27mai 13

Interview parue dans "La Provence" du 26 mai 2013

« Hollande a mené sa campagne sur une mystification »

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En Grande-Bretagne, au Niger, on assiste à une recrudescence du terrorisme. Utilise-t-on les bons moyens pour lutter contre lui ?

D’une manière générale, notre société est violente. Voyez l’incroyable violence sociale qui est infligée à tous les peuples d’Europe par les politiques d’austérité, et dans le monde par le comportement des Etats-Unis d’Amérique. Le terrorisme en tant que tel n’existe pas globalement. Il y a des gens qui utilisent des méthodes de violences aveugles et abjectes, animés par des motivations et des modes d’action totalement différents. Les considérer comme entrant dans une catégorie globale, c’est entrer dans le jeu de la propagande Nord-Américaine qui sert leur impérialisme. Leurs méthodes sont indignes : voyez Guantanamo. Depuis plus d’une décennie des gens y sont détenus sans jugement, torturés du matin au soir.

Barack Obama vient de déclarer qu’on ne peut pas mener une guerre perpétuelle contre le terrorisme. Vous adhérez ?

Eclair de lucidité ! C’est l’illustration de l’impasse où conduit un mode de raisonnement qui visait au départ à solidariser autour du leadership nord-américain la totalité de la planète. Obama est obligé d’admettre que ça n’a pas de sens. Car dans cette logique, il faut la même débauche de moyens et les mêmes méthodes de combat contre les trafiquants d’otages et les véritables organisations armées comme celles qui existent en Irak ou au Mali. C’est absurde. François Hollande a commis une erreur en assimilant les situations du Mali, du Niger ou du Cameroun alors qu’il s’agit de phénomènes distincts. Son alignement permanent sur les positions américaines tourne à la vassalisation. Savez-vous qu’il a accepté la création d’un marché unique entre l’Europe et les USA ? Pour moi, c’est une annexion de l’Europe et de la France par les usa.

Pierre Moscovici a annoncé qu’il n’y aurait pas de loi pour encadrer les salaires des patrons. Il s’agit manifestement de renforcer la confiance envers les entreprises qui créent des emplois. Il fait fausse route ?

La confiance envers « les entreprises » ? Pour moi, grands patrons et entreprises sont deux choses différentes ! D’ailleurs ici, il s’agit du très grand patronat. Pourquoi ne sont ils efficaces que s’ils sont gavés ? On peut les remplacer par d’aussi bons qui coûteraient moins cher ! En quoi leur abus inouïs créent-ils e l’emploi ? Tout ce qu’ils prennent c’est autant de salaires en moins pour les autres ! Madame Parisot peut dire «Veni vidi Moscovi » (Sic). Pendant la présidentielle, j’ai proposé une mesure facile à instaurer. Limiter dans une entreprise l’ecart de salaire de 1 à 20. Le plus haut salaire ne peut alors être augmenté sans faire de même pour le plus bas. Voila un cercle vertueux.

François Hollande, en Allemagne, a rendu hommage à Gerhardt Schröder qui, dit-il, a su prendre les décisions courageuses qui ont préservé les emplois. C’est le divorce absolu avec vous ?

C’est certain. Gerhardt Schröder se vantait d’être l’ami des patrons, ce qui était plutôt curieux pour un social-démcrate. François Hollande se situe dans la même logique avec la décision annoncée par Pierre Moscovici. Il est stupéfiant qu’un président français puisse prétendre que Schröder avait pris de bonnes mesures. En réalité, il a fait du dumping social avec la compression des salaires, la réduction des allocations chômage ou encore en retardant l’âge de départ à la retraite. Ces mesures ont permis à l’Allemagne, d’une manière sournoise, de prendre l’avantage sur les autres économies européennes. L’extension de cette politique à toute l’Europe conduit au désastre. Nous sommes déjà en récession.

Tout de même, lorsque Renault applique un accord sur l’organisation du travail avec modération salariale, les emplois sont préservés au contraire de ce qui se passe à Aulnay chez PSA, malgré la grève.

Le rapprochement ne peut pas être fait. Il s’agit de situations totalement différentes. Il est temps de s’interroger sur l’efficacité de ce genre de pratique : les mots « assouplissement », « modération salariale », sont des euphémismes. Il s’agit en réalité de placer les travailleurs dans une situation de mise à disposition absolue, à flux tendu, pour le moins cher possible. C’est une logique folle. Sans fin. On trouvera toujours quelqu’un qui paye moins pour travailler davantage. Ce n’est pas un modèle sur lequel on peut construire le futur. Exemple : Il y aurait de mois en moins de gens disposant de salaires suffisants pour s’acheter des voitures ! Résultat c’est la recession !

Vous connaissez bien François Hollande. Vous l’avez côtoyé pendant des années au PS. Vous ne pouvez pas être surpris par la politique qu’il mène !

Non seulement je ne suis pas surpris, mais j’avais déjà révélé dans un livre intitulé «En quête de gauche » les racines nord-américaines de sa pensée politique exprimées dès les années 80. Il a mené sa campagne sur une mystification, en essayant de faire croire qu’il allait s’attaquer à la finance, qu’il allait changer le fonctionnement de l’Europe…Mais il craignait par-dessus tout le débat avec moi. Il l’a donc refusé malgré mon insistance depuis aout 2011.

… Si vous le saviez, pourquoi avoir fait voter pour lui au 2ème tour ?

Au 1er tour, je n’étais pas en tête ! La Constitution ne qualifie que les deux premiers pour le 2ème tour. Contrairement à Madame le Pen, je n’imaginais pas l’abstention. Je suis contre la désertion. Puisque je ne pouvais pas me maintenir, je devais donc choisir qui on devait éliminer. Celui dont on combattait la politique à ce moment-là, c’était Nicolas Sarkozy. Mais appeler à voter Hollande ne signifiait pas lui signer un chèque en blanc. La preuve je la donne depuis le premier jour de son élection.

Vous ne vous dites pas, finalement c’était une erreur ?

Un citoyen éclairé doit toujours faire un pari positif. Il était juste d’essayer ce qui paraissait le moins dommageable. Mais comme la masse des Français constate maintenant qu’elle a été mystifiée, il lui appartient de punir ceux qui l’ont trompé dans les élections à venir, notamment aux européennes.

François Hollande est toujours à gauche ?

Lui- même à l’air d’hésiter sur le sujet. Il nous a dit qu’il n’était plus socialiste, puis qu’il l’était. En tout cas, la politique qu’il pratique avec son gouvernement est à l’opposé d’une politique de gauche.

Vous annoncez une confrontation sociale sur les sujets à venir comme les retraites ?

François Hollande, de manière extrêmement perverse, joue à son tour avec la résignation et la peur dans le pays en raison du chômage. Nous avons donc une tâche très rude devant nous. Mais je dirais qu’au moins pour l’honneur et la dignité, ceux qui sont de gauche et qui avaient voté François Hollande au 1er tour, tirent la leçon de leur choix désastreux. Que maintenant ils nous aident ! S’ils nous placent en tête des forces de gauche aux prochaines européennes, ça renverserait complètement les données politiques dans notre pays. Les Solfériniens seraient naturellement contraints au départ pour laisser la place à une autre majorité de gauche.

Dimanche prochain vous organisez dans de nombreuse viles, ce que vous avez appelé des répliques, des marches semblables à votre marche sur la Bastille du 5 mai dernier. Avec pour mot d’ordre : « objectif élections européennes ? »

Le premier pourvoyeur de l’abstention et de voix des droites se trouve aujourd’hui à l’Elysée. Vous voyez qu’en un an de pouvoir, François Hollande a réussi à diviser toute la gauche et tout le syndicalisme ! Le Front de gauche ne veut pas laisser la résignation gagner du terrain. On veut mettre les gens en mouvement, les pousser à intervenir dans les affaires publiques, diffuser le vaccin anti-résignation et anti- morosité. Notre objectif, c’est effectivement de prendre la tête du peuple des courageux. De la rue au pouvoir.

Jean-Marc Ayrault vous reproche d’avoir pour seule politique de laisser filer la dette en prétendant qu’on ne rembourse pas. Il vous reproche votre manque de sérieux.

C’est lui qui ne l’est pas. Qu’y a-t-il de sérieux dans sa politique dont il sait aussi bien que tout le monde qu’elle va provoquer une explosion du chômage, la récession et l’effondrement progressif de tous les comptes sociaux du pays. Pourquoi suit-il d’une manière aussi servile la politique de Madame Merkel ? C’est ça qui n’est pas sérieux ! Quant à la dette, j’ai dit depuis longtemps qu’elle n’est qu’un pretexte. On peut la combler avec la banque centrale européenne au lieu de gaver les banques privées. Ca fait longtemps aussi que j’explique comment la résorber en grande partie avec la lutte contre la fraude fiscale. Par conséquent, le manque de sérieux quand on est le Premier Ministre de la France, c’est de regarder passer les évènements comme une vache regarde passer un train !

Vous préparez un livre pour la rentrée. Sur quel thème.

Je réfléchis beaucoup sur l’affichage évident d’une volonté de puissance du gouvernement allemand dans toute l’Europe. Et sur la construction commencée d’un grand marché unique entre les Etats-Unis d’Amérique et l’Union Européenne. Deux éléments qui transforment notre environnement politique au début de ce siècle.Je dis non à l’Europe « alméricaine »

Ce n’est pas dangereux de réactiver un sentiment anti-allemand en France ?

Dans mon livre « qu’il s’en aille tous » je dis : le pire n’est pas la realpolitik, mais l’irrealpolitik qui consiste à agir comme si les gouvernements allemands n’avaient aucune volonté de puissance en Europe. J’affirmais la conviction que la France doit faire un retour musclé sur scène et surtout pas se contenter de suivre. Et encore moins, comme le dit assez sottement le président de la République d’être le « bon élève » de cette Europe qui, en réalité, est une Europe Merkel. Oui, tout ce qui touche à la relation avec les Allemands est très délicat en France. Mais nous ne devons pas être intimidés ou être bloqués ! Eux ne le sont pas à notre égard. Le pire serait de se laisser faire ! A un moment le peuple se rendra compte. C’est alors que surviennent des explosions de rage.

Anna Rosso Roig, qui a été candidate du Front de Gauche aux dernières législatives à Marseille va se présenter aux municipales sur une liste FN. N’est-ce pas un signe que Marine Le Pen fédère davantage que vous les mécontents ?

Elle fédère mieux les girouettes et les perchés que moi. Je n’en suis pas jaloux. Dans ce cas précis, le Front National fonctionne comme un vide ordure.

Vous êtes contre la violence et pourtant vous admirez Robespierre. Mais Robespierre, c’est la Terreur !

C’est un personnage emblématique. On lui impute tous les travers de la Révolution, y compris ceux qu’il a lui-même combattu. Je vois dans Robespierre l’homme qui a défendu le droit de vote des femmes, l’homme qui a donné la citoyenneté aux juifs, celui qui a défendu le suffrage universel. Je vois l’Incorruptible, celui qu’on ne pouvait circonvenir par les cadeaux et les faveurs, ce qui devrait beaucoup faire réfléchir notamment en PACA…

… Mais tout ça s’est terminé par la Terreur !

La Terreur n’est pas le fait de Maximilien Robespierre. Elle a été décidée par une Assemblée tout entière et poursuivie après lui. C’est parce qu’il s’opposait personnellement aux crimes de certains qu’il a été déposé. On revisite l’Histoire pour que les Français se dégoûtent d’une Révolution admirée dans le monde entier. Voilà le problème des Puissants et des Importants : l’idée révolutionnaire de 1789, l’idée égalitaire travaille en profondeur le peuple français. Alors on veut faire du personnage de Robespierre un repoussoir pour détourner notre peuple d’une idée très actuelle. Je suis très meurtri de voir pleurer sur des traîtres à la patrie comme Marie-Antoinette et le roi « normal » Louis XVI, et qu’on ait tant de mauvaises paroles pour celui qui est le fondateur de nos libertés. 

Propos recueillis par Olivier Mazerolle 



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