21juin 11

Interviews publiées dans "l'Humanité" et dans "Direct Matin"

« Il faut tourner la page ! »

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Interview publiée dans "Direct Matin".

Le PCF n’avait pas soutenu un non-communiste à la présidentielle depuis Mitterrand en 1974…

C’est très émouvant. La décision franche des communistes place le Front de Gauche dans une posture inédite. Communistes, socialistes, écologistes, républicains… aujourd’hui, toutes les composantes de la gauche historique se rassemblent autour d’une candidature commune. L’image est forte. Nous sommes cinq partis autour d’un candidat alors qu’au PS, c’est un parti pour cinq candidats.

Vous n’êtes plus au PS, vous n’êtes pas communiste. Qu’est-ce que le «mélenchonisme» ?
Si cela existe, c’est une synthèse. Le républicanisme socialiste de Jaurès reste ma matrice. Je suis aussi lié aux idées fondatrices du communisme et je suis reconnaissant à l’écologie politique de nous avoir permis de rebrasser nos idées. Je suis autant que possible la synthèse de ces trois courants historiques auxquels je me suis ouvert successivement. Je suis en perpétuelle évolution à gauche.

Cela ne va pas sans paradoxe : votre Parti de Gauche prône la sortie du nucléaire, le PCF hésite…
C’est un débat qui touche toute la gauche, et peut-être toute la société. Il y a de vrais arguments d’un côté et de l’autre. En tant que candidat commun, je porterai la parole commune fixée par le Front de Gauche qui consiste à donner la parole au peuple souverain. Donc, un, il faudra un débat, deux il faudra un référendum. A l’occasion de ce referendum, chacun sera libre de défendre sa propre opinion, le Parti de Gauche de son côté, le PCF du sien. Seul le PS et l’Ump refusent ce référendum.
 
Devancer le PS en 2012 est-il votre objectif ?
Nous n’avons pas d’autre choix. Si nous voulons faire vivre une révolution citoyenne, pacifique et démocratique, il n’y a pas d’autre moyen que de passer devant le PS par les urnes.
 
Vous ne négocierez donc pas d’accord avec le PS avant le premier tour ?
Nous ne pouvons pas être dans une démarche d’arrangements politiciens. C’est notre crédibilité qui serait mise en cause. En l’état actuel de nos forces électorales, nous serions broyés par l’hégémonisme des socialistes. Il n’y a qu’une manière de leur faire entendre raison : être fort. Si malgré tout nous arrivons derrière eux, ils devront convaincre des millions de voix éclairés et vigilantes. Il ne pourront plus manipuler les gens.

Comment comptez-vous faire campagne à partir de maintenant ?
Mon obsession est d’ancrer la campagne dans le peuple, à l’image du Non au traité constitutionnel européen, où nous avions gagné contre tout le monde. Nous commencerons dès le 29 juin à Paris, avec un meeting en plein air place Stalingrad, métro Jaurès. Ce sera une vraie bataille. Le PS et l’UMP auront de pesantes armées régulières, gorgées de millions d’euros. Nous, nous serons des francs tireurs et des partisans comme des poissons dans l’eau parmi notre peuple.
 
Sur quoi se gagnera cette élection présidentielle ?
Sur la détermination à tourner la page. Tout le monde voit que le système est usé, à bout de souffle. Il faut tourner la page sur cette manière de partager les richesses, sur ce productivisme absurde où la planète devient une poubelle invivable. Et il faut le faire d’une manière radicale, concrète et démocratique. Tout passera par le peuple. Son heure est venue.

« Notre objectif sera de montrer que le peuple peut reprendre le pouvoir »

Entretien réalisé par Mina Kaci, publié dans l'Humanité le 20 juin 2011.

Jean-Luc Mélenchon, investi candidat du Front de gauche, estime qu'en prenant une décision exceptionnelle, le PCF est « fidèle aux seuls intérêts du peuple ».

Vous souhaitiez un vote « franc » en votre faveur. Avec près de 60 % des voix, êtes-vous satisfait ?

Jean-Luc Mélenchon. Je vis pleinement l'honneur qui m'est fait et le poids de la tâche qui est dorénavant la mienne. Je mesure surtout l'importance du moment. Les communistes viennent de prendre une décision exceptionnelle. Elle répond à la situation exceptionnelle que nous vivons. À gauche, nous avons le devoir de sortir de nos routines pour ouvrir au plus vite un chemin progressiste dans la catastrophe que répand le capitalisme. Les communistes ont su le faire. Cela démontre au passage à tous les sceptiques qu'un parti politique peut être fidèle aux seuls intérêts du peuple.

Comment, avec votre candidature, l'ensemble des partenaires, actuels et à venir, du Front de gauche vont-ils s'inscrire dans la campagne présidentielle et législative ?

Jean-Luc Mélenchon. Comme ils le souhaitent ! Nous sommes à la fois unis et divers. Dans notre rassemblement, chacun reste lui-même et apporte ce qu'il a de meilleur. Mon modèle est la campagne de 2005 (sur le traité constitutionnel européen – NDLR). Pas seulement parce que nous avons gagné. Mais aussi parce que, cette année-là, nous avons inventé un type de campagne radicalement collectif, fondé sur l'implication du peuple et l'imagination de chacun.

Vous vous référez volontiers à votre livre et ses cinq chapitres programmatiques. Le « programme partagé » du Front de gauche, qui vient d'être élaboré, sera-t-il celui du candidat que vous êtes devenu ?

Jean-Luc Mélenchon. Je suis le candidat du Front de gauche, de ses militants et de son programme. Ce n'est pas difficile car nous l'avons écrit ensemble ! Je m'y suis personnellement beaucoup impliqué. Mes convictions s'y retrouvent assez largement pour que je ne sois jamais embarrassé et plutôt enthousiaste. Et pour le reste, je suis comme tout le monde, j'ajouterais et je retrancherais volontiers ici ou là.

À la veille des congés d'été, quelle sera votre campagne sur le terrain ?

Jean-Luc Mélenchon. Mon premier déplacement sera dans les Bouches-du-Rhône, auprès de travailleurs de Fralib, qui veulent reprendre en coopérative leur usine menacée de délocalisation. Leur action résume bien ce que porte le Front de gauche. En se mobilisant et en dépassant les limites étroites de la propriété capitaliste, ces salariés défendent l'intérêt général contre les logiques financières. Ensuite, le 29 juin, à Paris, place Stalingrad, ce sera notre premier meeting de campagne et d'appel au rassemblement. Tous ceux qui le souhaitent pourront investir ce soir-là une place publique, comme le font les peuples arabes ou les Indignés en Espagne et en Grèce. C'est un symbole car nous pensons qu'en France aussi il nous faut une révolution citoyenne.

Face à Sarkozy, que porte d'original à gauche le Front de gauche ?

Jean-Luc Mélenchon. Il est le seul à porter l'ambition de regrouper une majorité pour gouverner la France sur un programme de radicalité concrète, sociale, écologique et républicaine. Il est le seul à appeler à une implication populaire forte à travers des assemblées citoyennes. Et il s'en donne les moyens : le Front de gauche incarne l'unité, comme va le confirmer dans les jours à venir son élargissement à plusieurs mouvements politiques.

Le Front de gauche peut-il forcer le passage face au vote utile qui se profile ?

Jean-Luc Mélenchon. C'est tout l'enjeu de la bataille. Personne ne peut en prédire l'issue. Nos idées sont en phase avec l'exaspération sans précédent que provoque la mise en coupe réglée des sociétés par les intérêts financiers. Dans la campagne, notre objectif sera de montrer que le peuple peut reprendre le pouvoir que l'oligarchie lui a confisqué. Si nous y parvenons, tout est possible. Nous sommes le vote utile pour le grand nombre. Les autres votes sont des votes de résignation ou d'accompagnement de la crise en cours.

Le débat est ouvert au sein du Front de gauche pour qu'il trouve sa voie dans son élargissement. Quelle est votre opinion ?

Jean-Luc Mélenchon. Cet élargissement est en train de se réaliser avec l'entrée de nouvelles organisations. J'invite maintenant tous ceux qui nous regardaient avec intérêt, mais hésitaient en se demandant si nous étions capables de continuer ensemble à franchir le pas, à venir participer à notre campagne. Surtout, j'appelle chaque chaque personne 
qui se sent concernée par notre action à s’y impliquer elle-même 
à son rythme et avec ses méthodes. 
Face aux millions d’euros que 
les autres vont mobiliser pour
faire campagne, notre grande force est celle qui vient du terrain, 
c’est notre nombre, notre 
savoir-faire, notre intimité 
avec notre peuple.

Interview publiée par l'Humanité.


201 commentaires à “« Il faut tourner la page ! »”
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  1. antoniewski dit :

    Bonjour à tous,
    François Delapierre écrit dans son dernier édito "Place au Peuple" : je cite " le retrait de Gérin et le petit score du candidat hostile au FdG signale etc....". Il n'est pas assez dur pour Gérin (!), tient trop compte du candidat PC de Paris et ignore totalement Chassaigne. A la limite même des personnes non ou mal informées pourraient confondre Chassaigne comme "hostile au Fdg", ce qui serait un comble !
    Cette partie de l'article est donc particulièrement maladroite pour un ancien du PC, ayant gardé toute son estime pour ce PC et adhérent du FdG pour gagner avec le PC et la vraie Gauche.
    Au Fdg, surtout faisons attention à ne pas faire de gaffes ou d'oublis vis-à-vis de nos camarades du PC qui ont voté Chassaigne. C'était légitime pour eux.
    Merci


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