26oct 13

Pour qui sonnait le glas ?

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Et maintenant on sourit. Je venais de passer une semaine noire avec le vote des communistes à Paris et l’hallali sonné contre moi dans le gratin des médiacrâtes. « Le Monde » avait même vendu ma peau avant qu’elle soit sèche quand il titrait sur « l’impasse » de ma (car c’était évidemment très personnalisé) stratégie d’autonomie. Le vote communiste à Paris devait, paraît-il, en sonner le glas. Le glas sonne en effet, mais pas pour moi. J’avais raison de penser que le vote des communistes de base nous tirerait d’affaire. L’orientation de la fédération communiste de Paris, acquise à 90 % dans deux sections et cent soixante-dix pauvres voix d’avance, est en fait très minoritaire dans le PCF. Au contraire, la ligne de l’autonomie est ultra majoritaire dans le peuple communiste du pays. La preuve en a été donnée en fin de semaine par le vote de Lyon où la ligne pro-socialiste perd et où le choix de l’autonomie l’emporte largement. Juste avant, il en avait été de même par exemple à Bordeaux, à Metz et même à Montluçon dans l’Allier. Très spectaculaire aussi, Limoges pourrait ouvrir la voie à une large alliance alternative, puisque les Verts de la ville seront consultés le 7 novembre sur le choix de l’alliance avec le Front de Gauche. Je n’égrène pas la liste des villes où les communistes affirment ainsi haut et fort leur conscience du moment historique. Paris devait être le cimetière de la cohérence du Front de Gauche, c’est devenu le repoussoir le plus pédagogique de la ligne du retour dans le giron du PS. Massivement, les communistes refusent de ressembler à ces parisiens-là !

Carnet de route de Strasbourg à Figeac

Mardi. A Strasbourg, pour notre réunion publique, la salle était pleine et les gens drôlement courageux car il leur fallait rester debout dans une chaleur d’étuve. De fait, moi aussi, je ruisselais en parlant, quoi que je sois vêtu pour la chaleur à ce moment-là. Pour la première fois depuis quelques temps, il y avait là des socialistes notoires dans la salle. A l’inverse, il n’y avait pas de responsables communistes car la consigne avait été donnée au PC local de ne pas venir à la réunion publique du PG. Avant cela, notre offre d’organiser ensemble la soirée avait été repoussée. A Strasbourg, personne n’est dupe du jeu de surenchère que ce genre d’injonction contient. Mais quelle importance ? C’est une comédie. De toute façon, nombre de communistes du rang sont quand même venus et nous avons échangé des embrassades fraternelles après l’Internationale chantée ensemble. La lutte des places reste un exercice confiné dans certaines sphères. Ailleurs, les convictions et le bon cœur restent les maîtres. A Strasbourg comme à Lyon, les communistes ont voté pour l’autonomie.

Il y avait beaucoup de jeunes dans la salle. Vraiment beaucoup. La fac n’est pas loin, il est vrai. Je vérifie que les cœurs tiennent bon, comme je l’ai fait ailleurs : j’explique pourquoi la guerre aux pauvres est une guerre indigne. Je fais le travail d’éducation populaire en donnant des arguments. Je prends la défense des injuriés du moment : Roms, musulmans et ainsi de suite. La salle applaudi à tout rompre. Le fond tient bon. On s’est compris. Ce n’est pas moi qu’on applaudit, ce sont mes paroles que chacun déclare siennes en les applaudissant. En elles, chacun se reconnait sur le sujet et veut le dire. La clameur fonctionne ici comme un manifeste. J’ai enjoint ceux qui étaient là à tenir bon par le cœur d’abord. Chacun d’entre nous est une ligne d’arrêt à la bêtise. Le Front de gauche doit monter en ligne dans la vie quotidienne de ses membres. Ne laissez pas dire des paroles racistes. Dites vous-même aux autres qu’il fait bon vivre en paix avec soi et les autres. La politique suivra.

Mercredi. Départ précipité de Strasbourg après les votes. Une mauvaise nouvelle. On enterre jeudi à Figeac un camarade hors du commun, Hervé De Teule. Tous nous sommes sous le choc. Je l’ai quitté en bonne forme jeudi dernier tandis qu’il filmait le meeting à Rodez. Hervé est l’auteur d’une photo célébrissime dans nos rangs. Elle avait bien circulé aussi sur Facebook pendant la présidentielle. On y voit un groupe de spéléo avec une pancarte « la France d’en bas vote front de gauche ». Ce fut alors un sujet d’immense rigolade et de fierté aussi. Hervé est parti. Marie-Hélène, sa compagne l’a trouvé mort au lit le matin. De Strasbourg, j’arrive à Paris d’où je repars aussitôt après avoir changé mon lot de chemises. C’est le dernier avion pour Rodez. De là on roulera jusqu’à Figeac dans la nuit. Heureusement pour moi, j’ignore à ce moment-là qu’il me faudra neuf heures pour remonter à Paris. Je le dois aux charmes de la circulation sur les routes de la Corrèze vers Brive, derrière les 2CV agonisantes, les 4L flatulentes et les mobil home anglais. Ceux-là vous infligent le long des lignes blanches un imprévisible déplacement a 30km heures de moyenne, qui explose vos prévisions et vous font rater un train sans problème. Evitez alors de croire que l’avion peut prendre le relais depuis l’improbable aéroport de Brive. Mon avion a été annulé pour cause de panne technique après une réglementaire demi-heure d’espérances trompées. Tout l’art fut de m’extraire de là, en pleine cambrousse sans aucune liaison pour revenir à la gare. Pour ce qui est des transports collectifs, la Corrèze de Hollande lui ressemble : ça devient vite un cul de sac.

En chemin, on a eu notre petite faiblesse collective. Ça s’est passé à Firmi. Une méchante rocade a failli nous faire manquer notre rendez-vous hors du commun. C’était un rendez-vous avec un arbre. Oui, un arbre, petit mais vaillant ! Maigre comme un cure-dent mais coiffé d’une abondante chevelure de feuilles. Cet arbre, je l’ai planté avec les camarades il y a quelques paires d’années. C’était la conclusion d’une manifestation pour défendre la poste du coin menacée de fermeture. C’était en 2007, au « printemps national des services publics ». La femme qui tient le volant de notre véhicule est du coin. C’est Marlène, prof de math, co-secrétaire du PG du Lot à cette heure. Elle me dit que la manifestation de ce jour-là a marqué les esprits sur place. Ça me fait plaisir d’y penser. Ça donne de la force. Sur le chemin, je vois le bâtiment de la poste tout pimpant dans la nuit.

Je dormirai ce soir à « l’hôtel des bains » à Figeac, un endroit simple et charmant, penché sur la rivière Célé qui va se jeter gentiment plus loin dans le Lot. Je découvre cette maison par hasard car j’ai mes habitudes au « Champollion » sur la place du même nom, quoique la vieille pancarte, dans un délicieux occitan, me parle d’une place des châtaignes, lesquelles se nomment « castagnes » (j’ai oublié où on met le « h »)  dans cette belle langue. La castagne ! Nous on connait !

Jeudi. Fait-il trop chaud, est-ce la mort de Hervé, je dors très mal. Je me lève à plusieurs reprises comme s’il fallait commencer la journée. Je vois donc le jour se lever sur le Célé qui coule en silence. Comme l’eau qui passe apaise ! Qu’elle est belle ! Bientôt, au petit déjeuner, l’équipe sur place lit la presse dans un silence pesant. De son côté l’équipe à Paris s’est mis en mode alerte pour suivre mon parcours, modifier tout l’agenda et tenir la veille. Premier échange avec Coquerel pour aujourd’hui. Puis j’aurai Danielle Simonnet au téléphone pour suivre les échos de la crise dans le Parti Communiste parisien après le vote d’alliance avec les socialistes. Elle faisait aussi un débat télé avec Luc Carvounas. Pourtant, il faut bien en venir à la cruelle réalité qui m’amène ici. Voici Marie-Hélène et ses fils qui viennent me retrouver avant d’aller à la levée du corps. On se serre dans les bras. On pleure ensemble. La mort passe ses griffes sur nos peaux à vif. Le souvenir n’est pas commencé. On conjugue à peine Hervé au passé mais chaque présent qui se faufile dans une phrase blesse au sang. Les copains, les camarades, se rassemblent bientôt devant l’hôtel. De là on ira à pied au cimetière, comme en manifestation, avec nos drapeaux et nos foulards rouges. En chemin les gens viennent nous serrer la main. Ils ne nous demandent pas ce qu’on fait là. Juste de l’amitié. Ils ne lisent pas « Le Monde » ici ? Ils ne savent pas reconnaitre le diable ?

Dans l’escalier qui serpente entre la rue médiévale et le plateau où se trouve le cimetière, j’interromps la montée pour regarder derrière moi. Je vois, de la hauteur où je suis, la paix des choses et la belle lumière chaude qui court sur la vie. A l’entrée du cimetière, d’autres camarades encore, sont déjà assemblés. Guilhem Seyries, venu de l’Aveyron, est là, et voici Jean-Christophe Selin de Toulouse, arrivé au pas de course. Et je vois aussitôt qu’il y a madame le maire de Figeac, Nicole Paulo, une socialiste pour de vrai. Je l’embrasse de bon cœur. Rien d’autre que l’affection : elle ne se représente pas à la mairie. Notre liste autonome y a donc ses chances. Du coup Martin Malvy a été réquisitionné une fois de plus, pour venir à la rescousse de l’aigre candidat que les solfériniens du coin ont désigné. Martin perd son temps. Même tout son appui ne fera pas aimer ce qui n’est pas aimable.

Je tiens Nicole par la main pendant qu’on se parle. Je lui dis que je suis content de la voir. Je pense à ce jour de 2009 où elle m’a accueilli en mairie avec ses adjoints en écharpe juste avant que j’aille tenir le meeting de ma liste aux européennes. Nicole dit : « c’est bien que vous soyez là tous, ses camarades ». Cette femme sait ce qui compte dans ces circonstances. Ces choses qui nous distinguent à ce moment sont des liens rituels pour nous et ils lui parlent aussi, à elle. Les camarades, les drapeaux rouges, les œillets que nous avons tous à la main. Nous sommes la famille qu’il avait choisie. Nous formons le cercle après sa compagne, ses parents et ses enfants. Elle le sait. Elle connait ces choses-là. Elle n’est pas la seule ? Mais alors pourquoi n’en tirent-ils aucune leçon ?

Nicole, et vous autres, mais qu’est-ce que vos chefs ont fait du parti socialiste? Le royaume de Valls ! Pourquoi restez-vous sans rien faire plutôt que de nous aider ? Savez-vous bien ce que vous cautionnez ? Tiens un exemple. Encore un. Avant de m’endormir, vers minuit, j’ai eu les sms de Laurence Sauvage et Jean-Michel Mespoulède. Ils lancent l’alerte sur notre réseau « entreprise ». A Roissy, trois cars de CRS et quatre voitures de police pour faire dégager le piquet de grève de Swiss Cargo qui tient depuis 26 jours. C’est ça les solfériniens : traquer les pauvres, tabasser les ouvriers, cajoler les patrons, tondre les salariés. Quelqu’un peut-il me dire une seule chose de bien faite pour les nôtres depuis que cette équipe est en place ? Une seule ?

Pas de bouée de sauvetage pour les solfériniens !

Merci à Benoit Schnekenburger. Il publie bientôt un livre : « l’intelligence du matérialisme ». Il m’a demandé une préface. Je travaille donc, en retard sur les délais de la commande, en ciselant les phrases. Cette occupation si prenante me fait oublier le reste. J’en ai besoin. Après l’adrénaline du moment de riposte au vote parisien du PCF, j’ai été  submergé par une énorme tristesse. Bien sûr, les postures de Pierre Laurent contre moi, les coups redoublés de cette poignée de « journalistes » réglant leurs comptes personnels avec moi sont si pénibles ! Mais ce n’est que mon pain quotidien, un peu plus vinaigré qu’à l’ordinaire. Non le pire, c’est le gâchis. La confusion parisienne nous a rendus invisibles sur la scène nationale en tant que protagonistes du combat central face à Le Pen et face aux socialistes.

« Mais tant que tu es là et que tu peux t’exprimer, toutes ces magouilles ne veulent rien dire ». C’est le refrain des camarades qui veulent me remonter le moral depuis ce jour-là. Ce qui resterait d’identifiable à l’absolue insoumission que nous devons incarner, ce serait moi ? Mais moi, je suis las de ce rôle ! Il autorise toutes les caricatures, défigure ma pensée et m’expose sans trêve ni repos. Et je vois trop comment il ne sert, à la fin, qu’à remplir la gamelle des malins. Ceux-là vendent leurs piteux arrangements au prix de ces performances. Ainsi quand Pierre Laurent déclare dans « Libération » de septembre qu’il a demandé quinze places à Hidalgo pour « tenir compte de la nouvelle influence du Front de gauche à Paris ». A bout du compte, quelles que soient la quantité d’explications plus ou moins embarrassées qui l’entoure, le message parisien c’est « les places d’abord ». Bref au Front de gauche on serait comme les autres. Un désastre ! Madame Le Pen n’aurait même pas besoin de faire campagne contre nous. Tout le mal qu’elle s’est donnée pour nous peindre en composante du « système », fallait-il le valider ? Puis survint Lyon, et ainsi de suite. La mise en minorité partout de la ligne de retour au bercail socialiste est un formidable argument de notre côté. Notre faiblesse est devenue une force. La preuve est faite qu’à quelques exceptions près, même contre des places, les nôtres ne cèdent pas.

Quant aux socialistes ils se frottaient les mains ! Ils ont certes payé cher à Paris leurs emplettes. Treize sièges de conseillers communistes de Paris, 31 dans les arrondissements, un siège de sénateur, ce n’est pas rien. Personne ne croit qu’ils aient payé une influence électorale. Faut-il rappeler les scores avant l’apparition du Front de Gauche? C’est tellement vrai que leurs nouveaux bons amis ne songent même pas à utiliser leur propre sigle mais bien celui du Front de gauche. C’est vrai ça, pourquoi ne portent-ils pas fièrement leurs propres couleurs ? Ils ont honte ? Non bien sûr. En fait ils livrent le produit commandé. Les solfériniens ont payé pour ça : l’appropriation du Front de Gauche pour sa neutralisation, la division de ses membres, pour qu’une bagarre de chiens éclate et s’étale, pour que Mélenchon soit déclaré « seul » comme dans la propagande de leur ami Cahuzac. C’est cela qui a été acheté. C’est cela qui a été vendu. Et voici les larbins médiatiques qui accourent en jappant joyeusement. Et « Le Monde » d’introniser le communiste nouveau rallié Ian Brossat « chef de file du Front de gauche » en gros titre, à l’heure où il fait de la figuration sur la photo à côté du nouvel utilisateur, Anne Hidalgo soi-même ! Hé ! Hé ! La gloire à l’état pur ! Mais c’était trop ! Les communistes ont l’estomac solide mais ça, c’était la photo de trop ! Pourtant dans ce moment d’euphorie du vieux monde reconstitué, même « l’Huma » s’y est mis: « A Paris, les communistes choisissent l’union » acclame la une. Un revival des années soixante-dix ! Les titreurs ne connaissent donc pas la novlangue du jour ? « L’union », « la gauche plurielle », ça s’appelle « le rassemblement le plus large à gauche contre la droite et l’extrême droite» aujourd’hui ! Bref, c’est « l’union » ! La division du Front de gauche ? Pfft « l’union » vous dis-je ! Et là où les communistes envoient balader le PS ? A Limoges les communistes font le choix de « la division » ? C’est un fait. Il y a deux lignes au PCF. Un sigle commun ne suffira jamais à le masquer. La dynamique des situations aggravera la divergence concrète. Seule l’appartenance à un Front de gauche autonome et indépendant restitue une cohérence de pensée et d’action.

Beaucoup de mes amis sont perplexes et sidérés. Tous peinent à réaliser ce qui s’est passé. Comment Pierre Laurent a-t-il pu nous mentir des mois durant pendant qu’il vendait la tour Eiffel à Hidalgo ! C’était bien le sens de cet incompréhensible travail de dénigrement permanent contre moi, dont sa défense de Manuel Valls, qui a pourri la rentrée du Front de Gauche, a été un paroxysme ! Il a négocié des heures en secret les places et les découpages cantonaux ? Pourquoi pas. Mais d’après quels critères et dans quel objectif collectif ? Si l’alliance avec les socialistes est son objectif, pourquoi ne pas avoir marchandé Paris contre la paix dans les villes à direction communiste agressées par les socialistes aux municipales ? Pourquoi s’être engagé personnellement à ce point en poussant à une dramatisation nationale de l’enjeu ? Pourquoi avoir tordu le bras aussi férocement à tous ces dirigeants communistes locaux ? Sur France 3, on a vu un électeur communiste dire qu’il votait « contraint et forcé » pour l’alliance avec les socialistes ! Tout cela uniquement, comme le dit la presse, pour sauver la place de sénateur qu’il occupe depuis le départ de la sénatrice Cohen-Seat ? Beaucoup autour de moi n’arrivent pas à y croire. Un autre paramètre doit exister. Psychologique, autre ? Une contrainte que nous ne connaissons pas, pour l’instant.

Pour d’autres des nôtres, le raisonnement est à l’inverse. Toutes ces interrogations seraient des nœuds au cerveau sans objets. Si Pierre Laurent croyait une seconde que sa tactique soit bonne pour le Front de Gauche, il l’aurait mise en débat dans le Front. Il aurait essayé d’en convaincre les autres composantes comme nous avons essayé de convaincre les communistes jusqu’à la dernière minute avant leur vote. Il est donc inutile de chercher à comprendre ce qu’il veut, à part ses places. D’ailleurs ce qu’il veut n’a pas d’importance. Ce qui compte c’est de comprendre ce que veulent obtenir les socialistes avec son aide car c’est eux qu’il faut mettre en échec. Pour l’instant le but des solfériniens est atteint. A Paris, la pagaille est à son comble. Chez les communistes, des centaines de militants sont démoralisés. Mais les nôtres aussi ont pris un rude coup sur la tête. Militer sans les communistes ce n’est vraiment pas la vie qu’ils voulaient. Mais que les communistes soient obligés de militer contre eux, voilà qui est très déprimant. C’est l’énergie de Danielle Simonnet qui met le carburant de la marche depuis dimanche. Et aussi une froide détermination de bien des camarades humiliés par les glapissements de joie des solfériniens. Ceux-là n’auront pas ri longtemps.

Pour autant, au niveau national les voies d’eau dans le navire amiral sont visibles de loin. L’état-major est décapité : comment tenir des réunions de coordination de campagne avec des gens qui militent sur des listes opposées ? De plus notre parole publique est défigurée : toutes nos interviews sont dévorées par les explications sur « la fin du Front de gauche » demandée avec gourmandise et jubilation. Mais ce qui est certain c’est que tout ceci n’est qu’un avant-gout de ce qui nous attends avec les cantonales et les régionales. Le dessous des cartes ne se limite pas à Paris. Pour certains, Paris est un précédent, pas un accident. Mais comme on vient de le voir à Lyon, il y a loin de la coupe aux lèvres. Je crois que nous avons eu raison d’exposer franchement notre avis et de présenter publiquement nos arguments. La campagne sournoise pour essayer de créer, contre cette attitude, un réflexe d’esprit de parti sans contenu, a été mal ressentie. Nombre de communistes n’ont pas aimé qu’on les suppose en dessous de la main pour ce qui est de la compréhension du moment politique.

Tout cela doit servir de leçon. C’est donc à une réflexion d’ensemble qu’il faut procéder pour échapper durablement aux offensives visant à nous aspirer dans le vieux jeu politicien. Dans l’esprit de quelques dirigeants, certes minoritaires comme on vient de le voir, le problème politique n’est pas de construire une alternative crédible au PS. La ligne est plutôt celle d’un de ces courants de gauche du PS, avec lesquels ils s’entendent en général d’autant mieux que tout en reste à des paroles et des paroles encore, sans aucune conséquence pratique.

Ça s’appelle : « faire bouger les lignes de toute la gauche » et autres balivernes. La réunion avec Lienemann et Durand le 6 juin a fait-elle fait bouger les lignes ? Non. Ces deux-là sont venus, flanqués de Dominique Voynet, faire des provocations en service commandé. La salle, très largement communiste, les a hués ! Par contre, la manifestation du 5 mai a fait bouger Eva Joly et, sur la base du succès de la manifestation, elle a continué à avancer son point de vue en se prononçant pour des listes autonomes avec nous. Se souvient-on des jérémiades contre mes « outrances » à propos du « balai » à passer ? Eva Joly, elle, de son côté trouvait que le balai c’était le minimum. Que lui dit Pierre Laurent aujourd’hui à Paris ? « Il faut faire l’union dès le premier tour avec ceux que vous voulez quitter ». Quel genre de lignes fait-on bouger avec ce discours et cette pratique? Ceux qui font vraiment bouger quelque chose sont ceux qui poussent aux ruptures et, surtout, qui en montrent l’exemple.

Croit qui veut que Paris exprime l’impasse de « ma » stratégie, comme le vend le journal « Le Monde » à l’occasion d’une pause entre deux publireportages pour Marine Le Pen. C’est là une amusette de mauvais élève en première année de Sciences-Po. Je l’ai dit. L’impasse stratégique est du côté des systèmes d’alliance à géométrie variable. Mais elle est aussi du côté du PS, condamné à voir se disloquer sa majorité parlementaire. Les pantalonnades de Valls, qui faisaient se relever les jabots solfériniens, arrivent à leur terme. Et pour cause ! Valls a réussi plus surement que moi en quinze mois à éjecter Hollande du tableau des sondages de la prochaine présidentielle. Conséquence ? Celle-ci est déjà commencée. Donc mécaniquement Valls doit continuer à s’imposer contre le vide qu’il a créé. Et ceux qui n’aiment pas Valls au PS, une écrasante majorité, sont obligés de pousser un autre champion. Plusieurs se voient dans le rôle. Même Benoit Hamon, crédité de 2% de sondés favorables. Le cycle des primaires permanentes est ouvert au PS.

Nous savons que le PS d’aujourd’hui est un mutant. Il détruira tout ce qu’il ne peut soumettre, quelle que soit la forme de cette insoumission. Ceux qui en doutent n’ont qu’à voir où en est Pascal Durand et où en sera très bientôt Harlem Désir. Certes, cela ne fait pas d’eux des modèles d’alternance pour autant. Mais cela prouve seulement qu’on n’est jamais assez docile aux yeux d’un solférinien. Tous ceux qui acceptent la laisse doivent accepter la muselière. Voyez comment sont traités les membres du groupe socialiste à l’Assemblée quand ils veulent faire montre de la moindre autonomie de proposition. Ayrault lui-même les traite de « dissidents ». Voyez comment il traite les villes à direction communiste ! Et plus le PS est faible, plus il est fragilisé, plus il est violent, car pour lui l’existence d’une voie d’alternative est le pire des dangers. Il est donc condamné à être de plus en plus violent, hégémonique et dominateur. L’idée de « faire bouger les lignes » avec des bons sentiments et de gros arrangements n’est pas seulement une vue de l’esprit sans consistance. C’est une impasse stratégique totale. « Le front de la gauche plurielle » même repeint en « rassemblement le plus large de la gauche contre la droite et l’extrême droite » et autres mièvreries n’a aucun contenu opérationnel. Il ne peut se faire que si nous nous taisons sur la politique qu’appliquent les solfériniens. La seule chose qui peut faire bouger le PS et donner les moyens d’un changement de direction et de ligne en son sein, la seule chose qui obligera le PS à se refonder, car c’est de cela qu’il s’agit, c’est la rupture et le rapport de force électoral. Le reste ce sont des mots sans portée concrète et autant de balles qu’on se tire dans le pied.

L’amicale cécité des médias qui épargnent à Pierre Laurent le cirque habituel de « l’enquête de terrain auprès des adhérents qui témoignent anonymement » suffit pour l’instant à effacer la démission, pourtant publique, d’une des secrétaires de section communiste de Paris et de tout son bureau de section deux jours plus tard. Occupé à vouloir me ridiculiser en comptant les allumettes que je n’aurais plus « pour rallumer notre flamme dans l’histoire », « Le Monde » ne voit rien, ne sait rien et ne veut rien savoir. C’est pourtant là un avant-gout de ce qui ne fait que commencer. Reste à voir comment les militants communistes qui vont le vouloir militeront avec la liste du Front de gauche et Danielle Simonnet à Paris ! Les candidats communistes de la liste gouvernementale ne pourront alors rien faire d’autre que de les regarder faire dans un mélange de honte et d’envie. Par contre je ne crains pas de voir dans la rue des communistes distribuant des tracts aux cotés des députés socialistes de Paris qui votent l’ANI, la retraite à 66 ans et le reste. Il n’y en aura pas. Jamais. Nulle part. Hidalgo a acheté du vent ! Les communistes sont dans la résistance. Ils sont massivement et foncièrement Front de Gauche et pas Huistes ! Quant à nous, soyons patients. La rupture dans le PS et chez les Verts est inéluctable, tout comme la décomposition de la gauche officielle. Voyez déjà comment Hidalgo est obligé de faire dire par ses médias de poche qu’elle « prend ses distances avec le gouvernement ». Ça va être bientôt la mode. La sonnerie de débandade générale n’est plus loin. Tenons bon, car rien de tout cela n’aura lieu si nous n’avançons pas nous même sur notre voie. Pas de bouée de sauvetage pour les passagers clandestins de la gauche.


316 commentaires à “Pour qui sonnait le glas ?”
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  1. gilbair dit :

    Constat/conséquences des votes à Paris, Toulouse, Lyon et ailleurs, les nombreux commentaires parmi tant d'autres sur le blog de Jean-Luc Mélenchon montrant l'illisibilité du front de gauche, en général, qui rejoint celui que je fais pour le Havre, dans l'état actuel de la confusion et de la division au front de gauche. Le PCF Havrais qui se déclare "autonome" au premier tour vis à vis du PS, s'affiche tout seul comme le Front de gauche, car il n'a jamais travaillé avec les 8 autres composantes du front de gauche, depuis son soutien à Chassaigne plutôt qu'à à Mélenchon. De nouvelles listes, à gauche vraiment, à gauche place au peuple, le Havre terre de gauche, pourraient voir le jour issues du front de gauche, d'où le malaise actuel au Havre. Plus d'unité dans la diversité !

  2. mb_49 dit :

    C'est à Carhaix que la manifestation sans la FDSEA aura lieu et non à Quimper. Denis F (ainsi que Place au Peuple) s'est loupé, suivez vent d'ouest, il a bien résumé la situation !

  3. thierryj93 dit :

    Ah on se marre à Paris. Voilà que le Modem annonce son soutien à la solférinienne Hidalgo. Un beau trio, Modem-PS-PCF tendance Laurent-Brossat. Qu'elle n'est pas belle la vie ? C'est donc cela la finesse stratégique du Numéro un du PCF Laurent, mis en minorité par plus de 80 % de sa propre base militante ?

  4. Invisible dit :

    Denis F,
    Je ne me permettrais pas d'y redire, mais je n'y comprends plus rien. Alors, à Carhaix, il y aura qui ? Moi, je trouve que les bonnets rouges ça va être le gros machin pour faire pleuvoir de l'argent sur "la Bretagne" car maintenant que les précédentes aides aux grosses boîtes agro-almimentaires ont terminé leur effet, on va nous inventer une autre grosse saleté dans le genre. La planification écologique ? L'esprit de l'écologie ? Bien loin des aspirations à saint Fric.

  5. mb_49 dit :

    @invisible
    Il y a eu "couac" mais la manif est bien à Carhaix à 15h demain, avec le FdG, la CGT, FSU, le NPA, au grand dam du maire de Carhaix (DvG). Seule FO se fait manipuler. La confédération paysanne est avec nous. Donc c'est celle de Carhaix la bonne. Il y a peut-être eu un peu de précipitation dans les infos, désolé !

  6. perro patrick dit :

    @305 thierryj93:
    Ce serait une erreur de croire que Pierre Laurent s'est trompé dans sa stratégie. Un nouveau né en politique peut commettre une erreur aussi grossière mais lorsque l'on est le premier responsable du PC et,à la fois, président du parti de la gauche europeenne, ce genre d'erreur stratégique est tout simplement impossible à faire. Voila le tableau que verra nos concitoyens et concitoyennes. Le PC + le PS + le Modem + (à venir udi). Illisiblité totale pour le FdG, partout en france car les medias sauront completer la sale besogne de ceux et celles qui ne veulent en aucune cas d'une alternative.
    Je le répète camarades, j'aime beaucoup le nom FdG car je m'y suis identifié, mais là, s'ils ont été capable de mettre par terre l'unité du FdG pour quelques place, ils ne s'arreteront pas en aussi bon chemin, ils pilonneront le nom jusqu'a qu'il ne reste que des miettes donc aux grands mots les grands moyens, à bas l'ego, il faut changer de nom, ne plus refaire un cartel de parti mais un parti unique de l'humain d'abord et cette fois non négociable. On adhère ou on adhère pas mais n'oublions pas que 4 millions de personnes ont déja adhérés camarade. Le peuple suivra ne vous inquietez pas.

  7. Alain V dit :

    Pour Carhaix, voici le lien vers ouest-france.

  8. judith dit :

    Le rassemblement des forces de gauche, pour moi, c'est la définition du front de Gauche. Sans les communistes, j'ai peur que cela n'ait l'air que d'un groupuscule de plus.

  9. Julien_M77 dit :

    Petite précision mais qui ne change rien sur le fond : ce n'est pas le Modem qui soutient Hidalgo mais un seul élu parisien Modem expliquant qu'à Paris le centre est plus proche d'Hidalgo que de la droite (ça c'est pour Brossat) !
    Le Modem, (Sarnez and co) et l'UDI de Borloo se rallierait avec NKM à moins que des envies d'indépendance les incite à aller seuls au combat. La droite se déchaîne sur les réseaux sociaux sur cet élu qui va s'allier avec le PCF. Cet élu rappelle d'ailleurs qu'il regrette (et moi aussi !) que le PS en 2012 n'ait pas répondu favorablement à la main tendue de Bayrou. En effet les choses auraient été plus claires. Un gouvernement PS tendance majoritaire (donc libéral affiché et revendiqué), le Modem et EELV tendance majoritaire (libérale avec tri sélectif et taxe carbone). Une opposition de droite et une de gauche (nous n'aurions pas eu à inventer tout ce vocabulaire incompréhensible pour l'électeur lambda du genre ayant-droit ou majorité indépendante, conquérante autonome que j'a moi même oublié). Pour Paris, tout mon soutien à Danielle Simmonet et à LA liste FdG !

  10. Zegaja dit :

    Dans l'esprit de la majorité (peuple s'entend), le Parti de Gauche n'existe pas. Il est perdu dans le mot Gauche en général. Le Front de Gauche est plus visible, mais sous sa dénomination, il est renvoyé dans les extrêmes en opposition au Front National (ici en plus on entend National !).
    Pour moi, et afin d'être plus visible et compris dans le sens de nos vraies valeurs, il faut impérativement changer notre appellation pour faire apparaître sans ambiguïté ce que nous sommes, soit un ensemble de personnes au sein de partis (ou pas) qui lutte pour le respect de l'homme dans un environnement protégé.
    [...]

  11. chris dit :

    Pour P.Laurent et I.Brossat, l'erreur stratégique est impossible à ce niveau de responsabilité tant au niveau français qu'européen de ces 2 personnes. Ils porteront la responsabilité d'avoir créé une illisibilité et une embrouille à un moment où il fallait surtout pas, puisque nous sommes d'une part à l'approche des élections, et que de plus le moment actuel amenait progressivement la deliquescence du PS de gouvernement. C'est à dire c'est le moment que Jean-Luc Mélenchon prédisait depuis longtemps. Au lieu donc de capitaliser sur ce moment, le trouble est jeté sur le FdG. Un grand dommage!
    On sait pourquoi puisque le jeu des places est au grand jour, notamment Brossat et Pariseine. Ce n'est pas de l'anticommunisme que de le souligner, puisque cela ne concerne que quelques personnes du PCF et non pas tout les militants et sympathisants qui sont pour continuer la stratégie FdG. Le changement de nom me semble intéressant dans la mesure où il annulerait les efforts du PS, et des quelques personnalités PCF raliées au PS, de brouiller les cartes. C'est clair que le moment est délicat, car le nom FdG a déjà un passé et un présent dans le paysage politique français, mais son avenir me paraît embrouillé à cause de l'utilisation abusive qui va en être faite, et les medias ne vont pas se priver de brouiller les cartes.
    Mais ce serait judicieux d'appeler autrement notre mouvement de l'humain d'abords, un nom à la fois proche mais distinct, et qui serait au final un parti. Ou bien entendu résoudre le pb en amont, avec le PCF, pour que ceux qui ont délibérément créé ce trouble, qui ont fait du mal à notre rassemblement, ne puissent ni s'en revendiquer, ni le représenter. Le temps presse néanmoins.

  12. Denis F dit :

    @ Invisible
    Euh ! Je suis mari. Excuse moi camarade mais de toute bonne foi je t'ai induit en erreur, le site du FdG n'est pas bien calé, comme souvent d'ailleurs, preuve supplémentaire qu'il faille vraiment faire quelque chose pour ce grand malade.

  13. Invisible dit :

    @ Denis
    Et moi j'ai trouvé le Front-de-Gauche du Finistère mais je n'ai pas réussi la saisie du lien ! Ça s'appelle Chiffon Rouge Morlaix.

  14. Serge Palestine dit :

    Mon pauvre Denis F,à vouloir trop t'emballer,tu ne maîtrises plus rien,eh oui j'ai quelque chose à redire !va donc manifester avec les "bons" patrons bretons et les productivistes de la FNSEA à Quimper ! nous on ne se trompe pas de combat,on va manifester avec la CGT,Solidaires et la FSU,ainsi que le M.O.D.E.F.,la Confédération Paysanne et la coordination rurale,les militants PCF,PG et autres du Front de Gauche... J'arrive même pas à comprendre comment un tel texte surtout dans sa conclusion,appelant à manifester à Quimper a pu être publié sur le site "Place au Peuple" Assez de confusions !

  15. Padovan dit :

    Le nouveau scandale est bien que l'écotaxe soit confiée à des multinationales qui vont prélever cet argent dans le bon peuple, notamment Goldman Sachs qui est au centre de la déflagration économique. Je n'ai pas entendu Jean-Luc révéler cette crapulerie mais je n'écoute pas tout. A quand la police livrée aux banques, les services secrets, les centrales nucléaires, etc. ?

  16. yanot dit :

    Merci pour ces arguments Jean-Luc, nous avons besoin d'analyse politique et de référence historique je t'en remercie personnellement mais surtout pour mes camarades communistes afin que notre philosophie de vie pour laquelle nous nous battons et croyons ne se résume-pas à des stratégies de couloir entre chefs. Les communistes bougent dans tous les villages et la scission est nette entre les apparatchiks détendeur de strapontin et la base tumultueuse. Oui le front de gauche représente la seule alternative à la politique actuelle quoi qu'il arrive. Dans les Landes il sera présent à Dax, St-Paul les-Dax, ça bouge sérieux.
    Au prochain billet.


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