04juin 10

Passage en Italie, du danger des politiques d'austérité, de ma candidature à la présidentielle

La veille du lendemain

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Compte tenu de certaines réactions après mon discours à l’institut du monde arabe à propos de la flottille humanitaire arraisonnée par l’armée israélienne, j’ai du couper provisoirement l’accès aux dépot de commentaires sur ce blog. J’explique pourquoi. Je parle beaucoup d’économie ces temps ci. C’est la grande affaire de ce moment historique. Donc j’en parle encore. Je passe aussi une lettre reçue d’Italie où voyage l’un de mes proches amis. Puis je traite de cette affaire de présidentielle et de ma « candidature ». Et pour finir, je raconte une (très) bonne nouvelle, venue du Limousin.

Je n’ai pas besoin d’écrire sur l’expulsion des travailleurs sans papiers qui occupent le parvis de l’Opéra bastille. Mes amis Alexis Corbière, et Eric Coquerel qui participent à la noria de camarades qui s’y sont relayé, disent tout sur leurs blogs avec cœur et arguments. Je vous y renvoie pour mesurer combien sans la lutte ce pays serait seulement un élevage de poulet en batterie que leur propriétaire maltraite.

On ne peux plus déposer de commentaires sur ce blog. Provisoirement, bien sur. J’en suis désolé pour tous les amis de longue date qui m’ont fait le plaisir (parfois rude et un peu erratique) de leur passage. Mais comme vous le savez l’éditeur du blog et son « propriétaire » sont responsable des tout ce qui se publie dessus.  Nous n’étions plus en état de faire respecter la loi. En effet ma prise de position à propos de l’agression de l’armée israélienne contre la flottille humanitaire venue au secours des gazaouis a soulevé de traditionnelles passions et la mobilisation non moins habituelle des commandos d’aboyeurs. Pour les uns je suis trop aimable pour Israël dans mon propos à l’Institut du Monde arabe, pour les autres je suis trop ému par le sort des palestiniens. Les uns et les autres m’accablent de leurs injures. Cela ne serait rien, et même ce serait plutôt un utile étalage de leur grossière stupidité dont je me réjouirai de faire la démonstration silencieuse. Cependant la loi me rend responsable de la publication de ce venin trop souvent raciste ou incitant à la violence. Par conséquent comme les deux camarades qui suivent ces commentaires pour bloquer ce qui doit l’être n’en peuvent plus de surveiller nuit et jours ce flot d’idioties : on coupe tout ! Plus personne ne passe. Désolé pour les amis. Un beau bras d’honneur aux haineux.

La nouvelle secousse financière sur le vieux continent annonce un grand bouleversement dans notre histoire. En ce moment donc, il faut penser en regardant large. Si l’on reste scotché à commenter la propagande de son propre gouvernement et les commentaires à l’eau tiède de sa propre social démocratie on ne voit pas l’essentiel. C'est-à-dire le tableau d’ensemble. En particulier on ne voit pas que le plan d’austérité qui est appliqué dans chaque pays est le même que chez le voisin, avec les mêmes mots, la même dénonciation des « retards », « rigidité » et tout le Saint Frusquin culpabilisateur destiné à injecter un sentiment de résignation dans le peuple. Il en est ainsi parce que c’est partout le même enjeu celui du partage de la richesse. Soit on sort de la crise par de la relance donc des salaires et des dépenses publique soit on en sort en garantissant au capital ses placements financiers donc en cajolant les dividendes. C’est l’un ou l’autre. Les gouvernements européens ont choisi : c’est le capital qui doit être protégé, pas le travail. J’ai donc collationné quelques éclairages dont j’ai trouvé qu’ils illustraient la thèse que j’ai défendue dans les précédentes analyses sur ce blog. Ces positions je les partage avec un bon nombre d’analystes à ce que je vois en papillonnant dans la presse. A savoir que les plans d’austérité ne mènent nulle part. Ou plus exactement qu’ils mènent seulement à une catastrophique contraction de l’économie. Celle-ci aura pour effet de tendre toutes les relations sociales entre les personnes, les Nations et à l’intérieur de celles-ci. 

Voila déjà le début des paradoxes grotesque de la crise actuelle et des remèdes stupides qui lui sont appliqués. Voyez l’Espagne. Dès que les « marché » ont fait les gros yeux, le gouvernement social démocrate s’est couché devant la finance. Il a pris une série de mesures anti sociales qui seules « rassurent »  les marchés. Lutte contre le déficit, la dette, le nombre des fonctionnaires, ces inutiles et ainsi de suite. De bons élèves, quoi ! Certes Strauss Kahn a demandé encore un peu de sang frais : « le marché du travail est trop rigide » a-t-il couiné au nom du FMI! C’est surement ça qui fait qu’il y a 20% de la population active espagnole au chômage, bien sur !  Donc les espagnols ont serré la vis sévèrement ! Normalement les marchés devraient être « apaisés » ! C’est bien la logique de la situation, non ? C’est pour ça que c’est fait, pas vrai ? Et bien c’est le contraire qui s’est passé ! Que ce sont dits « les marchés » ? Que le plan d’austérité allait contracter l’économie. Ces gens là ont du trop nous lire ! Donc l’économie va ralentir et donc l’Etat aura moins de recettes fiscales donc moins de moyens pour payer sa dette ! Alors les marchés ont peur, parce que les mesures prises pour les rassurer aggravent la situation ! Gag ! On éclaterait de rire si ce n’était pas aussi tragique vu du terrain. Cet exemple montre qu’on ne gagne rien à se donner pour repère, dans l’action gouvernementale, des abstractions du genre « les marchés».

Mieux vaut un regard lucide et des messages clairs de fermeté. Lucide : ce sont des financiers qui attaquent. On connait leur adresse. Ce sont des salles de marchés qui s’affolent. C'est-à-dire seulement des individus qui agissent hors de la réalité économique avec seulement en vue leur propres profits de la journée et leur bonus de la fin d’année. Il est possible de les placer dans un rapport de force ou les pertes prévisibles les fassent reculer. Il faut être clair comme le message suivant: « si vous voulez nous ruiner nous vous ruineront avant ». Un gouvernement peut restructure sa dette, faire des emprunts forcés, rétablir la fonction d’émission de la monnaie de sa banque centrale. Dans un jeu ou la règle du jeu est que l’un des joueurs perd tout le temps et du fait même de la règle du jeu, il faut renverser la table. Il faut donc avoir une force de dissuasion financière qui fonctionne comme la dissuasion nucléaire : une logique du faible au fort. Une nuance, et de taille : après avoir déclenché le feu nucléaire financier le gouvernement qui l’a fait sait que le pays continue à vivre. La preuve l’Argentine ! J’ai raconté ça dans mon dernier billet.

Christophe Ventura officie professionnellement avec Bernard Cassen et Ignacio Ramonet à « Mémoires des luttes ». Par ailleurs, il est secrétaire national du Parti de gauche. Comme vous le savez, dans ce parti, nous avons la manie de la bougeotte et des voyages politiques. Dans mon précédent post, j’ai signalé le lien avec le carnet de voyage de François Delapierre en Grèce. Ses notes sont évidemment encore en ligne sur son blog. Ici je reproduis le courrier de Christophe Ventura par ce qu’il n’a pas de blog. Auparavant j’avais déjà relevé aussi le carnet de voyage de Corinne Morel Darleux au contre sommet des peuples à Madrid, celui de Franck Pupuna en Bolivie. Sans oublier la tournée d’Alexis Corbière ou Raquel Garrido au Chili et Uruguay ! Ce sont des exemples. Seulement des exemples. Un grand nombre d’entre nous vont et viennent, à leur frais, et combinent toutes les occasions pour faire de la politique en toutes circonstances et en tous lieu.  Ces voyages concentrent une expérience politique dans notre équipe de jeunes dirigeants comme il n’y en a dans aucun autre parti parlementaire. Inutile de dire combien je m’amuse lorsque j’entends évoquer ce « parti du seul Mélenchon » que nous jettent à la figure les jaloux ou les frustrés quand je vois cette équipe de haut vol prendre en commun les décisions d’orientation ou de tactique que nous prenons chaque semaine autour de la table du secrétariat du parti ! Où voit-on une telle concentration de bénévoles aussi hautement formés politiquement ? Je m’attribue certes, très immodestement, la responsabilité d’avoir conforté et validé ce style politique par mes propres mises en scène de voyages politiques. Pour moi, leurs récits et leurs impressions ont une grande valeur. Ils permettent d’acquérir des connaissances d’un ordre différent. Le témoignage sur place construit une conscience vécue plus forte que la seule lecture de la presse qui nulle part ne permet de prendre le recul et la vue d’ensemble de la situation. Et leurs reflexes personnels sont profondément modifié et bonifié par le « déjà vu » qu’ils portent en eux. Ils acquièrent ainsi une autre capacité de lucidité plus grande dans l’action. Voici ce qu’écrit Ventura.

Lettre d'Italie « Cela fait trois jours que je suis arrivé en Italie, au sud de Rome, dans la région du "Lazio". Plus précisément, je suis près de Cassino, ville martyre de la deuxième guerre mondiale. C’est là le théâtre, en 1944, de l'une des plus terribles batailles du conflit. S'opposaient ici forces alliées et allemandes avec pour enjeu la perforation de la ligne de défense allemande en Italie, la ligne Gustav, puis la prise de Rome, la libération du pays et la marche vers le sud de la France. C'est ici qu'une partie de ma famille est née et a vécu avant de migrer, comme tant d'autres, vers la France, après les ravages de cette guerre et du fascisme qui fut ici virulent…Ici même, malheureusement, tout cela retrouve des adeptes déclarés ou maquillés avec les années Berlusconi…

Ce voyage arrive à un bon moment. En tout cas, à un de ces moments de la vie politique d'un pays intéressant à suivre. Rome, Naples et la Calabre (dans le sud de la péninsule) sont au menu de la prochaine semaine. De quoi, je l'espère, accumuler de la matière et des discussions tous azimuts pour approfondir une observation politique de ce pays si singulier, tout aussi passionnant que désespérant sur le plan politique : abstentionnisme grandissant et rejet important du personnel politique,  Berlusconi et son modèle libéral-autoritaire toujours maintenu, Ligue du Nord régionaliste et, de manière inquiétante, capable de séduire de plus en plus au sein des classes populaires. Mais pourquoi les pauvres votent-ils à droite ? Voici une question qui me taraude et à laquelle l'essai de Thomas Frank répond avec brio dans le cas des Etats-Unis. A quand une étude sur le cas français, italien et d'autres en Europe ? Le reste on le connait : social-démocratie qui s'enfonce toujours plus dans sa dérive démocrate/social-libérale et sa crise, l’autre gauche, faible, qui n'en finit pas de se décomposer et de se diviser… Quand on pense que ce pays fut celui du plus puissant Parti communiste d’Europe occidentale, le parti communiste italien d’Enrico Berlinguer !!! L'Italie est un miroir déformant de notre vie politique. Ce qui se passe ici est souvent annonciateur de phénomènes de fond qui trouvent des résonances et des prolongements chez nous et ailleurs. C'est pour cela qu'il faut suivre avec attention la période et apprendre des évolutions négatives de la gauche italienne.

Aujourd'hui, mardi 1er juin, c'est une journée particulière. A son tour l'Italie adopte un plan d'austérité dont la population sera la principale victime. Et ce après l'Irlande, la Grèce, l'Espagne, le Portugal ou le Royaume-Uni. Le gouvernement conduit par Silvio Berlusconi vient ainsi d'obtenir, le 31 mai, le feu vert du président de la République, Giorgio Napolitano, pour sa mise en place. Ce dernier a signé le décret de 56 articles et 175 pages qui vont permettre de réaliser "la manœuvre financière". C’est comme ça qu’on dit ici pour désigner le plan d’austérité concoctée par le ministre de l'économie, Giulio Tremonti. "Des larmes et du sang" pour la population a prévenu Berlusconi. Les mêmes mots d'inspiration churchillienne que David Cameron au Royaume-Uni… L’un et l’autre oublient de rappeler qu’il s’agissait à l’époque de faire la guerre à l’agresseur nazi. Aujourd’hui c’est contre qui la guerre? Qui est l’agresseur ? Ils se gardent bien de désigner la finance internationale. Ici, pas de doutes, la droite est sans complexes. Au programme, ce sont 25 milliards d'euros de restrictions budgétaires (soit 1,6 % du PIB) – entendez de financements publics de la société – qui ont été décidées pour 2010 et 2011. Une troisième année de gel des dépenses est prévue mais elle reste non chiffrée pour le moment.

De quoi parle-t-on ? En premier lieu d'une baisse drastique des financements de l'Etat des régions et des collectivités territoriales. La moitié du plan y est consacrée ! Cela laisse à penser qu'un pas net vient d'être franchi en direction du "fédéralisme" revendiqué par l'allié régionaliste de Berlusconi, la Ligue du Nord. Les coupes claires dans les budgets des ministères, notamment du développement en témoignent. La quasi totalité du Fonds pour le rééquilibrage territorial – pour le Sud de l'Italie – n'est plus financé. Mais il ne va de même pour celui de l'environnement ou de la culture qui voit la moitié de son budget disparaître ! Je m'arrête une seconde sur ce dernier aspect.

La première manifestation que j'ai pu observer contre ce plan est le fruit de la mobilisation des étudiants et des professeurs du Centre expérimental de la cinématographie de Rome, situé tout près des illustres studios de Cine Citta où je me promenais aujourd'hui. En discutant avec plusieurs étudiants, j'apprends que ce centre/école, ouvert depuis 75 ans et qui reçoit des professionnels du monde entier depuis des décennies à qui il offre formations et moyens, ne recevra plus de financements publics. C'est sa mort qui est ainsi décidée. Les manifestants ne s'y sont pas trompés en choisissant leur slogan pour la banderole désormais fixée sur la façade du bâtiment : "Tremonti black list" (Sur la liste noire de Tremonti). Pietro me livre un propos qui résonne encore en rédigeant ces lignes " Vous savez, ici, Berlusconi et ses amis ont réussi à faire croire à beaucoup que la crise, c'est la faute des fonctionnaires, des "assistés" de tous poils comme nous évidemment, des immigrés, et de je ne sais quels petits encore".

Continuons la liste des ministères touchés. L'armée (un peu) et le ministère de l'économie sont également mis à contribution. Ce dernier gère d'importants fonds sociaux qui vont être durement affectés : fonds pour les infrastructures publiques et logistiques, fonds pour la famille. L'éducation fera aussi l'objet de tous les "dégraissages" : 25 600 postes d'enseignants en moins pour l'année prochaine et 15 000 autres dans l'administration auxquels il faut ajouter le non renouvellement de 20 000 postes contractuels. La lecture d'un article du Manifesto (le quotidien communiste) m'apprend que nous en sommes à 130 000 suppressions de postes d'enseignants en Italie depuis que Berlusconi est revenu aux affaires en 2008… ca nous rappelle quelqu’un… Tous les financements d'infrastructures (routes, etc.) sont également "congelés" pour quatre ans. En aucun cas, ils ne pourront, jusqu'en 2013, dépasser ceux de l'année 2010 ! Dans le même temps, les systèmes de péages vont être élargis aux routes secondaires et les prix vont augmenter. Ministres et secrétaires d'Etat verront leurs indemnités baisser de 10 % tandis que celles des hauts-fonctionnaires diminueront de 5 % à 10 %. Berlusconi veut montrer que tout le monde est mobilisé par ce plan, même l'industrie financière. Cet effet d’annonce est indispensable pour donner l’impression d’une équivalence des sacrifices demandés aux deux bouts de l’échelle sociale. Sarkozy en a fait de même en France ! Bien sur la réalité est ensuite moins brutale pour le haut du panier. Ainsi en Italie, la fiscalité sur les stock-options et sur les bonus des hauts dirigeants d'entreprises privées va «sensiblement augmenter» pour passer… à 10 %. Le Cavaliere promet une lutte accrue contre l'évasion fiscale (30 milliards d'euros par an – et oui ! -) et la corruption. Mais l'essentiel est ailleurs. Le gouvernement prévoit un allongement de la durée de cotisation pour les retraites : 18 mois de plus ! L’âge légal de départ est déjà ici de 65 ans.

Que disent les banquiers et le patronat ? Bien qu'ayant publiquement adoubé le plan Berlusconi, ils font savoir, par la voix du gouverneur de la Banque d'Italie, Mario Draghi, que si "la manœuvre était inévitable, il faut maintenant des réformes". Ils n’en ont jamais assez ! Quelles réformes ? Pour commencer, celle du marché du travail… C'est maintenant l'heure d'une nouvelle offensive des néolibéraux au nom de la recherche d'une nouvelle compétitivité : il faut flexibiliser un marché du travail « encore trop rigide qui cause le chômage de masse ». Ici c’est le pire chiffre depuis 2001 : 8,9 % de chômeurs dans le pays ! Notamment « chez les jeunes de 15 à 34 ans » : 29,5 %. Cette musique d’affolement permet d’effacer ce fait qu’entre 15 et 35 non seulement il y a 20 ans d’écart mais que ces années recouvrent des situations aussi diverses que l’adolescence, le lycée, la fac et l’emploi…. On connaît trop bien cette petite musique. Elle est jouée en Espagne et demain dans toute l'Europe… D’ailleurs le bon monsieur Strauss Kahn a bel et bien dit que les espagnols devaient « assouplir » les règles de leur marché du travail. On connait ! Miroir déformant je vous disais… à Roselli, 1er juin 2010 »

Le protectionnisme c'était le monstre! Je pense que tout le monde se souvient des cris d’alerte entendus, il y a quelques mois, au lendemain du crash des banques américaines. Le grand mot d’ordre à l’époque c’était même de "lutter" contre le protectionnisme. Il y en avait plein les déclarations officielles du G20, des gouvernements, des institutions internationales et dans les éditoriaux des bien pensants. Ce danger était dénoncé car, nous disait-on, ce serait le risque d’un terrible recul de l’activité  économique. Et tous enfonçaient le clou en nous prévenant : attention c’est comme ça qu’est venue la catastrophe après 1929. Pour ceux qui ne savent pas de quelle catastrophe il est question je rappelle la montée des fascismes et le déclenchement de la deuxième guerre mondiale. Comme la plupart des gens qui cherchent à s’informer, j’avoue n’avoir pas eu le souvenir bien précis de ce que j’avais appris à l’école sur le sujet. Et dans les stages de formation politique ont se contentait d’aller à l’essentiel en signalant la crise de 1929 comme le point de départ des évènements qui déclenchent la montée du nazisme et du fascisme. La curiosité m’a amené à aller chercher ce qui s’était passé. Quelle mesures avaient été prises alors. Histoire de savoir ce qui ne marche pas et conduit à des désastres… Surprise ! Ce ne sont pas des mesures de protectionnisme que j’ai surtout trouvé.

En fait, après 1929, ce sont les politiques d’austérité qui battaient leur plein . En France, en Allemagne, aux Etats unis, en Grande Bretagne. Partout on comprima    les salaires des fonctionnaires, réduisit le budget de l’état, tout en s’accrochant bec et ongles à la défense de monnaie supposée forte et qui d’ailleurs ne le restèrent pas longtemps. Et pour bien dire je crois que c’est à peu près la même chose que ce qui se pratique aujourd’hui. Non ? Ou plus exactement, ce qui se fait aujourd’hui est juste un peu plus violent que les plans d’austérité appliqués après la crise de 1929. Heinrich Brüning, le chancelier allemand de l’époque déclare dans ses Mémoires que sa politique déflationniste ne visait qu’" à mettre l’Allemagne en mesure de résister à n’importe quelle contrainte extérieure, [à la rendre] capable de mettre à profit la crise mondiale pour exercer de son côté une pression sur les autres puissances » Décidément, madame Merkel n’innove guère ! Tous ces gouvernements avaient l’obsession de la monnaie forte ! Le gouvernement Churchill en Grande-Bretagne annonce en 1929 le retour à la convertibilité or de la livre sterling ! La monnaie britannique se retrouve d'un coup fortement surévaluée. Les produits industriels fabriqués en Grande-Bretagne sont plus chers et le déficit commercial du pays explose. Exactement l’histoire que je vous ai racontée avec le cas de l’Argentine des années 2000. Que firent alors les habituels très intelligents ? Comme toujours ! Ils ont cogné sur les salaires pour comprimer les dépenses ! Ainsi Pour restaurer la compétitivité du charbon national le gouvernement anglais décida de diminuer les salaires des mineurs. Exit Churchill aux élections suivantes. En 1931, le gouvernement travailliste de Ramsay Mac Donald impose lui aussi une sévère politique de rigueur. On croirait du Zapatero ou du Socratés avant l’heure. Toute la panoplie est là : réduction des salaires, réduction des indemnités de chômage, augmentation des impôts directs et indirects. J’ose à peine demander si ca vous rappelle quelque chose… La conséquence de cette politique fut une montée considérable du chômage. Il y eu 11,2 % de chômeurs, soit 1,9 millions de personnes en  1931 en Grande Bretagne ! Commencèrent alors les « Marches de la Faim » du nord vers Londres. Les français ne se montraient pas plus subtils pendant ce temps là. Le gouvernement Laval en France, mit en place en 1934 une politique de déflation dont on devine les principales mesures maintenant qu’on est habitués : compressions des dépenses publiques, gel des salaires des fonctionnaires. La routine ! Cerise délicieuse sur le gâteau des riches : la Banque de France rachetait aux créanciers les bons du Trésor français ! Exactement de la même manière que la BCE rachète aux banques les bons du Trésor grec aujourd'hui. Les conséquences de cette politique ont vite montré leurs bienfaits pour l'économie française : chute de la production industrielle de l'ordre de 30 %, et 500.000 chômeurs en plus ! J’évoque tous ces exemples pris dans le passé parce que je garde intacte ma capacité de surprise. Comment se fait-il que tous ceux qui se sont livré à des exercices de rappel du passé pour justifier la bestialité de leurs mesures sociales actuelles ne disent jamais ce qui s’est déjà produit ? Où sont les commentateurs, les analystes, les vulgarisateurs dont c’est le devoir de faire ce travail ?

Voici une nouvelle vague de sondage dont je devrais être bien content ! Elle me place à 5 ou 6 % des intentions de vote pour les élections présidentielles. C’est le quatrième du genre avec ce résultat, un mois après que le premier d’entre eux ait été fait et me place à ce même niveau. Cependant on connait la réticence extrême de nos équipes face à ces outils de communication. Je fais donc la part des choses. CSA de son côté ne teste pas mon nom. Mais cet institut proche des socialistes, nous a toujours placé un ou deux points en dessous de ses collègues et trois en dessous du niveau du vote réel. On se souvient qu’il nous évaluait brillamment à trois ou quatre pour cent pendant toute la campagne des européennes ! Mais là, il s’agit d’IFOP. Je crois que BVA aussi a fait quelque chose mais je ne sais pas quoi. Cette fois ci le sondage d’IFOP est fait sans référence de parti accolée au nom propre des candidats que l’institut propose.  Mon nom a donc été testé sans autre précision d’appartenance politique. Comme si j'étais une étiquette a moi tout seul. On pensait me rassuer en me disant qu'il fut fait de même pour les autres. Etrange. Que dois-je penser du résultat dans de telles conditions ?

Mais, dites, à propos, quand devient-on candidat à l’élection présidentielle ? Le bon sens suggère la réponse : on devient candidat quand on se déclare comme tel. Non ? Précisément : non. En fait, pour être très précis on dira que ce n’est pas la seule manière de devenir candidat. On devient candidat quand les instituts de sondage testent votre nom dans la liste du panel de ceux qu’ils croient possibles. Du coup, on devient ensuite candidat d’une autre façon. Quand les autres vous demandent si vous avez l’intention de l’être ! Si la question est répétée sans cesse d’un média à l’autre, vous devenez alors un candidat potentiel sérieux. C’est une catégorie intermédiaire. La gestion de ce statut est extrêmement délicate. La crédibilité d’un camp peut dépendre de ce que l’on fait de ce potentiel. Dans le cas du Front de gauche, ma candidature potentielle a été inaugurée par un sondage de l’IFOP pour le journal "Sud Ouest". Comme il me faisait ressortir à 6 % des intentions de vote, cela a justifié que mon nom soit avancé de nouveau à trois reprises dans d’autres sondages qui fournirent le même résultat comme je viens de le dire. Je me suis donc trouvé d’abord installé dans le paysage des enquêtes d’opinion. On voudra bien noter ce point essentiel à mes yeux : je n’avais rien demandé ! Je n’avais rien déclaré ! Mais franchement, était ce si inouï?

Je précise que je n’ai été nullement vexé ni fâché de me voir apprécier au point de trouver six pour cent d’intention de vote dans ce qui n’est certes qu’une enquête mais qui n’est tout de même pas banal. Comme dit l'adage: "il vaut mieux faire envie que de faire pitié". Je trouverai donc totalement hypocrite de jouer l’indigné ! Dans la mesure où les premières réactions des dirigeants communistes qui se sont exprimés (ce n’est pas le cas de tous) ont été clairement hostiles, il ne fallait pas être grand clerc pour deviner que cela deviendrait un sujet piquant pour les médias. Peut-on honnêtement le leur reprocher ? Qui est responsable, en toute honnêteté sinon ceux qui ont créé l’évènement en donnant l’impression que cette candidature soulevait polémique ? Ceux là se sont tirés une balle dans le pied, et cela me réjouis profondément ! A partir de là un deuxième seuil a été franchi. Tout le jeu médiatique a consisté à essayer de me faire dire si j’étais candidat pour m’entendre dire que je ne pouvais rien dire. De cette façon en toute logique de la politique spectacle, il n’y a que du bon à m'interroger sur ce sujet. Soit je réponds oui et c’est un (petit) évènement. Soit je réponds non et c’en est un autre car cela révèle les tensions que mon nom provoque ! Car je dois expliquer pourquoi je ne le suis pas alors même que les enquêtes d’opinion nous sont favorables. J’espère que tous mes lecteurs suivent la mécanique que j’essaie de décrire. Encore une fois, je le rappelle ce n’est jamais moi qui prends l’initiative de ce genre de question. Bien sûr, c’est aussi un confort de situation pour moi : je n’ai rien besoin de dire, ce sont les autres qui s’en chargent ! Et maintenant voyons la difficulté. Car il y en a une, et elle est de taille !

Car quoiqu’il en soit je reste assez amer. En effet, je vois bien que la campagne de dénigrement des dirigeants communistes contre moi fonctionne. Elle colle au sol l'envol que contient la dynamique du Front de Gauche. Les seuls qui me dénigrent viennent ainsi de nos propres rangs et cela en l'absence de toute contre proposition. C'est du démolissage pur. Sans autre but que de démolir. Car sinon tous les autres s’en fichent et je les comprends. Le résultat c’est qu’on fait du sur place. Les tireurs dans le dos marquent des points. En effet, l’image de notre rassemblement et du Front de Gauche recule au profit de celle de la querelle parfaitement artificielle martelée par les « identitaires » communistes et les organes de presse du PC favorable à l’alliance avec le PS. Ceux là viennent de passer deux mois à taper sur le même clou destiné à m’habiller pour l’hiver. Entre leur passionnante opposition entre le « projet et le paquet » version « l’Huma Dimanche », ou les dénonciations de « l’autocrate » que je serai après avoir dit que « je me sens capable », version « Huma » quotidienne, la machine à claques n’a pas chômé. Le reste de la presse, amusé, m’interroge donc régulièrement sur mon éventuelle candidature. C’est bien normal puisque ça sent le gaz ! Et toute réponse de ma part, quelle qu’elle soit, fournit un nouveau prétexte pour reprendre la campagne contre mon « ambition présidentielle », mon « impatience » et ainsi de suite ! Et pendant ce temps les courants minoritaires du même PC m’agonisent d’injures à chaque livraison de leurs bulletins créant une ambiance irrespirable. Mais tout ça marche. C’est une excellente machine à détruire.

Dès lors, Olivier Besancenot bénéficie d’une intéressante remontée dans les intentions de vote. Lui joue tout seul et ne prétend pas vouloir faire un attelage commun avec des gens qui le détestent ! Tout cela tend à nous ramèner à la case départ de la division de l’autre gauche. Mille bravos aux géniaux stratèges de cette opération. Car rien de tout cela n’est du au hasard, bien sur. Une poignée de bons esprits est à la manœuvre. Leur but est que, faute de candidature crédible, après un passage par la case témoignage d’une candidature «du mouvement social», il soit démontré que la meilleure façon d’agir consiste à faire des gesticulations identitaires avant de courir se ranger dans les jupes du PS aussitôt que possible. C’est le modèle des cinq régions où l’accord aux régionales des élus PC s’est fait avec le PS dès le premier tour. Ici et là, quelques records de duplicité furent battus. Ainsi dans le pays de Loire où de Poitou Charente, des groupes et fédérations communistes minoritaires  piétinèrent l’accord que leurs propre camarades avaient décidé et signé. Ceux là coururent au chaud dans le giron socialiste tout en prenant des pauses et des postures identitaires. Une fois rangés chez les socialistes ils eurent pour finir moins d’élus que la fois précédente ! Ce dont ils ne se vantent guère. Mais ils barrèrent efficacement la route des 5 % à ceux qui défendaient les couleurs de l’autonomie de l’autre gauche. Les millions d'euros que peinent à collecter actuellement les militants communistes et ceux du PG pour payer les frais de campagne non remboursés sont leur œuvre ! Quels bons camarades ! Le journal « l’Humanité » les accompagnait en annonçant leurs meetings et manifestations sans aucune forme de prise de distance. On se souvient aussi du numéro de « l’Humanité » annonçant des « élus communistes » au conseil régional de Languedoc Roussillon. J’arrête là la liste pour ne pas entrer dans une actualité plus immédiate et plus désespérante. Le gout du néant, l’ivresse de la solitude inspirée, la jalousie frustrée sont des maladies groupusculaire très répandues. Je peux seulement dire qu’après tant d’efforts et tant d’audaces pour construire une véritable ambition pour nos idées, nous ne nous laisserons pas enfermer dans les catacombes où se dessèche tout espoir. D’autant qu’il y a des bonnes nouvelles. Et même très bonnes. Elles confirment la validité du schéma stratégique que nous défendons.

Le 30 mai, l’autre gauche, unie en Limousin, vient de gagner 16 points dans une élection cantonale partielle dans le canton de Panazol en Haute-Vienne. Vous avez bien lu ! Seize points d’un coup ! ! Une rapide analyse arithmétique de ce résultat vaut bien des sondages.  Cette fois ci  les candidats de « Limousin Terre de Gauche » étaient un titulaire PCF et un suppléant NPA ! Le cauchemar de maints bons esprits parisiens de ces deux partis ! Ce canton là est à la fois urbain et le plus peuplé de Haute-Vienne. Nos camarades ont recueilli, 20,25 % des suffrages exprimés au premier tour ! Dans ce même canton la liste « Limousin Terre de Gauche » avait fait beaucoup moins aux élections régionales.  Nous avions rassemblé en effet 8,95 % au premier tour des régionales et 16,17 % au second. L’exploit cette fois ci ne s’arrête pas là. Alors que la participation a été faible, seule la candidature « Limousin Terre de Gauche » progresse en voix par rapport aux Régionales. Elle passe de 837 à 914 ! Ce résultat est la preuve que l'unité de « l'Autre Gauche » n'additionne pas seulement les voix de ses composantes mais peut les multiplier. En effet, le candidat communiste qui portait cette fois ci les couleurs de « Limousin Terre de Gauche », multiplie par 4 le score obtenu sous sa seule étiquette communiste à la cantonale de 2004 !  Enfin cette dynamique tire vers le haut toute la gauche. Avec nous, la gauche réalise au total 72,33% (PS + Limousin Terre de Gauche + Europe Ecologie) contre 66,57 % (PS + Limousin Terre de Gauche + EE + LO) en mars dernier au 1er tour des Régionales. Evidemment la répartition des voix à l'intérieur de la gauche est désormais sensiblement différente. Tandis que "Limousin terre de Gauche" progresse nettement, le PS, se tasse. Il passe de  46,6% à 45,1 %. Pourtant les socialistes étaient représentés par un de leur élément les plus caractéristiques. Il s’agit du premier secrétaire fédéral socialiste de Haute-Vienne ! De son côté Europe Ecologie perd les 2/3 de ses voix des régionales et tombe à 6,9 % des suffrages contre 9,9% aux régionales. 

Bref, en amplifiant le bon score des Régionales, ce résultat prouve que le succès  obtenu à ce moment là en rassemblant toute l'autre gauche n'avait rien de circonstanciel. Cette stratégie je vois bien que nous sommes seuls à la porter aujourd’hui. Pourtant elle est payante. Elle marche d’autant mieux qu'elle rassemble le maximum de composantes, s'inscrit dans la durée et tient le coup sur plusieurs élections. Ce bon sens politique et électoral finira peut-être par être compris à Paris. Pas sur. Mais c'est cela le sens de notre proposition d'une alliance stable de Front de Gauche « élargi » pour les élections cantonales, présidentielle, législatives. Cette offre est faite aux composantes actuelles du Front de Gauche mais plus globalement à tous les partis et sensibilités de l'autre gauche dont le NPA. A notre avis, ce qui fonctionne dans le Limousin peut donner le même résultat sur le plan national. Sur place, en Creuse cette fois-ci, il y aura bientôt un autre test… C’est la cantonale partielle de Chenérailles. La date n’est pas géniale pour nous car l’élection est organisée les 4 et 11 juillet prochain. Mais la tranchée sera tenue, c’est sur !



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