15fév 12

Des nouvelles du front et des consignes

Parés à la manœuvre !

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Mes lignes sont écrites en chemin vers Strasbourg pour la session parlementaire. Juste avant que Nicolas Sarkozy nous fasse la surprise du siècle ! Je parle de deux événements qui m’ont marqués ces jours-ci. Puis je donne des consignes. Ce n’est pas souvent, n’est-ce pas ? Je ne parle pas pour l’instant de notre rendez-vous national le 18 mars pour prendre la Bastille. La date et le lieu sont confirmés et beaucoup s’organisent déjà pour faire une belle montée en masse. Non, ici il est question du bras de fer sur le vote du 21 février à l’Assemblée sur le « Mécanisme européen de stabilité financière ». Il y a du travail à se partager. Tout le monde sur le pont paré à la manœuvre !

Un insupportable suspense prend fin. Pendant des mois le peuple inquiet se demandait si Nicolas Sarkozy serait candidat. Certes, quelques sournois, dans chaque camp, espéraient en être débarrassés par jet de l’éponge ! Mais tous les autres retenaient leur souffle ! Les derniers jours furent nerveusement les pires. Serait-il candidat à Paris ou ailleurs ? A cheval ou en voiture ? Assis ou debout ? Quant aux dernières heures ce fut intenable : parlerait-il à vingt heures pile ou bien à vingt heures quinze. Une transe, avant la libération ! Ouf, c’est fait ! Sonnez hautbois ! Résonnez musettes ! Mille clameurs s’élèvent au ciel. Mais que se passe-t-il ? La pièce serait jouée et ce serait comme si de rien n’était. Pourquoi cet homme si surprenant commencerait-t-il si fade ? Nous attendons maintenant qu’il fasse tourner des ballons sur son nez et qu’il saute à travers des cerceaux en feu. Sinon, comment pourrait-il faire le spectacle ? Le spectacle.

Ce jour est laid. Il était neuf heures et demie et j’ai traversé la rue en face de la station de métro Invalides pour aller vers le Grand Palais où je tenais une conférence pour la presse étrangère. Dans le petit square côté terminal d’Air France, là où est le fameux restaurant du tout-Paris parlementaire, à cinquante mètres de l’Assemblée Nationale, un grand nombre de pigeons s’étaient assemblés sur le sol. Un grand nombre. Ils n’avaient pas l’air du tout agités. Je note une voiture de la ville de Paris où s’active au téléphone un homme au visage bouleversé. Je vois une voiture de pompiers sans sirène qui s’approche. Au milieu des pigeons il y a un tas de couvertures. Et un homme au milieu, étalé au sol. Il est mort. Les pigeons sont sa dernière compagnie, à neuf heures et demie du matin, à deux pas du restaurant célèbre, juste à côté de l’Assemblée Nationale. Mais le spectacle continue. Les morts de la rue, les morts de la rue, sont libérés de la mort du cœur, celle qui, après un tel scandale, n’empêche plus de dormir.

L’autre soir nous étions devant l’ambassade de Grèce. A cinq cents, ai-je lu dans les dépêches de presse. Nous, le Front de Gauche. J’ai vu dans la nuit les drapeaux du PCF, du Parti de Gauche et de la Gauche Unitaire.  Mais aussi ceux du NPA et le gros contingent du POI. Il faisait un froid collant et humide. Manuel Bompart le responsable du PG parisien a réussi une nouvelle mobilisation super rapide. Les copains ont couru de la sortie du boulot pour être là autant qu’ils pouvaient. Quand je suis arrivé c’est Eric Coquerel qui parlait et ensuite ce fut Christian Piquet. Je suis arrivé après que Nicolas Dupond-Aignant a été mal reçu, je ne sais par qui, ni de quel parti, ni comment. Je suis désolé qu’il ait été maltraité. Mais il lui revient de savoir que personne parmi nous n’aime la confusion des genres politiques. Il aurait dû y penser. Il aurait dû organiser sa présence de son côté avec les militants de son parti. Personne ne les aurait empêchés de le faire. Mais venir au milieu des nôtres, comme s’il était chez lui : non. Ce n’est pas raisonnable pour lui de ne pas l’avoir compris tout seul. Aucun de nous n’a envie de donner prise aux insupportables amalgames qui font les délices de la presse « oui-oui » qui met dans un même sac « souverainiste » ou « populiste », tout ce qui s’oppose à leur cruel aveuglement. Et devant le martyre des Grecs nous mettons en cause le capitalisme de notre époque, français, allemand et nord-américain en particulier. Pas les billevesées des frustrations nationalistes.  Nous ne voulons pas être récupérés. Nous sommes internationalistes.

reu-femmes-02Lundi dernier le matin, nous recevions à l’Usine, le grand quartier général de la campagne, une petite assemblée de déléguées d’entreprises en lutte. Le mot « déléguée » est ici au féminin. Car dans ces entreprises, ce sont des femmes qui sont employées et qui luttent. Il y a avait des « Lejaby », celles des sites abandonnés, les caissières d’Albertville, en grève deux ans de suite le dimanche contre le travail du dimanche, les femmes des « Trois-Suisses », magasins fermés sans crier gare, les « Paru-vendu » du journal d’Hersant liquidé avec mille six cents emplois dans le silence d’une presse qui ne peut se fâcher avec le magnat papivore, et les « Sodimédical », victorieuses dans trente-deux jugements contre leur patron sans qu’aucune suite n’y soit donnée et sans salaire depuis quatre mois. « L’Humanité » a fait un très bon compte rendu de ce moment. Je devais y rester une heure et demie, j’y suis resté quatre heures et mon emploi du temps a été explosé. Ce fut une séquence où j’ai beaucoup appris et reçu, une fois de plus. Mais pourquoi est-ce que je me sentais si mal en entendant leurs récits ? Je pense que ce sont les paroles des « Sodimédical » quireu-femmes-01 m’ont rendu malade. Pas seulement parce que je n’ai pas pu aller sur place encore. La nausée venait de plus profond. Je suis républicain. Pour moi la loi est une institution très importante, fondatrice de la vie en société civilisée. La loi. Que vaut-elle quand elle n’a plus de force ? Quand trente-deux jugements gagnés par celles qui n’ont que la loi comme recours, ne sont rien ! Quand des patrons vicieux misent sur le temps qui passe, les payes illégalement retenues pour mettre à genoux des femmes dont ce très modeste gagne-pain marque la frontière absolue avant la noyade sociale. La leur, celle de leurs enfants. Elles restent dignes, calmes, très marquées, mais si calmes dans leur exposé et leur humour froid. Le pire dans ce monde à l’envers, le voici. Elles sont dans la circonscription de François Baroin, tout puissant ministre des finances. Qui ne bouge pas le petit doigt pour faire rendre gorge au délinquant. Il est vrai qu'il s’agit du groupe propriétaire allemand. Pour la bande à Sarkozy tout ce qui est allemand est bon, non ? Un ministre laisse défier la loi et persécuter des femmes dignes dans sa circonscription ! Comme ce fut le cas des « Molex », et de tant d’autres. Je promets de poursuivre jusqu’en enfer tous ceux qui sont impliqués dans cette honte si j’en ai bientôt le moyen. Il n’y aura d’abord rien reu-femmes-05besoin de voter de nouveau. Le privilège d’impunité sera refusé et le règne de la loi sera rétabli. Mais l’arsenal du contrôle et de répression contre les patrons-voyous et ceux qui mettent en œuvre leur délinquance devra bien sûr être sérieusement renforcé.

Voici une consigne, en quelque sorte. Il va falloir suivre attentivement l’actualité parlementaire. Vous avez bien compris que le 21 février passait à l’Assemblée Nationale la ratification du traité nommé « Mécanisme européen de stabilité financière ». J’ai expliqué ici même et en meeting le contenu de ce premier traité. On peut faire une séance de rattrapage de son information en consultant mon blog de parlementaire européen. Il faut savoir que la droite le votera. Mais peut-être y aura-t-il de nouveau une grève perlée des élus de droite que ce nouvel avatar de la merkelomania révulse. Les nôtres seront donc tous là sur le pont. Reste le cas des socialistes. Ceux-là ont refusé de nous aider quand nous avons demandé un vote solennel avec un scrutin public. C’est donc au hasard de l’horaire de la séance qu’aura lieu le vote. Il aura lieu à reu-femmes-07main levée. Bonne occasion pour tous les pleutres de prétexter leur absence afin de ne pas se prononcer et, pour vivre heureux, de vivre bien cachés. Mes lecteurs auront donc à cœur d’interpeller leurs parlementaires. Surtout ceux qui ont voté « Non » en 2005 et ceux des cent-quinze socialistes qui ont voté comme moi contre le Traité de Lisbonne à Versailles en 2007. Ne les lâchez pas. Le soir du vote suivez le sur LCP et harcelez ceux qui doivent l’être. Après le vote demandez des comptes. Il faut tout faire pour que cette histoire ne soit pas enterrée dans l’indifférence. Ne pas perdre de temps à gémir contre cette nouvelle tentative de coup fourré : lutter pied à pied. Nous allons retourner la tendance.

Si nous menons bien cette mobilisation nous allons en effet bien avancer. Quels sont nos objectifs ? D’abord et avant tout élever le niveau de conscience et de politisation des citoyens en général. Politiser, cela veut dire pousser à prendre partie. J’ai presque envie de dire qu’il est important pour nous que les partisans du « Oui » aussi sortent du bois. Nous avons besoin du débat et de la contradiction des points de vue pour construire une conscience civique large. Notre but doit être d’enfoncer la droite en l’obligeant à assumer sa responsabilité devant le très grand nombre des citoyens. Et surtout de la majorité qui a voté « Non » au référendum de 2005 et à qui le coup tordu de l’adoption du Traité de Lisbonne reu-femmes-06est resté en travers de la gorge. En minorisant le point de vue du « Oui » au Traité de Lisbonne nous ancrons notre raisonnement comme une sorte d’évidence pour le pays tout entier. C’est une base solide non seulement pour le prochain vote aux élections présidentielle et législatives. Il me semble en particulier que nos candidats aux élections législatives doivent clairement et fortement s’identifier sur cette lutte si hautement politique. Surtout en face des sortants et candidats socialistes et Verts. Car ceux-là vont nécessairement eux aussi être mis en demeure de se positionner. S’il leur est impossible de le faire en cachette ou à la sauvette, la ligne du « Oui » de François Hollande ne tiendra pas. En poussant une majorité de socialistes à voter « Non », nous élargissons l’espace de l’audience de nos idées. Elles ne sont pas notre propriété. Notre intérêt à long terme est de créer de nouvelles hégémonies d’idées. Comment agirions-nous s’il devait y avoir un gouvernement de Front de Gauche dans trois mois ? Nous aurions besoin de cette préparation politique et psychologique pour mettre en œuvre notre ligne européenne en étant compris du très grand nombre pour recevoir son appui mobilisé. Dès lors notre tâche à cet instant est fixée. Nous devons parvenir à ringardiser le « Oui », à le rendre honteux, fuyant. Et s’il est encore majoritaire que ce soit d’une façon qui semble aux yeux de tous comme usurpée ou illégitime. De cette façon nos préparons le round suivant. Celui qui arrivera avec le nouveau traité, celui qui devrait être signé en mars et que le prochain gouvernement devra nécessairement soumettre à ratification. 

Quel lien existe-t-il entre le vote du Mécanisme européen de stabilité financière et le nouveau traité ? François Hollande a affirmé que les deux questions étaient séparées. « Déconnectées » a-t-il dit. C’est faux ! Il se trompe. Dans le « Mécanisme européen de stabilité financière » qui sera mis au vote le 21 février, il est précisé dès les considérants que « le présent traité et le TSCG (traité « sur la stabilité, la coordination et la gouvernance dans l’union économique et monétaire ») sont complémentaires dans la promotion de la responsabilité budgétaire et de la solidarité au sein de l'Union économique et monétaire ». Est ainsi gravé dans le marbre que l’octroi d’une assistance financière de la reu-femmes-08part du Mécanisme européen de stabilité est conditionné par la ratification du TSCG à signer en mars prochain. Qui vote l’un doit voter l’autre.

Pourquoi est-ce si important de bousculer les socialistes et de les pousser à se compter entre eux sur cette question ? Parce que nous gagnons sur tous les tableaux. Contre la droite dont nous dénonçons le traité, ce qui  est aussi le meilleur moyen de pousser les socialistes à désobéir à leur chef. Plus nous convainquons contre les traités mieux nous pouvons stigmatiser la droite. Accoler le nom d’un candidat de droite aux législatives à cette nouvelle turpitude devrait faire autant de dégâts que ceux que va devoir subir Nicolas Sarkozy lui-même. Plus il y a de socialistes de notre avis et qui le manifestent, meilleure est notre situation pour la suite des événements et reu-femmes-09les jours d’après, quels qu’ils soient, puisque la partie européenne va continuer au-delà des élections.

Un bon angle d’attaque sera celui de l’exigence d’un référendum comme cela a déjà été dit ici même. Qu’il s’agisse du « Mécanisme européen » ou du nouveau traité de mars. Hollande a déjà dit qu’il n’en voulait pas. Mais voici deux faits nouveaux qui viennent élargir notre espace et notre audience. Le premier vient de la droite elle-même. C’est François Fillon qui vient de proposer qu’un tel référendum ait lieu. J’ai immédiatement dit, par communiqué de presse que j’approuvais ! J’ai aussi dit qu’il ne lui restait plus qu’à convaincre Sarkozy et Hollande. Et j’ai conclu en lui disant que j’étais prêt à l’aider. Humour. Plus sérieusement : les socialistes ont mis le doigt dans l’engrenage. En proposant une motion référendaire à l’Assemblée à propos de la TVA sociale ils ont eux-mêmes légitimé la procédure. D’ailleurs, en 2007, après s’être abstenu à Versailles, n’avaient-ils pas déjà déposé une motion référendaire sur le Traité de Lisbonne ? Quoiqu’il en soit, si nous obtenons qu’une partie des socialistes, ceux du « Non » confirment leur vote d’alors en votant contre le « Mécanisme européen de stabilité » et en demandant un référendum, nous aurons largement enfoncé le dispositif du consentement à la sauce Hollande-Moscovici. L’échec du traité libéral est à portée de main. Au boulot !
 


656 commentaires à “Parés à la manœuvre !”
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  1. MM dit :

    Mélenchon Présidons !

  2. Pacific dit :

    J'ai un doute. Au début de la campagne de Jean-Luc Mélenchon, il me semblait bien que le candidat du Front de Gauche n'appellerait pas ses électeurs à se désister pour le PS au second tour, si la situation se présentait. Or, aujourd'hui, cette possibilité semble admise et même de règle. Puisque M. Mélenchon dit lors d'un débat télévisé que "la gauche s'est toujours désistée le candidat de gauche le mieux placé au 2ème tour" Ce qui voudrait donc dire qu'il appellerait à voter pour M. Hollande au second tour ? Cela me décevrait beaucoup si c'était confirmé et sous-entendrait un rapprochement avec PS ou tout simplement un arrangement, mais surtout un revirement de position que je trouve intolérable...

  3. Gripon dit :

    Lettre ouverte à Mr Jean-Luc Mélenchon

    Mr Mélenchon,
    Mon message est un appui. Comment vous l'exprimer ? Un appui chaleureux certes, mais pas inconditionnel.
    Je soutiens l'homme franc qui ne peut échapper à son lot de maladresse que la franchise en devenir engendre.
    L'acte politique est "aussi" un acte de foi : votre parti peut le comprendre. Les gens,les gens qui composent votre parti sont... L'international, l'humanité,... nous autres sans étiquettes.
    Mr Mélenchon, je souhaite de tout mon coeur que vous soyez un personnage digne d'entrer dans l'histoire de France.

  4. Arnold dit :

    Réponse de Kleber Mesquida à l'email que je lui avais envoyé, seconde partie :
    Le MES souffre de deux insuffisances : il est lié au Traité budgétaire dont les socialistes demandent la renégociation afin de réorienter l'Europe vers une politique de croissance. Ce lien n'a certes pas de valeur juridique contraignante mais il est affirmé dans deux considérants, tant dans le Traité sur le MES que dans le Traité budgétaire. J'ai estimé que voter en l'état le Traité sur le MES risque de brouiller le message que nous voulons faire passer sur le Traité budgétaire.
    Le MES n'a pas accès à la BCE. Nous le regrettons car cela limite considérablement sa capacité d'action. Le MES devrait pouvoir disposer du statut d'une banque et par conséquent être financé par la BCE. Enfin, la situation de la Grèce n'a pas démontré la pertinence de plans de sauvetage mis en place pour l'aider à sortir de sa crise de la dette. Au lieu d'insister exclusivement sur l'assainissement financier, les pays européens devraient se préoccuper de la croissance, tant pour les pays en difficulté que les autres.
    C'est une autre Europe que nous souhaitons. C'est pourquoi, François Hollande souhaite obtenir du suffrage universel un mandat pour aller renégocier le Traité sur la stabilité, la coopération et la gouvernance dans l'Union économique et monétaire (TSCG).
    Pour toutes ces raisons, j'ai voté CONTRE.
    Très cordialement,
    Kléber MESQUIDA
    Député de l'Hérault

  5. Willy dit :

    @Pacific
    M Mélenchon a clairement indique qu'il n'appelerait pas ses electeurs a reporter leurs voix pour M Hollande au second tour. Il a egalement ajoute qu'il n'aurait de toute facon pas besoin de le faire, puisque les electeurs de gauche le feront quoi qu'il dise.

  6. Gégé dit :

    Bravo pour toutes ses lignes si éclairantes. Quel bonheur un candidat qui fait appel a l'intelligence du coeur et à la raison. Relisons Bourdieu. Ses textes de 95 sont d'une actualité boulvresifiante!


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