Voyage en Argentine et en Uruguay

Revue de presse

Dans la presse uruguayenne

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Uruguay : Site du gouvernement (http://www.presidencia.gub.uy)

« Parler avec Mujica c’est apprendre »

Le 17/10/2012

Avec le Président de la République Orientale de l'Uruguay, José Mujica.Le député français a affirmé que l'Europe doit se rapprocher de l'Amérique latine pour sortir de la crise

Le Président, José Mujica, a reçu dans le siège de l'éxécutif Jean-Luc Mélenchon, euro-député et co-président du Parti de Gauche en France, qui a souligné l' intérêt qu'il a de rendre visite au mandataire uruguayen chaque fois que cela lui est possible. Discuter avec Mujica, c'est apprendre », a-t-il souligné. Il a partagé le point de vue du Président, sur le nécessaire rapprochement de l'Europe avec l'Amérique latine, pour la future réorganisation du monde.

Jean-Luc Mélenchon est un homme politique français, élu en 2009 député européen pour la circonscription sud-ouest sur la liste « Front de Gauche pour changer d'Europe ». Sa visite en Uruguay complète l'agenda des rencontres et réunions organisés à Buenos Aires, c'est une nouvelle occasion de rencontrer Pepe Mujica qu'il a présenté comme un « homme d’une grande simplicité mais avec une vision très large des choses ».

Mélenchon a affirmé que « parmi les dirigeants d'Amérique du Sud, Mujica est celui qui connaît le mieux la situation internationale et qui est capable d'expliquer et de voir les choses d’une façon qui nous aide à mieux les comprendre ».

Il a notamment signalé que la situation en France, dans un contexte de crise, affecte tous les pays du continent européen et du reste du monde. « Nous vivons un moment très difficile avec un chômage massif qui atteint 25% en Espagne, en France, ils mettent en place une politique d'ajustement très dure et l'activité s'est contractée considérablement. Le monde entier sera touché », a-t-il ajouté. Il a poursuivi en déclarant que l'Europe étant le principal acheteur et le premier producteur du monde, cela provoquera des récessions dans le reste de la planète. « Aujourd'hui, la récession en Europe va frapper la Chine, mais aussi le Brésil. Et du Brésil, cela va passer à d'autres pays qui entretiennent des relations commerciales avec lui », a-t-il pronostiqué.

Dans cette même idée, il a insisté sur l'importance de connaître la réalité de l'Amérique latine et de parler avec les latino-américains. « Avant, c'était l'Europe qui était le phare de l'Amérique du Sud, mais aujourd'hui, pour le mouvement progressiste, c'est l'inverse, nous étudions ce que vous faites et c'est une grande source d'inspiration pour nous », a-t-il déclaré.

De cette rencontre avec Mujica, sont ressorties deux pages de notes que Mélenchon a prévu de développer à son retour en France. « Parler avec Mujica, c'est apprendre, car il est conscient du risque encouru par l'Europe. Nous avons échangé sur la folie d'un modèle de civilisation qui nous impose de travailler toujours plus, de détruire toujours plus l'environnement. Pour moi, il est très important de bénéficier de son point de vue et de son expérience politique. Nous avons parlé principalement du nouvel ordre mondial, des liens qui nous unissent et de ce que nous pouvons faire ensemble et comment, selon Mujica, l'Europe doit se rapprocher de l'Amérique latine pour la réorganisation du monde », a-t-il reconnu.

  • Traduction Guillaume Beaulande

La Republica (http://www.diariolarepublica.net/)

Jean-Luc Mélenchon : « L’Amérique Latine est une source d’inspiration »

19/10/2012. Niko Schvarz

Aux dernières élections présidentielles françaises des 22 avril et 6 mai derniers, Jean-Luc Mélenchon était le candidat du Front de Gauche ; avec 4 millions de voix au premier tour (11,11% du total), il a apporté une contribution décisive à la victoire de François Hollande sur Nicolas Sarkozy au second tour, éliminant ce dernier de la scène politique.

Mélenchon est député au Parlement Européen du groupe GUE-NGL (Gauche Unitaire Européenne/Gauche Verte Nordique). Il a été membre du Parti Socialiste pendant 30 ans, membre de la direction pendant 15 ans, sénateur et Ministre de l’Enseignement Professionnel du gouvernement de Lionel Jospin entre 2000 et 2002. Il est parti du PS à cause de désaccords sur la position adoptée par rapport à la constitution de l’Union Européenne. Avec un groupe de militants du PS, il a participé activement à la création du Front de Gauche avec le Parti Communiste, les Verts et d’autres formations de gauche.

Notre conversation s’est déroulée en mélangeant l’espagnol et le français. Né, il y a 61 ans, à Tanger, il parle couramment l’espagnol. Aujourd’hui, il fait partie de la Coordination du Front de Gauche. Il visite pour la seconde fois divers pays d’Amérique Latine, il a participé à la XVIIème Rencontre du Forum de Sao Paolo au Vénézuela (nous nous y sommes rencontrés avec Ignacio Ramonet) et était présent lors des élections du 7 octobre. Lors de notre rencontre j’ai posé, à côté du magnétophone, un exemplaire de son livre très populaire: « Qu’ils s’en aillent tous . Vite, la révolution citoyenne », que j’ai utilisé pour la série de billets sur les élections françaises et qui, curiosité de cette l’époque, est imprimé aujourd’hui en Tchécoslovaquie.

Le nouveau cycle de l’Amérique Latine

Vous avez émis des avis favorables sur la nouvelle direction prise par un ensemble de pays d’Amérique Latine. Le président équatorien, Rafael Correa, soutient que depuis le début de ce siècle et du millénaire, on vit non seulement une époque de changements  mais aussi un changement d’époque en Amérique Latine. Comment voyez-vous la situation actuelle ?

Ce qui se passe ici est très spectaculaire pour nous. En Europe, nous sommes immergés dans une crise qui dure depuis dix ans, alors que vous êtes en train d’en sortir. Quand on arrive en Europe, on ressent une espèce de tristesse alors que lorsqu'on arrive en Amérique Latine, on perçoit de la joie, un espoir qui se ressent dans l’air. En parlant avec les gens, on perçoit l’espoir d’une vie meilleure pour leurs enfants. L’échec de l’auto-proclamé camp socialiste nous a frappé très fortement, un échec plus important qu’il ne paraissait. Ensuite, la chute de la social-démocratie est arrivée. En Allemagne, où la social-démocratie avait construit l’état-providence, Schroeder a augmenté l’âge de la retraite de 62 à 67 ans, c’est lui qui a inventé la retraite par capitalisation qui constitue aujourd’hui le problème numéro un de l’Allemagne. Après, Rodriguez Zapatero est arrivé et le pire de tous a été Papandreou, premier ministre grec et président de l’internationale socialiste, qui n’a pas résisté une heure à l’assaut des organismes financiers internationaux. Ils ont frappé la Grèce puis sont passés à d’autres pays.  Voilà ce qu’a été le paysage ultralibéral de l’Europe. Jusqu’en France, qui se distinguait par son identité républicaine, appuyée sur les services publics et les entreprises étatiques, tout ça a été balancé à la poubelle.

Mais ici, en Amérique, c’est le contraire. Le mur de Berlin est tombé et peu après le Forum de Sao Paolo s’est constitué. La démocratie a commencé en Amérique Latine. J’ai connu Lula avant qu’il ne soit élu président. Lorsqu’il est passé en France en 2002, personne ne le recevait et moi, en tant que ministre de Jospin, je l’ai reçu et c’est resté gravé sur un film. Lorsqu’il a gagné au Brésil, ça a été pour moi un jalon pour l’Amérique Latine. Cela a eu également des répercussions sur ce qui s’est passé au Vénézuela. Je raconte ici mon histoire personnelle, en tant que militant socialiste qui cherche une issue à la situation que nous vivions en Europe. Je parle des années 2002, 2003, 2004 et particulièrement du tremblement de terre qu’a représenté pour nous l’année 2002 où l’élection s’est déroulée entre un fasciste comme Le Pen et Jacques Chirac, de droite. Le Parti Socialiste n’était pas au second tour. Pour nous, ce fut l’horreur, il fallait se demander pourquoi cela nous arrivait. Au même moment ont eu lieu les événements du Vénézuela et, en Uruguay, l’élection de Tabaré Vazquez suivi de celle de Pepe Mujica. Cela donnait de l’espoir. Ce n’était pas rien, ce qui nous était arrivé en France. Il y avait des gens qui pensaient que la gauche, c’était fini. Alors, nous avons analysé ce qui se passait ici. Comme dit Correa, il y avait un changement d’époque en Amérique Latine, pas seulement de nouveaux gouvernements, d’alternance, comme nous disons en France. À mon avis, en Europe il n’y a pas de social-démocratie, il ne reste rien, parce que la social-démocratie construisait un état de bien-être social, en contact avec le capitalisme, mais en arrachant quelque chose au bénéfice des travailleurs. Mais maintenant, ce n’est plus comme ça. On a vu qu’il fallait apprendre et qu’ici, en Amérique du Sud, la nouvelle gauche a affronté chaque fois la droite et la social-démocratie. Ça s’est passé en Bolivie, au Vénézuela, en Équateur. Cela s’est passé également en Argentine. Et le même phénomène s’est produit dans chaque pays.

Au Venezuela, ce fut la caricature complète. On a signé un pacte d’alternance au pouvoir entre la social-démocratie (AD) et les sociaux-chrétiens (Copei), pacte appelé du Punto Fijo. Cela a infligé beaucoup de souffrances au peuple et aux travailleurs. En Argentine, ce fut le « corralito », en Bolivie le prix de l’eau. Je fais référence à ces phénomènes afin que l’on comprenne que les processus ne sont pas linéaires, comme c’était le cas avant en Europe.

Répercussion mondiale de l’élection au Vénézuela

Dans ce contexte, comment voyez-vous la récente élection au Vénézuela ?

Elle est très importante. Les médias, dans le monde entier et en Europe ont fait de l’élection au Vénézuela presque une affaire nationale. En Argentine, ils ont présenté la campagne électorale au Vénézuela de telle façon que si Chavez perdait c’était comme si Cristina Kirschner perdait. En France, j’ai lu une montagne d’articles sur les élections au Vénézuela, dans des publications qui ne s’occupaient jamais d’Amérique du Sud. Ils m’ont appelé « le petit Chavez ». (Il raconte à ce sujet une anecdote amusante avec le président vénézuélien réélu). En fait, ils nous ont tous mélangés avec Chavez en pensant qu’il allait perdre. Ils ont essayé de mettre en avant Capriles, 10 000 journalistes se sont déplacés au Vénézuela, plus que pour le Mondial de football, pour assister à la chute du diable, du monstre.

Mais ils sont retournés chez eux et ils ont dû expliquer que les élections avaient été très correctes, que c’était une démocratie et, de plus, celui qui avait perdu l’avait reconnu. En France, les chaînes de TV ont dit qu’il y avait 80% de pauvreté au Vénézuela, qu’il n’y avait qu' une seule ligne ferroviaire, qu’il n’y avait pas de métro. Et le lundi suivant, ils ont fait des excuses, ils ont dit qu’ils s’étaient trompés, que la pauvreté était de 27% et non de 80%, que des lignes ferroviaires, il n’y en a pas une mais 8, etc.

Participation populaire, souveraineté nationale

Ce qui s’est passé au Vénézuela a représenté un grand moment de confrontation, pas seulement au Vénézuela mais dans toute l’Amérique du Sud et en Europe, parce qu’ils nous mettaient dans le même sac avec Chávez, en pensant qu’il allait perdre ou que nous allions prendre peur et dire que nous n’avions rien à voir avec lui. Nous sommes critiques sur certains points mais nous sommes restés solidement aux côtés de Chávez, en expliquant nos positions quand il y avait des divergences comme celles que nous avons en matière de politique internationale, par exemple dans le cas de l’Iran. Là, nous avons des désaccords mais nous soutenons Chávez, nous n’aiderons pas à l’attaquer.

Par rapport à toutes les expériences d’Amérique du Sud, nous considérons que ce qui se passe ici est une source d’inspiration. Ce n’est pas un modèle. Nous relevons les caractéristiques communes de ces processus. Premièrement, qu’il n’y a pas de changements sans participation populaire. Deuxièmement : La reconquête de la souveraineté nationale sur les ressources essentielles. Troisièmement : le changement institutionnel. D’une façon ou d’une autre, il s’est produit des changements de la Constitution dans plusieurs pays, comme en Bolivie, au Vénézuela, en Équateur ; en Argentine également, il y a eu un changement du statut de la Banque Centrale, le droit de vote à 16 ans et d’autres thèmes. Et la distribution de la richesse comme priorité ; c'est-à-dire que le développement économique provient du développement social et non le contraire.

République, écologie et socialisme

Ces points sont largement traités dans le programme du Front de Gauche français :Premier point, le changement constitutionnel. Second point, partager la richesse, c'est-à-dire, de l’égalité oui mais concrète. Troisième point, la planification écologique parce que, pour nous, il faut changer fondamentalement le processus de production et d’échange en tenant compte du fait qu’il y a un unique écosystème commun qui permet la vie humaine. Notre nouvelle doctrine soutient que république, écologie et socialisme sont les trois piliers de la nouvelle pensée.

Nous voulons sortir des traités européens, pas de l’Europe mais de ce modèle de construction de l’Europe. D’autre part, nous ne voulons plus être alliés des États Unis dans l’OTAN, l’alliance militaire qui n’a plus aucun sens après la fin de la guerre froide.

L’Amérique Latine nous a inspirés sur ces sujets, chaque élection qui a lieu ici est importante pour nous. Lorsque vous gagnez, on ne nous dit rien, mais si vous perdez, alors…pauvres de nous !

L’expérience unitaire du Frente Amplio

Connaissez-vous l’expérience unitaire du Frente Amplio ? Comme l’évaluez-vous ?

Oui, je la connais, mais je viens ici pour voir et écouter de plus près et mieux comprendre comment fonctionne le Frente Amplio. Je sais qu’il est très ample, qu’il englobe une grande diversité de forces politiques de gauche. Je souhaiterais m’informer sur ses modes de fonctionnement collectif, comment se passe sa vie organique, comment il élit ses candidats. Je veux écouter car, aujourd’hui, nous cherchons comment nous organiser dans le Front de Gauche, pour que ce ne soit pas une chose momentanée sinon de longue durée.

(L’interview se déroule dans la salle Crottogmi, au siège du Frente Amplio. Pour répondre à son questionnement, je lui explique les antécédents de ce grand dirigeant frontiste. Pour sa part, Mélenchon a des références concrètes sur le général Liber Seregni et sur son parcours. Je lui montre un article que j’ai publié dans LA REPUBLICA le 17 avril dernier, à la veille des élections françaises, dans lequel je reprends sa déclaration sur le fait que « le Frente Amplio d’Uruguay est une source d’inspiration depuis de nombreuses années » et que « nous en tenons compte pour la configuration du Front de Gauche français », tout comme le concept de « révolution citoyenne » du président Rafael Correa).

La crise européenne

« Ce qui se passe aujourd’hui en Europe est très grave et vous engage vous aussi puisque l’Europe représente 25% de la richesse qui se produit dans le monde. Nous sommes en train d’entrer dans une crise plus grande que celle que nous avons connue en 2008. Ce n’est pas seulement une crise du capitalisme, c’est une immense récession. C’est un conflit pour la distribution de la richesse. En Grèce, on a perdu 20% de la richesse. L’Espagne est en train de subir les effets de la crise, l’Italie aussi. En France, ça commence maintenant. »(Ensuite, il critique la politique de l’actuel gouvernement français et effectue une analyse minutieuse et destructrice de la politique néfaste de la Banque Centrale Européenne et de la Commission Européenne contre les pays fortement endettés et au bénéfice des banques privées). « Ça va très mal et je veux lancer un cri d’alarme. C’est un moment où l’histoire s’accélère. Ce que nous vivons avec le nouveau traité européen, c'est du jamais vu. Quand nous faisons un budget dans un État européen, avant qu’il ne soit examiné par son Assemblée Nationale, nous devons chercher l’accord de la Commission Européenne. Et lorsque cela ne convient pas à celle-ci, elle peut le changer et imposer des amendes qui peuvent aller jusqu’à 1% ou 2% du total de la richesse du pays. C’est une folie et nous sommes en train de la payer aujourd’hui. Nous avons fait une révolution contre le roi dont le thème fondamental était de savoir qui décidait des impôts et du budget. Ce cercle vicieux, les portugais et les espagnols sont en train de le vivre, sans qu’ils aperçoivent une issue. Que vont-ils vendre en Grèce ? Il ne reste que l’air, la mer, il n’y a plus rien d’autre à vendre.

En France, nous, nous sommes en train de grandir. Le Parti Communiste avait obtenu moins de 2% de voix aux précédentes élections. Avec le Front de Gauche, nous sommes passés à 11%. Mais l’extrême droite est devant nous avec 18%. Nous allons persister et nous devons chercher une sortie de crise par le haut, mais aujourd’hui, nous ne l’avons pas.

  • Traduction : Françoise Bague (Pôle traduction du PG)



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