L'argument de la semaine

Un budget 2011 d’asphyxie

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Alors que les budgets d'austérité montrent leur inefficacité dans toute l'Europe, le gouvernement Fillon persiste dans sa volonté de faire adopter un budget 2011 qui va asphyxier le pays.

Des coupes sans précédent

Pour 2011, le gouvernement prévoit de ramener le déficit public de 8 à 6 % du PIB. Cela "ne s'est jamais fait dans l'histoire budgétaire de notre pays" indique François Baroin, le ministre du budget.
Cela représente 40 milliards d'économies dés 2011 : c'est l'équivalent du budget de la défense que le gouvernement veut économiser.
Et 100 milliards d'ici 2013 pour revenir à 3 % de déficit comme annoncé par le gouvernement : sans augmentation des recettes, cela représenterait une amputation de 30 % du budget de l'Etat, soit l'équivalent du budget de l'éducation et de la recherche réunis !

Pas de réelle restauration des recettes de l’Etat

Sur les 40 milliards d’économies décidées par le gouvernement, 30 milliards ( = les ¾) correspondent à des coupes de dépenses et 10 milliards (seulement ¼) à de nouvelles recettes
Pourtant les baisses d’impôts cumulées depuis 2002 par les gouvernements de droite représentent une perte annuelle de recettes de 60 milliards.
Le gouvernement affiche des mesurettes bidons pour faire croire qu’il met à contribution les riches : le passage de la tranche supérieure de l’impôt sur le revenu de 40 à 41 % est cosmétique. Cela ne rapportera qu'entre 200 et 300 millions d’euros. C'est d'autant plus marginal que la droite a fait baisser ce taux de 52,75 % en 2002 à 40 % aujourd’hui.
L'essentiel des recettes nouvelles est dégagé sur le dos des salariés, notamment à travers des hausses d’impôts frappant les plus modestes. La TVA sur les abonnements internet passe de 5,5 % à 19,6 % (abonnements passeront de 29,9 à 32,9 euros soit 1,1 milliards annuels), les taxes sur les complémentaires santé vont aussi augmenter …
Dans le même temps, le bouclier fiscal est toujours en place au profit des plus riches et les niches fiscales et sociales les plus couteuses aussi.

Comment la droite appauvrit l'Etat :

Les sources d'appauvrissement de l'Etat indiquent aussi comment l'on pourrait rétablir d'importantes marges de manœuvre au service d'une autre politique :

-    les privatisations : avec 50 milliards d'actifs publics vendus depuis 2002, cela représente des milliards de recettes perdues pour l'Etat sous forme de dividendes des entreprises publiques. Au sein du CAC 40, on compte ainsi 14 anciennes entreprises publiques qui ont cumulé 44 milliards d'euros de profits en 2008, dont une bonne partie seraient revenus dans les caisses de l'Etat si elles n'avaient pas été privatisées par les gouvernements successifs de droite en 1986-1987, 1993-1997 et depuis 2002.
-    les baisses d'impôt : selon la dernière estimation de la Commission des finances de l'assemblée nationale,  les baisses d'impôts décidées par la droite depuis 2002, principalement au profit des plus riches, représentent aujourd'hui une perte cumulée de 60 milliards d'euros annuels.
-    les exonérations de cotisations sociales : les entreprises bénéficient pour plus de 30 milliards d'euros par an d'exonérations de cotisations sociales qui sont compensées par l'Etat dans le budget de la sécurité sociale. Ce montant a doublé depuis l'arrivée de la droite au pouvoir en 2002. Les 2/3 de ces exonérations bénéficient au secteur des services, en particulier aux secteurs de la grande distribution, du nettoyage et de la restauration qui abusent des bas salaires et des contrats précaires. Ces exonérations sont d'autant plus inutiles que les emplois de ces secteurs ne sont pas délocalisables.

Un budget d’asphyxie

Pour parvenir à faire 30 milliards d'euros d'économies, le gouvernement prévoit des coupes qui vont affecter le plus grand nombre et donc se répercuter négativement sur la consommation et l'activité :
- Gels des salaires des fonctionnaires : compte tenu de l'inflation (1,5 % prévus), cela signifie que les salaires réels vont continuer de baisser, ce qui ampute d'autant leur pouvoir d'achat.
- Gels des dotations collectivités : là aussi compte tenu de l'inflation, c'est une baisse réelle des dotations que vont subir les collectivités alors que l'Etat se décharge sur elles d'un nombre croissant de missions. Ce gel risque d'amputer un peu plus l'investissement public dont les collectivités locales sont le principal moteur.
- Suppressions de postes de fonctionnaires : 30 000 nouvelles suppressions, dont 16 000 dans l'éducation nationale, s’ajoutent aux 100 000 déjà supprimés depuis 2007 (50 000 postes perdus depuis 2007 dans l'éducation nationale et 70 000 depuis 2002). En réduisant le service rendu à la population, ces suppressions de postes  vont se solder par un coût social bien plus grand que les économies dégagées en apparence à court terme.
- Baisse des budgets du logement, de la ville et de l’écologie : là aussi le coût réel pour la société sera bien plus important que l'économie dégagée. La contraction de ces budgets se fait aussi au détriment des investissements nécessaires à la conversion écologique de l'économie.
- Suppression de 60 000 contrats aidés, report de la hausse de l'allocation adulte handicapé (pourtant promise par Sarkozy) : ces mesures se solderont directement par une progression de la pauvreté.

La droite creuse la dette

La droite continue de creuser la dette publique : 1 600 milliards en 2010, soit 83 % du PIB. Ce n'est pas un hasard mais le révélateur d'une stratégie qui consiste à appauvrir l'Etat pour justifier ensuite des privatisations.

Les responsabilités du creusement de la dette

-    Droite 1993-1997 (Balladur Juppé), la dette passe de 40 % à 59 % du PIB (soit + 20 points de PIB en 4 ans !)

-    Gauche 1997-2002 (Jospin) : la dette passe de 59 % à 57 % du PIB = Le seul gouvernement depuis 30 ans à avoir réduit la dette

-    Droite 2002- 2007, la dette passe de 57 % à 67 % du PIB (soit + 10 points en 5 ans)

-    Sarkozy 2008-2010 : la dette passe de 67 % à 83 % du PIB, soit + 13 points en 2 ans.

Dette : la dépendance accrue de la France face aux marchés

La part des non résidents français dans la détention de la dette publique française est passée de 55 % en 2005 à 70 % en 2010. Cela veut dire que l’essentiel du creusement de la dette depuis 2007 a été acheté par des investisseurs étrangers. Pourtant l’épargne des ménages français s’est renforcée et est une des plus élevées au monde : 16 % du revenu des ménages contre 10% en Allemagne et 5 % aux USA.

Cette forte dépendance internationale de la dette française est dangereuse car elle rend les taux d’intérêt plus volatiles.
Le gouvernement table, contre toute vraisemblance, sur le maintien de taux très bas : l’Etat s’est endetté en moyenne à un taux de 2,56 % en 2010 alors qu’il s’endettait en moyenne à un taux de 4,13 % en 2008 avant la baisse des taux liée à la crise. Mais tous les taux sont aujourd’hui à la hausse du fait du flux d’endettement toujours plus élevé à placer sur les marchés et du fait de la remontée des taux monétaires qui a un impact sur les marchés obligataires.
D’ailleurs dès l’annonce du budget 2011, l’écart de taux sur la dette française avec l’Allemagne s’est accru brutalement, remontant à son niveau de fin juin en pleine crise de la dette européenne. Et l’agence de notation Standard and Poors a indiqué qu’avec un tel budget la France ne serait vraisemblablement pas capable d’atteindre les objectifs de déficit fixés (passage de 8 % du PIB en 2010 à 6 % en 2011), en raison de la surévaluation de la croissance (le gouvernement dit 2 % là où la plupart des économistes prédisent 1,5 %) et de la sous-évaluation des taux d’intérêt.

La France va donc encore être appauvrie par l'explosion des intérêts de la dette versés aux marchés, liée au seul effet d’augmentation du stock de dette (sans même prendre en compte la hausse prévisible des taux) :
-    42 milliards en 2010 (équivalent du budget défense)
-    45 milliards en 2011
-    55 milliards en 2013 (équivalent du budget de l’éducation nationale)

Ces intérêts pourraient être fortement réduits si les banques étaient contraintes de détenir des titres de dette à un taux fixe (principe de l'emprunt forcé) et si la banque centrale achetait directement des titres publics, au même taux que celui auquel elle prête aux banques (1 %).



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