29mai 12

Nouvelobs.com - Chine Labbé

Jean-Luc Mélenchon en campagne dans les cités du Pas-de-Calais

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LIBERCOURT, Pas-de-Calais (Reuters) – Entre les tours et les petites maisons en brique rouge de la cité minière de la Fosse 5, à Libercourt, plusieurs dizaines de personnes se rassemblent. Les flashes crépitent, les youyous résonnent, les drapeaux rouges flottent au vent.

L'ancien candidat du Front de gauche à la présidentielle, Jean-Luc Mélenchon, qui se présente aux législatives dans la 11e circonscription du Pas-de-Calais face à la présidente du Front national Marine Le Pen, semble ici en terrain conquis.

"Ça fait plaisir de voir une personne qui nous aime", dit Mounir Marhaba, 24 ans. Pour lui, peu importe que le député européen ne soit pas implanté dans le Pas-de-Calais, comme le lui reprochent ses opposants. "La région, il va apprendre à la connaître", estime-t-il.

Avec environ 22% d'immigrés et d'étrangers et plus de 60% de la population qui a moins de 40 ans, le quartier de la Fosse 5 est un miroir de la France jeune et "mélangée" que Jean-Luc Mélenchon espère rassembler dans sa lutte contre le Front national, qui a progressivement pris ses marques dans cette ancienne région houillère sinistrée par les plans sociaux.

Mais l'enthousiasme des uns n'est pas partagé par tous.

Les militants qui font du porte-à-porte se heurtent à la désillusion de nombreux Libercourtois, fatigués des "promesses" électorales des partis traditionnels.

Claude, 59 ans, affirme qu'il votera pour Jean-Luc Mélenchon. Mais il pense "qu'on donne trop à certaines personnes qui ne font rien". Un discours qui revient souvent dans cette commune où Marine Le Pen est arrivée en deuxième position au premier tour de la présidentielle, avec 25,91% des voix, confie Edmond Bruneel, élu communiste dans une commune voisine.

"C'EST PAS NOUS, C'EST LE BANQUIER"

"Le problème premier c'est l'emploi, et c'est par rapport à ça que les gens se positionnent", dit-il. A Libercourt, le taux de chômage dépasse les 20%, comme souvent dans cette région.

"Pour moi, l'épreuve de vérité, ça va être la marche", confie Jean-Luc Mélenchon, en référence à la marche Emilienne Mopty qu'il organise le 3 juin en hommage à une célèbre résistante du Pas-de-Calais. "C'est toujours la même logique", dit celui dont les meetings en plein air ont été la marque de fabrique de la campagne présidentielle. "La force se donne à voir, et plus elle se donne à voir, plus elle se renforce."

Son objectif: rassembler la gauche, affaiblie par des affaires de corruption à répétition chez les élus socialistes locaux, et faire reculer les idées du Front national.

"L'un des problèmes qu'il y a ici, c'est que les gens sont pris entre le marteau et l'enclume", dit-il, estimant avoir "redonné du courage" à de nombreux électeurs.

"Ceux qui sont de mon bord recommencent à dire 'moi je suis très heureux d'être mélangé avec les arabes'", assure-t-il. Comme pour illustrer son propos, un jeune homme ouvre la fenêtre de sa voiture et lance : "C'est pas les immigrés qui ferment les usines, bien joué!".

"C'est ça (la bataille) homérique", s'enthousiasme Jean-Luc Mélenchon. "Maintenant les gens, ils ouvrent la fenêtre pour dire: 'C'est pas nous, c'est le banquier'".

Mais certains, au premier rang desquels Philippe Kemel, son rival socialiste dans la circonscription, craignent que ce discours clivant et sa volonté de faire de ce scrutin un test national renforce Marine Le Pen.

"Le fait de reproduire le débat des élections présidentielles produit les mêmes effets qu'aux élections présidentielles", estime-t-il, rappelant que la dirigeante du Front national est arrivée loin devant Jean-Luc Mélenchon au premier tour, avec 17,90% des voix contre 11,10%.

"PAS UN KOLKHOZE DE LA RUE DE SOLFÉRINO"

Malgré tout, Jean-Luc Mélenchon assure que "le rassemblement se fait" autour de sa candidature, notamment dans les milieux syndicaux. Localement, certains élus PS ne cachent pas leur satisfaction de voir un nouveau visage à gauche.

"Les affaires médiatiques politico-financières font que les gens ne croient plus en rien", dit Jean-Pierre Corbisez, maire d'Oignies, qui avait prôné une union de la gauche dès le premier tour dans la circonscription. Jean-Luc Mélenchon "relance le débat social", ajoute-t-il.

Si Philippe Kemel le devance au premier tour, l'eurodéputé assure qu'il se retirera de la course, espérant que son adversaire fera de même. En attendant, il continue sa campagne localement sur des thèmes nationaux, comme le relèvement du Smic à 1.700 euros et le retour de la retraite à 60 ans, tout en revendiquant sa qualité de "nomade".

"Toutes les grandes questions auxquelles nous sommes confrontés sont des questions nationales", estime-il.

Aux militants PS qui le prennent à partie pour souligner que la 11e circonscription du Pas-de-Calais est une "terre socialiste", il rétorque: "C'est pas un kolkhoze de la rue de Solférino ici." Et à ceux qui critiquent son manque d'ancrage dans la région, il reproche le "rabougrissement au localisme."

"Si vous avez un gars comme moi, vous avez au moins une certitude, c'est qu'on va entendre ma voix jusqu'à l'autre côté de la rue", dit-il.



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