04mai 14

Débloquer la gauche

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Je rédige ce post avant de refaire ma valise car, cette semaine, je suis de nouveau sur les routes du pays. J’ai à peine eu le temps de digérer les belles images et impressions reçues lors de mon passage à Perpignan et Sète, mais aussi à Narbonne et Alès où nous étions si nombreux et si chaleureux. Notre campagne est un fait public, massif et chacun s’accorde à nous trouver nombreux et enthousiastes. Mais elle est méthodiquement niée par les médias parisiens dominant. Sans vergogne, par exemple, LCI, Europe 1 et tutti quanti organisent des « débats » dans les grandes circonscriptions auxquels trois partis seulement sont invités. Des fois quatre. Jamais nous. Ici où là, de grands groupes de presse organisent la même exclusion des nôtres. Inutile d’épiloguer. Ils se comportent en ennemis. Ici, la consigne est claire : si vous n’êtes pas invités, invitez-vous !

Après quoi je dois préciser que je n’ai, à titre personnel, aucune envie de voir dans ma campagne le journal des publireportages sur les Le Pen qu’est « Le Monde » pointer ses petites pattes pleines de fiel. Qu’il reste à la maison ! Car s’il venait, ce serait pour jeter du venin, exciter les divisions ou se livrer à des provocations. C’est déjà ce qui a été fait contre mon camarade Gabriel Amard dans la circonscription du Grand Est. Ce coup-là, le drôle de la situation, c’est que le « journaliste » du glorieux « Le Monde » s’est présenté comme étant celui de « Libération ». Aucun des « journalistes » de ces deux quotidiens ne sont bienvenus dans mes meetings et déplacements tant qu’ils travaillent pour ces quotidiens ! D’ailleurs, j’appelle mes amis à les surveiller de façon étroite et vigilante, à filmer leurs agissements, si possible, dès qu’ils les repèrent, qu’ils agissent à découvert ou qu’ils se cachent sous des faux noms.

Dans ce post je reviens sur ce que j’ai dit concernant la nécessité pour les députés socialistes qui ont refusé de voter le plan d’austérité de s’organiser en groupe parlementaire autonome. Puis je complète ma démonstration en montrant comment l’idée que le dialogue avec le Premier ministre pourrait ouvrir un espace de changement d’orientation est une illusion. En effet, Manuel Valls s’est engagé en sens inverse de façon irrémédiable. J’en donne une preuve dans le souci de ne pas être dans accusé de procès d’intention. Cette preuve c’est un document que notre équipe a étudié et que j’ai dû lire (il serait plus juste de dire « survolé » à cette heure !) en dépit de son extrême aridité. Il s’agit du « Programme national de réforme » que Valls remettra le 7 mai à l’approbation de la Commission européenne. Un crédo libéral et austéritaire à mille lieux du discours proposé au bon peuple par le PS dans le cadre des élections européennes. Ce programme est donc le vrai manifeste politique du nouveau Premier ministre.

Comme il est question dans ce programme de Valls de la vente des barrages hydro-électriques au secteur privé et du vote des Verts favorable à la libéralisation de l’énergie, je viens aussi sur une très étrange déclaration de José Bové dans l’émission « Face aux chrétiens ». Il s’agit selon moi d’un sérieux dérapage dont je donne la clef philosophique.   

Un nouveau groupe socialiste autonome dans les Assemblées débloquerait la gauche

A-t-on bien pris la mesure de la situation politique institutionnelle qui résulte du vote de l’Assemblée nationale ? Le gouvernement n’a pas eu de majorité absolue pour son plan d’action. Le Premier ministre a perdu quarante-cinq voix depuis le vote de confiance qui a suivi son discours d’investiture. soixante-treize députés de gauche ne le soutiennent pas. C’est-à-dire quinze de plus que le nombre requis pour déposer une motion de censure. Ce refus de soutien dessine une pente vers la radicalisation qui saute aux yeux. Onze députés socialistes s’étaient abstenus sur la confiance. Cette fois-ci, ils sont quarante-et-un. Notons qu’une bonne partie ne s’est abstenue que pour faire nombre avec les abstentionnistes alors que maints députés socialistes s’apprêtaient à voter contre. En tous cas, les Verts, qui avaient voté abstention la fois d’avant, ont très majoritairement basculé dans le vote contre : deux seulement se sont abstenus tandis que douze ont voté contre. Et comme si cela ne suffisait pas, une nouvelle composante de la majorité fait dissidence. Il s’agit du MRC de Jean-Pierre Chevènement. Ses trois députés ont voté contre. Et même au PRG, il s’est trouvé deux abstentions ! Dans ces conditions, il ne reste plus à ce gouvernement que le soutien du seul PS. Et encore ! D’une partie du PS !

Valls a donc totalement divisé la gauche parlementaire. C’est un fait. Pas un soupçon ni une appréciation subjective : un fait. Sur quelle base repose donc la construction politique du président de la République ? Ni sur l’Assemblée, ni sur la popularité, ni sur une mobilisation des bases de son camp. C’est la position la plus périlleuse en démocratie. D’autant plus quand menacent des forces contre-républicaines et même contre-démocratiques aussi nombreuses que celles qui agissent aujourd’hui, qu’il s’agisse des mécanismes européens, de la poussé des partis bruns, mais aussi d’une masse d’intellectuels déboussolés qui franchissent continuellement de nouvelles lignes blanches. Qui a lu Jacques Julliard dans « La fatigue démocratique », paru dans Marianne, peut se faire une idée du point d’avachissement où peuvent tomber les idéologues de la mouvance qui a constitué la « gauche-Nouvel-Observateur », dont les Hollande et Valls sont les héritiers.

C’est cet attelage si terriblement affaibli, ce reste si étroit de la coalition initiale, qui veut faire appliquer le plus violent plan de coupes budgétaires et de démantèlement de l’Etat et des institutions démocratiques que notre pays ait jamais subi en temps de paix. 50 milliards de coupes, plus la suppression des départements et de la moitié des régions, sans oublier la destruction de fait de milliers de communes absorbées par les métropoles !

Pendant ce temps tout parait bloqué. L’état-major socialiste totalement tétanisé n’a plus qu’une arme de paralysie massive : la vieille tenaille du chantage au pire à tout instant et sur tous les sujets. Le vote utile dans les élections locales, nationales et européennes. Et à présent, la menace de dissolution de l’Assemblée pour contenir les récalcitrants. Sur ce point, comment ne pas voir l’escalade ? Jusque-là, les solfériniens accusaient ceux qui ne voulaient pas leur céder de faire le jeu de la droite et de l’extrême droite. A présent ils menacent de livrer la place à la droite et à l’extrême droite si on ne leur obéit pas ! 

Dans ce contexte, nuls autres que les socialistes sont devant une obligation aussi directe de prendre une initiative. Toutes les autres composantes de la gauche l’ont fait à ce jour ! Toutes ont quitté la majorité de 2012. Les députés socialistes viennent à leur tour de valider les critiques que tous les autres formulaient en refusant, ensemble et de façon concertée, d’approuver la nouvelle donne issue du vote des municipales. Il me semble qu’ils ne peuvent se limiter à proposer au pays comme projet politique d’améliorer leurs propres relations avec le Premier ministre ! Ce ne serait pas à la hauteur du moment, de la crise politique qu’eux même ont achevé de rendre visible aux yeux de tous. A l’inverse, en se constituant en groupe autonome, ils rendraient possible la constitution d’une nouvelle formule de gauche pour gouverner. En particulier parce qu’ils rendraient possible le dialogue à gauche totalement verrouillé par les brutalités sans fin de la période Ayrault-Désir-Hollande. Je n’ai pas mis cette question sur la table de ma seule initiative. En rencontrant récemment mon camarde Pierre Laurent, nous avons pu vérifier que nous regardions bien de la même façon les priorités de l’heure. Nous ne visons pas seulement à rassembler la gauche depuis les Verts jusqu’au NPA. Notre but n’est pas d’isoler le PS. C’est déjà fait. Notre but doit être de mettre fin à sa politique avant la catastrophe qui se prépare. Je sais très bien que nos chances d’être entendu à court terme sont faibles. Mais après la nouvelle raclée que le PS va prendre aux européennes, si nous sommes nous-mêmes assez forts, nous pouvons tout débloquer, en ayant donné un signe clair dès aujourd’hui.

Le pire serait de se laisser enfermer dans la caricature que le pouvoir solférinien essaie de dessiner pour se protéger. « La lutte contre les extrêmes », ce nouvel avatar du vote utile, est le pointillé qui délimite l’union nationale sur « la seule politique possible ». Ce nouvel axe a commencé à se dessiner lors du vote sur le plan d’austérité, quand des députés significatifs du centre ont voté avec Valls. Le programme du gouvernement déposé devant la Commission est le programme commun de cette coalition en cours de maturation. Les députés socialistes qui croient donc qu’en reportant le moment de leur autonomie, ils soulagent la pente à la crise, se trompent du tout au tout. Ils l’aggravent en donnant des délais d’exécution à une manœuvre destructrice.

Le vrai programme de Valls devant la Commission européenne

Vous aurez noté, donc, que pour une partie des députés dissidents, l’avenir ce serait le « dialogue avec le chef du gouvernement ». Si on veut en rester à cette affirmation de principe, demandons-nous cependant si ce « dialogue » est possible. Je veux dire : s’il dégage de quelque façon que ce soit un espace de changement de trajectoire de l’action gouvernementale. Car s’il s’agit de parler, d’user de bonnes manières, je suis certain que Manuel Valls, que je connais, est le meilleur homme du monde et le mieux disposé à être avenant et souriant. Il peut même accepter des modifications à la marge, comme il vient de le faire, pour ne pas humilier les contestataires qui acceptent de capituler devant lui. Mais cela ne saurait suffire ! J’espère que tout le monde est d’accord sur ce point.

La question posée à tous est de savoir si ce dialogue peut ouvrir un espace pour une autre politique. La réponse est formellement : non ! Rien ne peut inverser le cours de la politique austéritaire car elle est d’ores et déjà planifiée par le Premier ministre pour de très longs mois. En faut-il une preuve concrète ? Pour s’en convaincre rien de mieux qu’une lecture attentive du « Programme national de réforme ». Car tout ça est déjà écrit noir sur blanc. D’accord : c’est une lecture extrêmement rébarbative. Mais de quoi s’agit-il ? C’est l’un des deux documents que le gouvernement français doit envoyer à la Commission européenne, en vertu des nouvelles règles de l’Europe du traité Merkozy signé par Hollande, sans en changer un mot, comme on s’en souvient. Car la France est bien devenue une des « colonies de la Commission Européenne », comme l’avait pronostiqué celui qui était alors secrétaire général de la confédération européenne des syndicats : John Monk. Elle doit, comme tous les autres pays, soumettre toute sa politique économique et budgétaire à l’approbation de la Commission avant que son Parlement ait le droit d’en débattre. L’autre document déposé devant la Commission, c’est le « Programme de stabilité » des finances publiques, qui a fait l’objet du vote de mardi 29 avril à l’Assemblée. Le « Programme national de réforme » est donc le complément du plan d’austérité de 50 milliards d’euros décidé par Manuel Valls. Comment ça marche ? Le « Programme national de réforme » recense, une par une, les « recommandations » que la Commission européenne a fait à la France l’année dernière. Les désirs de la Commission doivent être compris pour ce qu’ils sont : des ordres. Dès lors, pour chacune des « recommandations », le document indique les réponses obéissantes du gouvernement Valls. Le document est volumineux : il fait 101 pages. Mais il est public. Et le texte est publié en version française dans laquelle il a sans doute été rédigé avant d’être traduit en anglais pour la Commission. Chacun peut donc aller juger par soi-même sur le site du ministère de l’Economie.

Toute la politique économique de droite du gouvernement Valls y est. Evidemment, on y trouve un résumé très satisfait de la politique d’austérité. Ensuite, vient une partie sur la « compétitivité » et le « coût du travail ». En fait, il s’agit des cadeaux fait au MEDEF. Le gouvernement détaille la manière dont il entend donner 30 milliards d’euros par an au grand patronat. Mais le gouvernement Valls se vante aussi de ne pas avoir augmenté le SMIC. Le document rappelle que la Commission européenne demandait en 2013 « à faire en sorte que le salaire minimal évolue d'une manière propice à la compétitivité et à la création d'emplois, compte tenu de l'existence de dispositifs de soutien des salaires et d'exonérations de cotisations sociales ». Le gouvernement Valls répond en détail. Il se vante du quasi-gel du SMIC au 1er janvier 2014 jugeant que « Cette revalorisation reste largement contenue ». Comme il l’avait déjà fait dans un autre document envoyé à la Commission européenne à l’automne dernier, le gouvernement confirme aussi que « la réforme des retraites fera mécaniquement reculer l’âge effectif de départ à la retraite par le biais de l’allongement progressif de la durée d’assurance ». Ce nouvel aveu se trouve page 57. Détail obscène : ce document a été approuvé en Conseil des ministres le jour de la visite de François Hollande à Carmaux ! La retraite à 66 ans devant la statue de Jean Jaurès, celui qui l’avait arrachée, il y a un siècle, en 1910, pour les salariés à partir de… 65 ans ! On mesure ici de nouveau quel art consommé de la duperie et de la moquerie cruelle révèle après coup le numéro qu’a fait Hollande à Carmaux. Bravo à ceux qui l’ont accueilli comme il le méritait.

Un secteur du « programme » de Valls est particulièrement intéressant. C’est celui qui concerne les services publics. Ils sont spécialement dans le viseur. Page 43, on apprend ainsi que « le Gouvernement a engagé, à travers plusieurs véhicules législatifs et notamment la loi relative à la consommation du 17 mars 2014, un ambitieux mouvement de renforcement de la concurrence dans le secteur des services, à la fois grâce à des mesures transversales et des mesures sectorielles ». Energie et transports ferroviaire sont particulièrement menacés. Comme l’an dernier, le gouvernement reconnaît que la réforme ferroviaire préparée vise à permettre la mise en concurrence généralisée : « dans le domaine des transports, le projet de loi de réforme du système ferroviaire a été présenté au mois d’octobre 2013. Il vise à renforcer l’efficacité de la gouvernance actuelle avec la mise en place d’un opérateur unique pour la gestion de l’infrastructure, dans une perspective compatible avec l’ouverture à la concurrence du transport de passagers. (…) Par ailleurs, la pression concurrentielle dans le secteur devrait s’accroître du fait de l’accroissement des possibilités de transport par autocar » ! La route va pouvoir faire concurrence au train ! Bel exemple de l’absurdité écologique de la politique libérale ! Bien sûr, on attend que les candidats du PS aux élections européennes viennent expliquer toutes ces merveilles dans leurs réunions et porte-à-porte…

Et surtout qu’ils aillent les défendre devant les salariés des secteurs concernés. Ainsi devant ceux de l’énergie. Car les attaques y sont encore plus précises. Le gouvernement Valls indique ainsi que « les tarifs réglementés de vente de gaz naturel pour les professionnels seront progressivement supprimés à partir de 2014 ». Il rappelle aussi que « les tarifs réglementés de vente de l’électricité, comme prévu par la loi portant nouvelle organisation du marché de l’électricité (loi NOME datant de 2010), disparaîtront d’ici fin 2015 à l’exception des tarifs réglementés « bleus » pour les petits consommateurs. Leurs modalités pratiques de disparition ainsi que les obligations d'information des fournisseurs seront identiques à celles prévues pour le gaz naturel ». Le gouvernement se vante aussi de « renforcer la concurrence entre fournisseurs historiques et fournisseurs alternatifs » en ayant « permis à l’ensemble des fournisseurs de proposer le tarif social de l’électricité ».

Surtout, le gouvernement confirme sa volonté de privatiser les barrages hydroélectriques. L’annonce est dissimulée aux pages 16, 48 et 95. Le gouvernement annonce qu’« un renouvellement par mise en concurrence des concessions d’exploitation des installations hydroélectriques sera privilégié ». L’ancienne ministre de l’Ecologie Delphine Batho s’était opposée à cette décision avant d’être éjectée du gouvernement il y a quelques mois. Mais la nouvelle ministre Ségolène Royal a confirmé qu’elle comptait bien ouvrir les concessions de nos barrages au secteur de la finance.

Douze barrages sont concernés d’ici 2020. Et si cette logique est enclenchée, tous les autres suivront. Quatre cents sites sont sous concession dans tout le pays. Dans 80% des cas, c’est EDF qui gère la concession, et dans 15% GDF, héritage de son ancien statut public. C’est un nouveau coup libéral contre le service public et la transition énergétique. En effet, les barrages hydroélectriques sont la première source d’énergie renouvelable en France. Vous croyez que les fonds privés veulent produire de l’électricité propre ou des flots d’argent avec ces barrages ? Vous faites confiance au privé pour entretenir et investir dans l’équipement des barrages ?

Ainsi, en plein dépeçage d’Alstom, la grande braderie de nos moyens et savoir-faire énergétiques continue ! Encore une fois, l’intérêt général et la souveraineté du pays sont sacrifiés pour contenter les idéologues du profit qui mènent l’Europe au désastre. Pensez-y le 25 mai prochain en votant aux élections européennes. Ceux qui ont voté la libéralisation du marché européen de l’énergie doivent être sanctionnés. C’est bien sûr le cas de la droite. Mais aussi des députés PS et Europe Ecologie-Les Verts, qui ont tous soutenu la libéralisation de l’énergie. Ainsi, en septembre 2011, tous les députés européens PS et Europe Ecologie ont voté pour le rapport Chatzimarkakis prônant la concurrence totale sur le marché de l’énergie. Trois mois plus tôt, en juillet 2011, une majorité d’entre eux dont José Bové ont voté pour la libéralisation comme le soutenait le rapport Wagner. Pour ma part, j’ai voté contre. Je cite José Bové plutôt qu’un autre compte tenu de sa nouvelle situation de candidat des Verts européens à la fonction de président de la Commission européenne

José Bové dérape sur la PMA

Comme je vous l’apprends, José Bové a été moins présent que moi cette année au Parlement européen à l’heure d’appuyer sur les boutons de la machine à voter. Peut-être va-t-il mieux comprendre qu’une campagne électorale, même interne, comme celle qu’il a menée pour être investi comme candidat à la présidence de la Commission, est une activité qui prend du temps et qu’elle n’est pas indigne du mandat de parlementaire. Ayant eu à vivre le même épisode pour l’élection présidentielle en France, j’ai connu cette situation. Mais du fait de cette nouvelle position, je suis dorénavant avec intensité toutes ses prises de position, puisque les Verts sont en concurrence avec nous devant le jugement des électeurs. S’y ajoute la curiosité au cas précis. Car il est vrai que les attaques répétées de Bové ont été nombreuses ces derniers temps et j’avoue qu’elles m’ont pris de cours car je ne m’y attendais pas. Je suis donc dorénavant bien décidé à comprendre qui est ce donneur de leçons que je croyais connaître comme un camarade.

Plus j’écoute ce qu’il dit plus je suis stupéfait. Je m’en veux de ne pas l’avoir fait plus tôt. Car il n’est pas possible que ce que je j’entends de lui soit nouveau dans sa bouche et en tous cas dans sa pensée. Ainsi à l’occasion de son dernier passage média important. Ce jour-là, José Bové était l'invité de l'émission « Face aux chrétiens » animée par Dominique Gerbaud. Une émission de qualité à laquelle j’ai également participé il y a peu. Il répondait aux questions de Louis Daufresne (Radio Notre-Dame), Benjamin Rosier (RCF) et Mathieu Castagnet (La Croix). Ses réponses considérées comme essentielles ont été reprises par le journal « La Croix » paru vendredi 2 Mai. Deux d’entre elles méritent une attention particulière. La première concerne son credo européen, la seconde la question de la procréation médicalement assistée. La première éclaire bien la nature de son engagement européen. « Ayons du courage, déclare-t-il, n'ayons pas l'Europe honteuse ! Expliquons aux gens qu'elle permet de vivre mieux que s'ils étaient chacun recroquevillés dans leur propre pays » déclare Bové. On se pince. Candidat à la présidence de la commission européenne compte-t-il assumer cette position devant les Grecs, les Espagnols, les Irlandais, les Portugais ou même les Français ? En Europe, qui vit mieux aujourd’hui grâce à l’Europe ? Plus loin dans l’entretien, l’usage d’un rapprochement qu’il fait entre Le Pen et moi, alors que la question ne lui était pas posée, me parait devoir être signalée. Il déclare : « Je me situe très clairement en opposition aux discours de Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon ». Voilà un de ces procédés déloyaux auquel dorénavant José Bové ne répugne plus, même à l’égard de ceux qui l’ont soutenu aux moments difficiles dans le passé. Je me sens donc les mains libres pour évoquer à présent ce que je crois être un dérapage grave de la part d’un homme de gauche. Naturellement José Bové a parfaitement le droit d’avoir des convictions religieuses qui lui fassent un devoir moral de comportement personnel. Mais le législateur européen doit-il s’y soumettre et voter des textes pour y soumettre tous les autres ? Je donne d’abord à lire ce que « La Croix » a transcrit sur le thème. Lisez tranquillement pour bien prendre la mesure de ce qu’il dit.

« La Croix » : « Vous qui combattez les OGM, soutenez-vous l'offensive des écologistes pour ouvrir la PMA aux couples homosexuels? »

José Bové : « Je n'ai jamais varié, je suis contre toute manipulation sur le vivant, que ce soit pour les couples homosexuels ou hétérosexuels. Je ne crois pas que le droit à l'enfant soit un droit. La réflexion ne peut pas se couper en tranches sinon, d'évolution en évolution, il n'y aura plus de limite. Tout ce qui fait qu'on va fabriquer le vivant plutôt que de le laisser se développer pose énormément de problèmes humains et éthiques. Pour moi, tout ce qui est manipulation sur le vivant, qu'il soit animal, végétal et encore plus humain, est quelque chose qui doit être combattu. » Selon la sénatrice Verte Esther Benbassa, José Bové confond ici OGM et PMA. Pour ma part j’y vois une erreur encore plus lourde. Et même inouïe. José Bové sait-il que la PMA est légalement appliquée, d’ores et déjà, pour les couples hétérosexuels qui la demandent ? Propose-t-il de l’interdire ? Oui. Sa position est donc plus restrictive que celle des adversaires du mariage pour tous qui ne la refusent qu’aux couples homosexuels !

José Bové pose encore un deuxième principe. Il se prononce « contre toute manipulation du vivant ». Que désigne-t-il sous l’appellation « manipulation du vivant » dont il précise qu’il les refuse dans toutes les catégories : animales, végétales et « a fortiori humaines » ? Je ne crois pas qu’en tant qu’ancien éleveurs de brebis il condamne les croisements qui améliorent les caractéristiques des céréales ou des lignées d’ovins. Ce sont pourtant des manipulations. Je crois donc qu’il vise explicitement ce qui relève des sciences techniques dans ce domaine. Mais alors, toutes les thérapies génétiques doivent-elles être condamnées, par exemple ? La racine de cette mise à distance généralisée des sciences et des techniques n’appartient pas qu’aux branches dures du christianisme actuel. A sa périphérie, des courants de pensée se sont aussi réapproprié cette inspiration. Ils ont été à leur tour largement réinterprétés par certains courants écologistes. Dans l’ensemble ils ont emprunté au philosophe Jacques Ellul les grands traits de sa critique de la société « technicienne ». Jusqu’au point pour certains d’identifier les biotechnologies à des « sciences de la mort ». J’estime que sur le plan philosophique, ce n’est pas le meilleur d’Ellul. Mais sur le plan politique, c’est le pire. L’humanisme progressiste s’en tient à la modeste mais exigeante devise de Rabelais : « science sans conscience n’est que ruine de l’âme ». Cela signifie que nous ne devons être ennemi d’aucun progrès de connaissances et de mode opératoire, mais que nous ne devons en user qu’en ayant appliqué préalablement notre examen critique consciencieux.

A moins que ce ne soit un problème encore plus vaste que soulève José Bové. Je le mentionne en raison de l’ambiguïté visible d’une de ses phrases. La voici : « Tout ce qui fait qu'on va fabriquer le vivant plutôt que de le laisser se développer pose énormément de problèmes humains et éthiques ». Quelle est cette opposition entre « fabrication du vivant », que l’on comprend du point de vue énoncé auparavant par Bové, et son contraire formulé ainsi : « plutôt que de le laisser se développer » ? Parlons net : l’avortement est-il une « manipulation du vivant » ? Que faudrait-il laisser se développer dans ce cas ? Le fœtus ? Encore une fois, je ne récuse pas le droit de Joé Bové, en tant que personne privée, de s’interdire le choix de l’avortement si sa décision personnelle est sollicitée. Mais le législateur européen José Bové reconnait-il aux autres le droit de pouvoir choisir eux et elles-mêmes ? Cette question n’est pas sans importance dans le contexte actuel d’attaque contre les droits des femmes en Europe.


171 commentaires à “Débloquer la gauche”
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  1. jean ai marre dit :

    @ Maurice
    "Je suis très surpris par les propos de José Bové"

    Faut pas croire que le gars est naïf. En faisant cette interview, il se rapproche des catho et des vieux. Cette région est à gauche, mais une gauche conservatrice, donc il ne faut pas déplaire. Et aller dans le sens du vent. Comment ratisser large chez un électorat rural ? Ensuite faut pas oublier que le gugus est candidat. Il prône le fédéralisme.

  2. Barousset dit :

    Jean Luc, Bonsoir, et tous mes souhaits de bon rétablissement,
    J'aurais volontiers remis à plus tard ce message, mais il risquerait alors d'être hors sujet, ou trop tardif. Trop tardif car il a été dit que tu passerais par les hautes Pyrénées au cours de la campagne pour les Européennes, or, aussi bien toi dans ce billet que Corinne Morel Darleux, vous avez évoqué l'importance de l'hydroélectricité et les ravages d'une privatisation des barrages (me semblait évoquée la production "au fil de l'eau"). La particularité des barrages d'altitude dans nos montagnes est de permettre le stockage de l'énergie sous la forme de cette masse d'eau prête à descendre à travers tunnels et conduites forcées, depuis ces lacs naturels ou artificiels, pour produire trés rapidement en cas de besoin. Puis cette eau est remontée dans ces reservoirs de haute montagne lorsqu'il y a de l'energie disponible. On a ainsi un système de regulation indispensable au bon fonctionnement de l'ensemble du réseau électrique. Ma présentation montre bien que je ne suis pas spécialiste du sujet : il n'en manque pas dans la haute Vallée des Gaves, et Gedre mérite le déplacement. Encore un domaine de haute technologie où la France est leader mondial (construction des barrages mais aussi suivi de l'évolution des structures en milieu sinon hostile du moins difficile), qui ne doit pas être privatisé.

  3. Dominique BOHUON dit :

    Bon oui, quel dommage que la Russie ne soit plus communiste, quand elle va imposer aux Européens ayant voulu soutenir ce qu'il restera de l'Ukraine, sur les tuyaux de gaz russes vers l'Europe que les pays européeens doivent payer ce gaz consommés par chacun des pays d'européens au prix qui résultera de leur prix habituel plus leur quote part de ce que l'Urkraine aura consommé au passage.

  4. Wiz72 dit :

    Eh bien, on peut dire que l'appel de Jean-Luc Mélenchon pour que les Socialistes opposés à la politique d'austérité du gouvernement s'autonomisent n'aura pas mis très longtemps à être entendu. Témoin ce Manifeste des Socialistes affligés publié sur le site de Mediapart. Ces Socialistes affligés indiquent qu'ils tiendront un premier colloque le 7 juin, et que le Front de Gauche y est déjà cordialement invité. Même si c'est un pas en avant assez timide (ces gens pour l'instant ne parlent pas de quitter le PS ni de voter contre le gouvernement), c'est un vrai pas en avant, et peut-être le premier signe de ce début de recomposition de la Gauche Anti-Libérale que Jean-Luc appelle de ses voeux. Les prochaines semaines risquent d'être passionnantes.

  5. gege dit :

    @154 Witz72
    Que ces socialistes créent ce manifeste pour les affligés et proposent un débat ouvert, soit, mais appeler les autres forces de gauche à les rejoindre peut prêter à interprétation, car chacun peut se rencontrer en restant soi-même et pas d'attrappe-mouches on a suffisamment donné lors des présidentielles. Le Front de gauche doit rester lui-même, notre position est connue de ces dissidents pour l'instant momentané. Ils ne votent pas mais n'en restent pas moins toujours dans ce qu'il faut bien appeler une formation social-libérale. Cambadélis ne semble pas se précipiter dans l'explication tout en faisant partie de cette majorité libérale ni à débattre sur le choix de leur candidat qui gouverne avec Merkel. Je demande à voir jusqu'où va la sincérité des affligés, après tant de revirements.

  6. Denis F dit :

    @ 154 et 155
    Laissons les faire leur neuvaine, nous verrons bien ensuite le contenu de leurs afflictions. Mais je crois fort que 5 paters et 3 aves feront bien l'affaire, aurait dit le vieux prête ouvrier qui faisait confesse à l'atelier, faut dire que ce vieux communiste n'aimait pas trop les radis.
    Et d'autre part, "chat échaudé craint l'eau chaude" dit-on, alors quand on s'est pris un baquet d'eau bouillante dans la gueule, hein !…

  7. JeanLouis dit :

    Juste un peu de tolérance et d'ouverture d'esprit. Si vous voulez vous allier avec quelqu'un dans la politique comme dans la vie tout simplement vous devez être capable de faire des concessions, des compromis de trouver le plus petit commun multiple, bref de laisser un peu de coté dans l'action un peu de votre identité. Ne pas rester sectaire, sûr de la validité supérieure de ses idées. Mais il faut le faire ! Et JL Mélenchon ne dit pas autre chose.

  8. sergio dit :

    Peut-être le problème a-t-il déjà été évoqué parmi nous mais il me semble capital et urgent pour les européennes de proposer trois ou quatre courts principes ou orientations très fortes et simples pour toutes les circonscriptions venant de nos listes, ceci afin de bien nous démarquer des autres. Soumettre la BCE au besoin des Etats, fixer des lois sociales et écologiques de haut niveau pour tous, empêcher la "grande braderie" pour citer Jean-Luc, de nos savoirs et industries, refuser le GMT. Je soumets ces quatre objectifs grossièrement comme exemples. Les voir s'afficher, se dire et s'expliquer partout en France peut nous être très très profitable. Courage à tous !

  9. rayana dit :

    Complètement en accord avec Sergio158. Ces quelques points, s'ils sont bien expliqués, devraient pouvoir convaincre une partie des abstentionnistes de gauche qui ne comprennent pas l'enjeu de ces élections. Quant à la polémique sur l'utilité du vote, voir l'argumentation de Raoul Marc Jennar sur son blog, où il explique que contrairement aux idées reçues, le parlement européen n'est pas sans pouvoir, en tous cas pas moins que la plupart des parlements nationaux.

  10. richard30 dit :

    @ rayana
    "contrairement aux idées reçues, le parlement européen n'est pas sans pouvoir".

    Pour faire partager cet argument, il serait souhaitable de connaître vos sources, avec le détail des pouvoirs attribués au Parlement Européen. Par avance, merci.

  11. Franck dit :

    @ webmaster.
    La vidéo du 12/13 en tête du billet a un son que je qualifierais de "carlabrunesque" :)
    Je mets le lien du "replay" ici.
    Cdt.

  12. durluche dit :

    Je viens de regarder ton passage au 12/13.
    Du grand art, si à chaque passage médiatique, tu leur donnes de l'argumentaire aussi limpide sans lâcher plus de fougue, ça va leur faire mal. Tu as parlé de faire peur, tu fais peut être peur à certaines personnes "raisonnables" d'après ce que j'entends dans mon entourage mais c'est valable pour l'ensemble du mouvement (front de gauche); oui, on fait peur. Pourquoi les gens ne viennent ils pas déjà mettre leur bulletin pour nous dans les urnes? Nous proposons pourtant une vision de ce qu'il convient de faire tout à fait sympathique, pleine de bon sens réellement. Soit, notre constat de la nécessité d'avoir une politique radicale d'affrontement du libéralisme économique, n'est pas encore entré dans nombreuses têtes prêtes à le recevoir. Oui mais nous sommes l'extrême gauche, les cocos, les méchants soviétiques, les révolutionnaires et donc on fait peur pour l'instant...
    La majorité des gens votent pour des images. Quelle est notre image? Il faut parler du mieux qu'apporterait notre politique, donner à voir" le bonheur". Ne pas oublier que le libéralisme est le fond de sauce de la droite UMP UDI MODEM PSolferinien (si on...

  13. theo.brun dit :

    @durluche 162
    "Pourquoi les gens ne viennent ils pas déjà mettre leur bulletin pour nous dans les urnes?"

    Les gens ne lisent plus les programmes. S'ils votent FdG, c'est parce qu'ils sont déjà bien à gauche ou qu'ils ont écouté à la télé ou dans des meetings Jean Luc ! (donc ses prestations sont essentielles et s'il n'était pas là, je ne vois qui le remplacerait avec autant de panache et de conviction). C'est notre handicap politique. Nous "proposons du mieux pour demain ", mais ceux qui en bavent ne veulent pas attendre les lendemains de nos possibles élections victorieuses. Exemple, devons nous attendre d'être au pouvoir au lieu de vivre au quotidien "notre 6e République" ? Ce sont les solidarités concrètes et visibles qui peuvent amener les citoyens à se poser la question, pourquoi les FdG font ils cela ? Le slogan on choisit au premier tour, on élimine au second , est totalement obsolète puisqu'il nous conduit (belle arnaque au final) à voter pour des PS libéraux, en contradiction avec nos choix de premiers tours. Ce slogan usé arrive même à décourager, et l'abstention est en...

  14. rayana dit :

    @richard160
    Je vous invitais à aller faire un tour sur le blog de Raoul Marc Jennar, un des piliers du non de 2005 et candidat sur la liste de Jean Luc dans le sud ouest, qui explique dans son post aujourd'hui ce qu'est le parlement européen, ses pouvoirs et ses limites. Il est évident qu'on ne vit plus en démocratie, que ce soit au niveau national ou européen, mais ce n'est pas en s'abstenant qu'on aura une chance de faire bouger les choses, alors que les eurosceptiques d'extrême droite voteront massivement.

  15. richard30 dit :

    @ rayana, post 164.
    Merci por votre invitation et je partage également ce désir de faire connaître Raoul Marc Jennar et tout ce qu'il dit avec la plus grande compétence, au sujet du GMT. Ce que je sais au sujet des pouvoirs du Parlement Européen c'est que pour les questions "sensibles", fiscalité, politique industrielle, politique agricole, donc tout ce qui touche au GMT, le Parlement ne donne qu'un avis consultatif. Avez-vous d'autres précisions? Celà ne remet absolument pas en cause le fait que ce vote pour constituer le Parlement Européen est essentiel ca

  16. alain verce dit :

    J'ai vu les premières affiches du FdG pour les européennes. Je les trouve absolument insipides. "Place aux peuples, l'humain d'abord..." tout ça c'est creux et inexpressif pour pour des électeurs qui pensent "tous pourris". Disons comme eux que les autres sont des menteurs, donnons notre parole qu'on fera une autre politique, et nous les intéresserons. Citer le GMT alors que pas un Français sur 20 ne sait ce que c'est n'est pas mobilisateur ! J'espère qu'on va être plus intéressants sur les autres tracts.

  17. christine dit :

    Le mieux pour alain verce est de donner des idées et de prendre tout ce qui ne va pas en main !

  18. HIAS dit :

    Juste une petite idée pour recréer la citoyenneté après avoir vu la vidéo de Médiapart. La république devrait offrir un jour de congé pour aller voter. Et là ça changerait la donne.

  19. Elections européennes. Romain Lescurieux met dans le même sac Mélenchon, le FN, Jobbik, Syriza et G. Wilders. Jeune mais déjà crapule intellectuelle. Dans 20 minutes. Avec une photo de JL style cancer en phase terminale.

  20. chris_84 dit :

    Sur les lobbying du privé dans les tractations du GMT, ce reportage radio est édifiant !

  21. marc ducasse dit :

    Je crois qu'on se rejoint.


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