finances publiques doit être modifiée. C’est pourquoi je souhaite la mise en œuvre d’une réforme constitutionnelle”.

  • Cette conclusion est une négation pure et simple de la démocratie : l'orientation du gouvernement actuel serait imposée aux gouvernements suivants. Le peuple n’aurait plus le droit de changer de politique.

Bannir les déficits publics dans la Constitution

Il s'agit d'abord de mettre en œuvre "l'objectif d'équilibre des comptes des administrations publiques" ajouté par la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 à l'article 35 de la Constitution. Sarkozy souhaite modifier la Constitution pour y inscrire l'objectif d'équilibre des finances publiques:

  • Chaque gouvernement issu des urnes s'engagerait juridiquement, pour cinq ans, à aller vers un déficit structurel zéro par étape (sont exclus du déficit structurel les déficits liés à un choc conjoncturel comme la crise actuelle)
  • Chaque gouvernement s'engagerait sur la date à laquelle l'équilibre des finances des administrations publiques doit être atteint
  • Le programme de stabilité budgétaire présenté par le gouvernement à la Commission Européenne serait soumis au vote du Parlement
  • La loi de programmation pluriannuelle serait "calée" sur ce même programme de stabilité
    • les exigences préalables de la Commission européenne vont donc se substituer à la souveraineté populaire pour l'élaboration du budget
  • Seraient examinés au même moment au Parlement les parties recettes des projets de loi de finances (le budget de l'Etat) et du projet de loi de finances de la Sécurité sociale, afin d'avoir une "vision globale" des prélèvements obligatoires.
  • Un suivi des niches fiscales et sociales serait mis en place pour permettre de mieux les réévaluer chaque année et de mettre en place un objectif de dépenses fiscales maximales
  • La loi de finances aurait compétence exclusive sur les dispositions fiscales
    • les lois sans dispositions fiscales sont rares : cela revient de fait à limiter le pouvoir du Parlement à des lois mineures en dehors de la loi de finances. Le pouvoir d’initiative des parlementaires en matière fiscale serait réduit à néant. Avec une telle disposition, les propositions de loi du PG sur le bouclier social et la fiscalité écologique (instaurant notamment un revenu maximum) n’auraient jamais pu être déposées !
  • Création d'un conseil consultatif des finances publiques (présidents de l'INSEE, de la Banque de France, du conseil d'analyse économique, premier président de la Cour des comptes et une personnalité qualifiée nommée par le président de la République)
    • Il s’agit là pour le gouvernement d’un nouveau moyen de contournement de la souveraineté populaire, pour imposer la « seule politique possible » au nom de soi disant impératifs techniques.

La procédure à suivre

La note d'étape propose de procéder en deux temps :

  • le vote d'une loi organique (en application de l'article 34 de la Constitution) qui serait plus rapide
  • une révision constitutionnelle via le Congrès du Parlement


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