01avr 15

Et ils s’en foutent !

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Le soir même du désastre électoral, Manuel Valls a présenté un programme de « super Macron ». Du social-libéralisme en barre ! Encore un train de « réformes ». Réforme égale mauvais coups, cadeaux au MEDEF, durcissement de la vie des gens du commun. Gagnant/gagnant, gnangnan égale tu t’es fait avoir, souris, tu es filmé.

De toute façon c’est la Commission européenne qui l’ordonne et le gouvernement allemand qui le veut. Donc c’est sans recours. Le gouvernement doit s’exécuter avant mai sous peine de sanctions. L’appel à la grève lancé par 4 syndicats pour le 9 avril prend donc une autre dimension, préventive, en plus des nombreux combats déjà en cours. Le 9 avril, le départ de la manifestation parisienne est prévu à 13h Place d’Italie. J’y serai.

Mais avant d’en traiter, je veux revenir sur le moment électoral que nous venons de vivre et qui change en profondeur la donne politique de notre pays. Je veux aussi rendre publiques les propositions que j’ai présentées à la coordination du Front de gauche.

Quelle étrange soirée.

J’ai déjà dit quelle conclusion politique j’en tirais. Mon message durait moins de trois minutes. Encore trop long pour France 2 et le « service public ». On n’y diffusa pas une seconde de mes propos. Heureusement BFM, I-Télé, LCI et même TF1 étaient là pour sauver votre droit d’être informés. Vous pouvez donc vous y référer en suivant ce lien.

Mon jugement essentiel à propos de ce scrutin est qu’il ne s’agit pas « seulement » d’une déroute électorale mais de quelque chose de plus profond. Le système des « représentations culturelles dominantes » ou, dit plus simplement, l’ensemble des idées qui vont de soi auquelles adhèrent les gens ordinaires et en majorité dans la société, n’est plus celui qui prévalait jusque-là. La situation a été retournée. La fraternité spontanée d’hier, certes parfois angélique, s’est évanouie dans une xénophobie banalisée. Une cruauté pleine de bonne conscience s’assume quand des milliers de jeunes gens meurent en tentant d’immigrer. Par exemple. Le goût de la liberté individuelle rencontre pour la première fois une barrière. Ainsi veut-on interdire « le mariage pour tous » qui pourtant n’oblige personne à se marier et ne retire rien à ceux qui le sont déjà. Par exemple. Ainsi le goût hier irrépressible pour l’égalité sociale et le partage s’efface derrière une veulerie égoïste absurde contre « les profiteurs de la protection sociale », « les assistés » et ainsi de suite. Et un ministre PS propose pour rêve aux jeunes de « devenir milliardaire ». Par exemple.

Au diapason de la vague brune qui se lève en Europe, la France s’enfonce moralement. Je le dis pour situer l’enjeu de ce qui se joue. Je l’ai dit le soir même et je fus le seul à situer notre naufrage dans le contexte européen qui est le sien. Il n’est pas seulement question de sièges dans les assemblées départementales, ni même de la politique au sens trivial que ce mot a pris dorénavant. Je veux situer l’ampleur de ce qui était une faute et devient un crime contre notre Histoire. Je veux parler du chantage abject d’un gouvernement qui annonce le soir même de sa déroute qu’il ne tiendra aucun compte de la colère du pays sinon pour donner raison aux demandes les plus égoïstes du patronat. 

Il avait été convenu que je ferai une déclaration à propos des résultats du scrutin à l’issue du deuxième tour. Pourquoi pas avant ? Parce que mon choix, et celui de la direction du Parti de gauche, était de ne déclencher aucune polémique qui puisse nuire aux campagnes des camarades. Il fallait donc éviter de s’exprimer nationalement. En effet, trois ou quatre stratégies s’appliquaient en même temps dans les cantons au premier et au deuxième tour. Enoncer quoi que ce soit aurait immédiatement été utilisé sur le terrain comme le désaveu de celui-ci ou celle-là. On sait de quelles provocations j’ai fait l’objet et on peut compter sur les médias du premier cercle pour ne rater aucune occasion de nuire, d’envenimer et de colporter rumeurs, ragots, pures inventions et la moindre dissonance. Donc ajouter à la confusion.

Ici, on voit à quoi conduit cette trouvaille qui consiste à renvoyer la décision stratégique à « la base » en comptant sur la main invisible du marché des idées pour que cela finisse par constituer une cohérence nationale. En fait, non seulement cela nous rend illisibles, mais cela nous contraint au silence au plan national. Pour ma part, cela n’a jamais été ma tradition politique que cette forme très délétère de basisme électoral. Je ne crois pas une seconde qu’on s’aide en s’atomisant, surtout dans une période déjà aussi confuse.

Deux leçons inaperçues

Vous lirez avec profit une fois de plus l’éditorial de « A gauche » auquel François Delapierre consacre les forces dont il dispose pour accompagner son esprit si clairvoyant et aussi celui du site du Parti de gauche sous la plume d’Éric Coquerel. Ils résument assez bien nos longues heures de discussions sur le bilan, commencées dès le soir des résultats. Deux petits faits me parlent cependant d’une manière bien spéciale. Ils annoncent quelque chose. Je ne dis pas que ce soit assuré mais je crois que c’est fort. Un peu comme lorsque j’avais repéré en 2001 une étrange mutation du vote du deuxième tour. A l’époque, pour la première fois au second tour, les listes de gauche qui se maintenaient contre le PS n’étaient pas sanctionnées par les électeurs. C’était un fait totalement nouveau après l’ample période de l’union de la gauche. Mais ce n’était que quelques cas. La suite a prouvé que c’était une tendance naissante que plus rien n’a inversé.

Que vois-je à présent ? Nous avons relevé treize deuxièmes tours opposant le Front de Gauche au PS. Nous avons gagné sept fois et eux six. C’est un très petit échantillon, j’en conviens. Mais je veux quand même le noter. Car j’ai été un responsable socialiste assez longtemps pour savoir que pendant toute une période dans un tel cas, le PS l’emportait dans presque cent pour cent des cas. Ma conclusion est que la lutte pour le leadership de la gauche est réellement plus ouverte que ne le croient les capitaines du radeau de la méduse rue de Solferino.

Deuxième leçon qui va dans le même sens. Le sens suivant : la capacité de rassemblement du Front de Gauche n’est pas obérée par l’image de « rouges au couteau entre les dents » donné de lui. Voici dans quel cas très spécial. Celui où le Front de gauche affronte au second tour le Front national. Là où en quelque sorte se vérifie ma stratégie de « Front contre Front » hélas récusée quand il était temps de la travailler jusqu’au bout. Dans 39 cas nous étions donc en face à face avec l’ennemi. Nous, le Front de gauche, nous avons vaincu 38 fois ! Quelle autre formation peut afficher cette proportion de victoires ?

Moins de paroles, plus d'action

Lundi je me suis rendu à la coordination du Front de Gauche. Pierre Laurent aussi s’y trouvait car nous nous étions concertés pour y être ensemble. Pourtant une réunion très importante pour son parti l’attendait. Notre intention mutuelle était de manifester notre convergence sur la proposition que nous avons fait, les deux, chacun avec l’appui de nos partis : construire dès maintenant un rassemblement plus large que le Front de Gauche. Un rassemblement avec EELV, Nouvelle Donne, les socialistes disponibles pour une action autonome (en commençant par le groupe des « Socialistes affligés »). Nous connaissons tous les limites de cette offre. EELV peut-il accepter de rompre clairement avec le PS de Valls ? Ses militants sont-ils capables d’accepter de faire une entente avec nous qui soit respectueuse de nos identités respectives ? Je veux dire pas seulement limitée à l’exigence du respect de l’identité d’EELV mais aussi de la nôtre, dans sa diversité ? Les socialistes dissidents, « frondeurs », où ce que l’on voudra, sont-ils capables de rompre pour aller au-devant des électeurs ? Mais surtout plus encore sur le fond des idées économiques qui dominent aujourd’hui le social-libéralisme ? Nous savons bien que tout cela se construit et ne peut que rarement se décréter à l’avance. Mais il faut bien commencer un jour. Et ne pas tourner autour du pot : il s’agit de se compter dans les urnes. Nous n’avons pas vocation à être seulement occupés à tenir ensemble des colloques, si utiles que soient ces derniers. C’est donc la perspective des élections régionales qui se présente comme l’occasion de passer à l’acte et d’offrir un choix alternatif, un autre chemin à gauche. Je dis bien l’élection. Car c’est aux électeurs de régler le sort du futur de la gauche. Je n’aime d’ailleurs pas cette expression. Nous sommes nombreux à nous soucier de l’effondrement de la gauche. Mais le pays se fiche de cela. Ce qui compte c’est de savoir comment sortir de l’impasse sociale dans laquelle se trouve la vie des gens. Le plus important n’est donc pas que le projet soit plus ou moins de gauche mais qu’il soit perçu comme bon pour le grand nombre et pour le pays.

Pour cela il faut parler clair, être lisible, audibles, reconnaissables. De cette façon nous ferions la démonstration que nous ne sommes pas des groupuscules bavards et obscurs mais une force qui affirme sa volonté de gouverner. Chaque fois que je le dis, on croit pouvoir m’objecter qu’il faut « d’abord le projet ». J’en suis mille fois d’accord. J’y suis prêt, ayant déjà passé beaucoup de temps à la préparation de celui de 2012. Le Front de gauche ne manque pas d’idées ni de propositions très précises. Nous avons notre programme : « L’Humain d’abord ». Les Verts ont celui de la campagne d’Eva Joly. Est-ce que ce ne sont pas là des matériaux simples et pratiques pour commencer ? N’ont-ils pas déjà nécessité des heures et des heures de travail et de discussions ? Il ne faudrait donc pas que l’impératif du projet soit le prétexte à tout différer sans cesse. Il faut avancer. D’autant que pour ce qui est des militants du Parti de Gauche, nous avons aussi notre critique à formuler. Tout ce qui est entrepris jusqu’à présent est trop étroitement confiné à des sphères de sommet. Souvent confidentielles. Nous croyons, nous, aux assemblées citoyennes comme base de toute l’action, de la réflexion et de la décision dans les formes les plus diverses. Nous savons que celles-ci ne se décrètent pas et qu’il est souvent difficile de les faire exister. Nous connaissons l’ampleur du repli civique dans tant d’endroits. L’action politique est profondément dévalorisée aux yeux du grand nombre, nous le savons. Mais il faut reconstruire et le faire en partant « d’en bas » autant qu’en le déclenchant « d’en haut » !

Pour une assemblée représentative du Front de gauche

Dans le moment où nous sommes, ce qui a été construit, si imparfait que cela soit, est un bien précieux. Le Front de Gauche ne peut être passé à pertes et profits. Il va de soi qu’il n’a pas d’autre futur que de se dépasser, de passer au stade d’une nouvelle alliance cherchant à être majoritaire dans le pays. Mais pour qu’il puisse remplir son rôle, pour qu’il puisse réellement se mettre au niveau de ses tâches, y compris pour pouvoir se dépasser, il ne peut en rester à ses structures actuelles. Je ne reviens pas sur les raisons qui nous amenés à ce rabougrissement des sommets. Il faut tourner la page. J’ai donc proposé, à la réunion de la coordination du Front de Gauche, une idée que j’avais auparavant présenté à Pierre Laurent. C’est l’idée de mettre en place une assemblée représentative du Front de Gauche. La méthode est désormais opérationnelle. On l’a vu avec celle qui a été mise en place par le Mouvement pour la sixième République. Elle permet de combiner cooptation des représentants des familles politiques, élections de personnes, et même tirage au sort si on le souhaite. Pour cela, nous pouvons mettre à disposition tous les outils informatiques rodés pour l’élection de l’assemblée représentative du M6R. Dès lors, plus rien ne s’opposerait à ce que la méthode soit déclinées aux divers niveaux où on le déciderait : région, commune, et ainsi de suite.

Si je me donne la peine de décrire tout cela, c’est pour porter un message. Nous avons tous les outils concrets pour agir, organiser notre dépassement et notre propre mécanisme d’action collective. Si nous le faisons en temps et en heure, nous pourrions le proposer à tous les membres de la nouvelle alliance. Nous pouvons mettre cette méthode au service de la prochaine élection. Que nous manquerait-il ? La volonté implacable d’agir. Agir ! Agir et non pas seulement commenter et ergoter. A ceux qui trouvent que c’est là un peu simple et que c’est plus compliqué et ainsi de suite je propose de prendre la mesure du délai qui nous sépare du désastre vers lequel nous marchons.

J’ai bien noté que nombre de nos amis veulent du sérieux, du construit, du fond comme on dit. Chacun, bien sûr, y prend sa part. Moi aussi, comme les autres. Je me permets respectueusement de rappeler que deux livres présentent ma pensée sur l’ensemble de ces questions et que je ne demande qu’à en débattre avec qui le veut : « Qu’ils s’en aillent tous »  et « L'Ère du peuple ». Et je rappelle que je suis un des rédacteurs du « Manifeste pour l’écosocialisme » que je crois fondamental pour donner le cadre de référence dans lequel la nouvelle alliance pourrait se situer. En présentant ce texte à Tunis, Rabat, Alger, Madrid, Valence, Rome et quelques autres endroits en Europe et en France, j’ai bien senti qu’il y avait un vif appétit pour agir politiquement autrement que dans le cadre étriqué des accords de sommets et de simple compétition entre forces politiques. Là encore nous ne manquons de rien.

Valls doit frapper tout de suite : Bruxelles l'ordonne

Manuel Valls veut continuer comme avant. Dès 20h, dimanche soir, il a voulu balayer d’un revers de main la déroute du PS aux élections départementales. Et dresser laborieusement la liste des prochaines trouvailles de son gouvernement contre les droits sociaux. François Hollande avait déjà prévenu avant le premier tour, dans Challenges, qu’il ne voulait changer « ni de ligne, ni de Premier ministre ». Valls a répété la même chose une semaine plus tard, dans le même journal : « ceux qui pensent que nous allons freiner ou stopper les réformes se trompent. Quel que soit le résultat des élections, nous allons les poursuivre en ouvrant de nouveaux chantiers. Nous n’avons pas d’autres choix pour le pays que de faire sauter les verrous et débloquer les énergies ». Quel vocabulaire ! Dans le viseur de Valls ? Le transfert des protections des travailleurs, de la loi vers des négociations de branches et des négociations de branches vers les entreprises pour que le rapport de force soit plus favorable au patronat. C’est, en tout cas, ce que croit savoir Challenges. Manuel Valls vise aussi « le contrat de travail » avec un possible retour d’un ersatz du CNE – Contrat Nouvelle Embauche – inventé il y a 10 ans par Dominique de Villepin pour « assouplir » le CDI dans les petites entreprises. Autre cible ? Les chômeurs, dont le gouvernement cherche depuis des mois comment réduire l’indemnisation.

Face à tous ces projets, les salariés sont appelés à la grève jeudi 9 avril, par plusieurs syndicats : CGT, FO, Solidaires et FSU. Ils dénoncent l’austérité, le pacte de responsabilité et la loi Macron qui sera discutée au Sénat à partir du 7 avril. Cette grève est aussi l’occasion de regrouper des luttes courageuses mais jusqu’ici éparpillées : salariés du commerce opposés au travail du dimanche, chauffeurs routiers en lutte depuis des semaines pour des hausses de salaires, cheminots refusant la réforme ferroviaire, douaniers qui s’opposent à 250 suppressions de postes par an d’ici 2018, salariés de Radio France en grève depuis des jours contre les coupes budgétaires pendant que leur patron fait refaire son bureau à grand frais…

Mais le cœur, c’est le refus de la politique d’austérité budgétaire et salariale. Cette politique est une aberration économique et une catastrophe sociale. Elle est imposée par le gouvernement allemand et la Commission européenne à toute l’Europe. François Hollande a mis le doigt dans cette broyeuse en ne renégociant pas le traité budgétaire en 2012, comme il avait promis de le faire dans la campagne. Depuis, son gouvernement multiplie les coupes budgétaires. Il a prévu 50 milliards d’euros de coupes dans les budgets publics et de la Sécurité sociale entre cette année et 2017. La Commission européenne juge que ce n’est pas assez et en demande davantage. Pourtant, les ravages sont bien visibles. Comme le dit le nouveau secrétaire général de la CGT Philippe Martinez « il y a une convergence de politiques, en Europe, qui conduit à l’austérité. On est sur la même autoroute, certains pays sont devant nous. En France, on gèle les pensions des retraités, on n’augmente pas les salariés et les fonctionnaires, on réduit les effectifs partout ».

Les coupes dans l’investissement public ont des conséquences dramatiques : explosion du chômage, report des investissements nécessaires à la transition écologique… Le secteur du bâtiment et des travaux publics est durement frappé. Le patronat du secteur tire la sonnette d’alarme depuis des mois. Près de 30 000 emplois ont été détruits dans le secteur en 2014. Encore autant devraient disparaître cette année ! Bien sûr, la concurrence déloyale de patrons voyous, utilisant le système du détachement de travailleurs, frappe durement les PME. Mais le cœur du problème, c’est l’absence de projets faute de financements publics. Le président de la Confédération des artisans et petites entreprises du bâtiment s’inquiète : « nos carnets de commandes sont vides ». Son homologue de la Fédération nationale des travaux publics est plus alarmiste encore : « c’est carrément le marasme… ou la catastrophe, je ne sais plus quel terme employer », dit-il dans Le Monde. Il y a donc urgence à changer de politique et à engager la relance écologique de l’activité.

Les chômeurs aussi sont appelés à se faire entendre. Ils sont de plus en plus nombreux. En février, on a battu un nouveau record de chômeurs sans activité ou avec une activité réduite : 3,26 millions. Or on sait que moins d’un chômeur sur deux est indemnisé. Sans compter que les ministres Macron et Rebsamen ont plusieurs fois laissé entendre que le gouvernement voulait durcir encore les contrôles sur les chômeurs. Leur modèle ? C’est le système allemand : des chômeurs obligés d’accepter n’importe quel boulot même payé 1 euro de l’heure sous peine d’être radiés. Puisqu’ils ne veulent pas changer de politique, les radiations massives sont la seule solution qui leur reste pour faire baisser les chiffres du chômage ! La nouvelle convention d’assurance chômage ne doit théoriquement pas être renégociée avant l’an prochain. Mais le gouvernement Valls aimerait bien aller plus vite, notamment pour rendre les allocations chômage dégressives au bout d’un certain temps.

Outre l’assurance chômage, il y aussi la facilitation du chantage à l’emploi en allant encore plus loin que la loi « made in Medef » de 2013 sur les « accords de maintien de l’emploi ». Le gouvernement a prévu une loi sur le sujet. Son idée ? Permettre aux actionnaires d’exiger des salariés qu’ils renoncent à des droits au nom de « l’emploi » même quand l’entreprise n’est pas en difficulté. Il appelle cela « des accords offensifs ». Le respect de la durée légale du travail de 35h est notamment visée par Emmanuel Macron. Jean-Claude Mailly, de Force Ouvrière, a donc totalement raison de dénoncer « les « réformes structurelles » qui consistent à flexibiliser et précariser le social et le travail pour répondre aux dogmes économiques libéraux ».

L’appel à la mobilisation s’adresse aussi aux retraités actuels et futurs. Les retraites sont gelées depuis un an. Actuellement, patronat et syndicats négocient la future convention concernant les retraites complémentaires. Le MEDEF fait le forcing pour rogner les droits des salariés et retraités. Il propose que les retraites soient gelées trois ans de plus. Il veut aussi réduire les pensions de réversion, versée aux veufs et veuves. Surtout, le MEDEF veut utiliser les retraites complémentaires pour repousser encore l’âge de la retraite. Il propose ainsi d’instaurer une décote pour les retraites complémentaires entre 62 et 67 ans ! Cela reviendrait à obliger les salariés à partir à la retraite à 67 ans, sauf à perdre 20% à 40% de sa retraite complémentaire ! L’âge légal de départ à 62 ans pour le régime de base ne serait plus qu’une coquille vide ! 

L’objectif du 9 avril n’est pas seulement défensif. Il est de « reprendre l’offensive » comme l’écrit Solidaires. Les conditions sont réunies pour que cette grève soit un succès. L’appel unitaire à la grève et à des manifestations a été lancé le 17 février. Les militants syndicaux préparent donc activement cette journée depuis des semaines dans les entreprises. Autre élément positif, en plus des traditionnelles manifestations partout en France, la CGT appelle à faire du défilé de Paris une manifestation nationale. Cette volonté de grossir les rangs parisiens pour être visible donne une nouvelle dimension à l’action. Il s’agit de montrer la force. C’est la logique que nous avons développée dans le champ politique en appelant à plusieurs marches nationales depuis l’élection présidentielle. Pour faciliter la mobilisation, nous appelons à des marches le weekend. Les syndicats appellent à la grève, donc nécessairement en semaine. C’est plus difficile pour les salariés, notamment ceux aux petites payes ou en contrat précaire. Mais c’est aussi la base de la construction du rapport de force contre le MEDEF et les actionnaires.

Cette situation est un révélateur puissant du lien entre la lutte sociale et la lutte démocratique pour la 6e République. Contester la politique d’austérité, c’est nécessairement s’attaquer aux diktats de la Commission européenne et donc défendre la souveraineté populaire. Dénoncer les effets du traité budgétaire, c’est souligner comment la 5e République a permis à un président à peine élu de renier sa promesse sur ce point comme sur tant d’autres et de faire ratifier ce traité sans référendum. Combattre la loi Macron, c’est aussi refuser la brutalité de Manuel Valls imposant l’adoption de ce texte sans vote à l’Assemblée nationale grâce à l’article 49-3 de la Constitution. Réclamer des hausses de salaires ou défendre les droits des salariés, c’est remettre en cause la toute puissance du patronat et des actionnaires dans les entreprises. Les deux volets ne s’opposent pas, bien au contraire. Ils se renforcent mutuellement comme ils l’ont toujours fait dans l’histoire du socialisme républicain dans notre pays.

Minuit dans les médias

Je reviens un instant à cette soirée électorale qui me reste sur l’estomac. Elle fut réduite au strict minimum. Heureusement, parce que le rite et les ritournelles que cet exercice comporte ne sont plus supportés par grand monde côté citoyens téléspectateurs. Quant aux professionnels du commentaire, n’avaient-ils pas déjà été ridiculisés par leur prestation de la semaine précédente ? Ils avaient en effet passé la soirée à commenter des chiffres faux et divergents d’une chaine à l’autre. On les sentait moins frétillants d’enthousiasme pour bavarder dans le vide, avec le jeu sonne-creux des fausses oppositions et la kyrielle des « satisfaits des résultats ».

Comme je l’ai dit, ma déclaration tenait en moins de trois minutes. C’était encore trop long pour « le service public ». Il n’en dit rien, n’en montra rien, gommant avec ferveur tout ce qui « n’entre pas dans le cadre ». De son côté, TF1 avait pourtant déplacé ses moyens techniques. La chaîne commença une retransmission de mon propos, puis l’amputa de la moitié de sa longueur et de toutes ses propositions. Je suppose que le match de foot poussait les messages publicitaires où je ne sais quoi. Personne ne s’excuse, personne n’explique. Certains soirs, il coule de l’info en pièces, hachée comme la viande du même nom et par le même procédé. Mais cela n’est rien que ces amputations à côté du décervelage méthodique organisé sur le thème du « tripartisme », la dernière pizza intellectuelle des cancres de Sciences-Po. Mais telle est la mode ! Ce concept de communicant sert à séparer la droite de l’extrême droite alors que la porosité est mille fois démontrée entre eux quant aux thèmes et propositions. Mais elle sert aussi à nous enrégimenter sous la bannière du PS alors même que nous sommes en opposition à lui, à son gouvernement et que notre groupe à l’Assemblée vote la motion de censure. Un PS à 19% et un Front de gauche à 11% c’est une nouvelle insupportable ? Qu’importe si c’est un fait ! Mais l’info s’occupe-t-elle des faits ou des commentaires à leur sujet ? Pas besoin d’être un aigle pour deviner qui a inventé cette nouveauté. Ainsi, l’univers des mots faux, des expressions truquées, des arrangements entre bons amis des médias et de la politique continue sa vie, bouchant l’horizon, empêchant les débats, falsifiant les identités.

En ce qui me concerne je suis remarquablement servi. Au cours des trois dernières années, je n’ai pas eu une interview sur l’une quelconque de mes propositions économiques ou l’une quelconque de mes idées théorique. « L’économie de la mer », le « Manifeste pour l’écosocialisme » où « L'Ère du peuple » en attestent. À une exception. Chez Ruquier, une des rares émissions politiques de fond, Caron s’est intéressé à ce que je disais sur l’impact du nombre des êtres humains sur l’histoire qui arrive. Par contre, le moindre ragot, le plus humble pet de souris dans mon bureau, tout est aussitôt avidement répercuté comme un bruit de bombe. Voir l’épisode Buisson et sa mise en valeur dans le copinage promotionnel du « Monde » et de « France inter », trois jours avant le vote. Avant cela, il y a eu le torrent d’infamies de Médiapart contre moi à propos de l’assassinat de Boris Nemtsov. Du coup, déjà bien désillusionné, j’étais moins triste de voir ce média passer lui aussi sa soirée à faire des arpèges sur le tripartisme sans un mot pour le Front de Gauche ni le résultat des alliances entre EELV et nous. Décidément, c’est bientôt minuit dans les esprits de la nomenclature. Comment pourrait-il en être autrement avec le niveau de l’information diffusée ? Cela ne s’est pas amélioré ensuite. Ce mardi « Le Monde » revenait à la charge avec ses manipulations. Et le soir sur « le service public » de France 2, un magnifique sujet montrait que « Le programme du FN est le même que celui de Mélenchon ». Décidément le temps de cerveaux disponible ne se voit rien épargner.

Mais je ne veux pas vous laisser sur cette impression glauque à cet instant de mon post. Je vous propose donc deux liens (celui-ci et celui-là) qui envoient sur deux articles produits au sujet de mon travail sur la pensée stratégique utile à notre gauche. Cela ne veut pas dire que j’approuve ou désapprouve ce qui est dit. Ce n’est pas le sujet. Mais je veux le faire connaître. Parce que c’est un travail sérieux, documenté avec lequel l’esprit peut entrer en dialogue par opposition avec les sempiternels brocardages vulgaires qui tiennent lieu de commentaires politiques à mon sujet.


105 commentaires à “Et ils s’en foutent !”
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  1. lydie valero dit :

    Cher Jean-Luc,
    Merci encore et toujours pour votre ténacité et vos analyses qui font remonter le moral bien bas en ce moment. Je voulais vous suggérer une lecture si vous ne l'avez pas déjà faite :Karl KraUs "Je n'ai aucune idée sur Hitler", éditions Agone. Cet écrivain autrichien écrit en 1933 ce pamphlet qui décrit la montée du nazisme et toutes les lâchetés des intellectuels, artistes et autres journalistes, qui me rappellent furieusement toutes les hypocrisies que nous subissons à longueur de jours et d'années. Des propos qui sont comme un écho de notre période actuelle et vos articles nous le rappellent avec une terrible régularité.
    Bon courage et conservez cette hargne qui nous est salutaire. Et bonne lecture !

  2. Merci pour tout Jean-Luc, nous sommes à tes côtés, n'en doute pas ! Courage, prends soin de toi, nous tenons à toi. Merci compañero.

  3. Eric dit :

    Bonjour Mr Mélenchon,
    Je ne suis pas à ce jour un de vos électeur, mais je me considère comme quelqu'un de profondément ancré à gauche avec une profonde envie d'avoir une vraie politique sociale qui ne soit pas de l’assistanat. Je considère qu'à ce jour il existe tellement de systèmes d'aide que l'on ne s'y retrouve pas, et que celui-ci ne va pas forcément dans la bonne direction. Exemple, pourquoi quelqu'un qui accède à la propriété touche des APL alors qu'un locataire qui a un revenu moyen sans pouvoir devenir propriétaire n'a droit à rien. Nous avons des cas ou celui qui ne fait rien gagne plus que ceux qui travaillent. Il faut remettre de l'ordre dans toutes ces dérives, car il est anormal que les gens qui travaillent ne puissent pas finir le mois pour se nourrir et se loger ! Toutes ces dérives favorisent le développement du FN.
    Pour ce qui me concerne, je suis un artisan qui travaille avec son épouse avec des semaines de 50 à 72 heures. Nous ne gagnons pas des fortunes, sans être à plaindre, mais nous aimerions que les politiques s’occupent un peu plus des Français dans toute leur diversités plutôt que de se préoccuper d'eux-même !

  4. Invisible dit :

    Il faut arrêter avec ce mot d'assistanat qui a été lancé, dans un état d'esprit politicien et dégueulasse, pour faire se battre les gens entre eux. Qui n'est pas assisté de nos jours ? Personne. Sachez que les agriculteurs sont les premiers. Les subvention européennes se montent à des sommes annuelles largement supérieures à un RSA (ça va de 4000 € à 50 000€ annuels, ou 90 000, ou 150 000 !) Consultez télépac, site officiel. Ensuite, vous avez les entreprises qui, soit reçoivent des aides, soit sont exonérées de leur part de contribution sociale, ce qui est un scandale. Ensuite, vous avez toutes les aides aux foyers ayant déjà un gros apport personnel pour isoler la maison, acheter une chaudière, un chauffe-eau et même maintenant une voiture électrique. Calculez le montant mensuel de ces aides ponctuelles et vous verrez que cela peut dépasser un RSA annuel. Il faut sortir des considérations moralisatrices et culpabilisantes. Chacun d'entre nous, à un moment ou à un autre, est assisté. Et les plus nantis ne sont pas les moindres.

  5. laurent dit :

    Et oui, Jean-Luc, ce gouvernement a des oeillères, voire les oreilles un bouchées. Il veulent mettre en place le FN en 2017 et malheureusement il n'y aura qu'à ce moment là que les politiques et les Français se réveilleront et viendront nous voir pour sortir le pays de ce marasme. A nous peuple de gauche de faire en sorte d'être prêt pour le grand soir !


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