27juin 11

Publiée dans la Tribune

Dialogue social : la loi doit primer sur le contrat

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Pour réhabiliter le dialogue social, François Hollande veut l'inscrire dans la Constitution. Son idée revient à instituer l'État corporatif. Car il propose de doter les " partenaires sociaux ", autrement dit les patrons et les représentants des salariés, " d'une véritable autonomie normative ". Avec des conséquences très lourdes : " Le gouvernement et le Parlement seraient juridiquement liés par le contenu de conventions signées entre partenaires sociaux. " Les conclusions d'une négociation privée de gré à gré entre patronat et syndicats pourraient s'imposer à tous avec force de loi.

Le contrat serait au-dessus de la loi. Le peuple ne serait plus souverain pour fixer les normes du droit social. Cette chimère tournerait au désavantage de la République et des acquis des salariés. Elle amplifierait le dumping social au détriment des entreprises elles-mêmes.

Le contrat est basé sur la négociation d'un rapport de force. Aujourd'hui celui-ci est dominé par la pression dérégulatrice de la mondialisation. Laquelle pousse à la baisse du coût du travail en jouant sur l'individualisation des rapports sociaux et le retrait de la régulation législative.

Dans ce contexte, l'obligation d'en passer, pour finir, par le vote de la loi est un appui essentiel pour les salariés et leurs syndicats. Mais aussi pour les petites entreprises qui ont avec le législateur un recours contre les abus de position dominante.

Ôter ce recours, c'est méconnaître l'histoire du droit social en France qui n'a cessé de vouloir l'affranchissement du travail de la logique du contrat. Lacordaire en a résumé le principe : " Entre le fort et le faible, entre le riche et le pauvre, entre le maître et le serviteur, c'est la liberté qui opprime, c'est la loi qui affranchit. " Aucune des grandes conquêtes sociales n'a résulté d'un compromis entre partenaires sociaux.

De 1997 à 2002, le gouvernement Jospin a défendu le primat de la loi face aux tentatives du Medef d'imposer un nouvel ordre social par le contrat. Il refusa en juin 2000 d'agréer le projet de convention sur l'assurance chômage pourtant négocié par les partenaires sociaux avec l'accord de la CFDT et de la CFTC.

Jospin défendit ainsi sa décision : " Je refuse que les contrats reçoivent une valeur plus grande que la loi. Cela signifierait que l'intérêt particulier aurait une valeur supérieure à la loi, alors que la loi est l'expression de la souveraineté du peuple. Cette conception, je la combattrai politiquement et au nom d'une certaine vision de la République. "

Le renforcement du contrat face à la loi est une constante du programme de la droite et du patronat depuis des années. Nostalgique du XIXe siècle où le contrat réglait entièrement les relations sociales, le Medef milite activement pour un renversement de la hiérarchie des normes. Ce fut le coeur de la " refondation sociale " initiée par Seillière. Depuis 1986, c'est en permettant aux contrats de déroger à l'ordre public social garanti par la loi que la droite a fait reculer le droit du travail.

L'ordre public social républicain repose sur une hiérarchie des normes où chaque échelon n'est autorisé qu'à améliorer l'offre du précédent. Primo la loi, secundo la convention collective, qui peut être meilleure que la loi, et tertio l'accord d'entreprise, qui peut être meilleur que la convention collective. S'il n'est pas possible de procéder dans l'autre sens, c'est parce qu'en République on suppose que tout découle de l'intérêt général incarné par la loi. Du coup, les Français font aussi par exemple de leur ministre du Travail celui de la Santé au travail. Ils montrent ici que la société a un intérêt propre, distinct de celui du patronat, et même de l'appréciation de chaque travailleur.

Ce bon droit de la société vient de loin. L'investissement réalisé par l'État dans la formation du travailleur, dans l'implantation de l'entreprise, tout ceci est arbitré au nom de l'intérêt général et donne des droits à la société sur l'entreprise.

De son côté, celle-ci bénéficie de la bonne administration de la société qui lui permet de trouver une main-d'œuvre qualifiée, en bonne santé et capable d'acheter les biens produits. Le progrès social est le moteur du progrès économique. Il ne doit pas être abandonné aux rapports de force. Le modèle républicain, et sa façon d'articuler démocratie sociale et démocratie parlementaire, doit être amélioré. Pas aboli.



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