05juil 09

Jeudi en fin d'après midi nous étions trois cents peut-être autour de la fontaine Saint Michel pour exprimer notre soutien au peuple du Honduras qui lutte pour ramener son président chassé par un putsch. Pendant la manifestation nous avons eu un appel du président Zelaya (voir le film sur le site du Parti de Gauche). Dimanche, Manuel Zelaya tentait de rentrer par avion au péril de sa vie. A l'heure où j'écris, des centaines de milliers de manifestants déferlent dans la capitale du Honduras pour empêcher les putschistes de l'intercepter. C'est peu dire qu'une houle de dégoût me monte de l'estomac en voyant quel traitement médiatique est réservé à ces évènements. Je n'ai même plus envie de ricaner en voyant la molle absence des people de la gauche officielle et des grands champions des droits de l'homme. Dommage que le Dalaï-lama Lama ne soit pas hondurien. Dommage que les élections iraniennes n'aient pas eu lieu au Honduras. Dommage qu'il n'y ait pas de gaz géorgien au Honduras. Dans cette note je raconte. Et je parle aussi de l'emprunt Sarkozy.

HONDURAS

Si besoin était, ces évènements du Honduras nous dispensent d'avoir demain à nous justifier auprès des belles «grandes consciences» si promptes à nous montrer du doigt et à invectiver! Nous savions que leur indignation était souvent largement suggérée par le goût de plaire utilement. A présent leur larbinage de commande ne s'encombre même plus de précaution. En dehors des heures de bureau, une fois venue la saison des vacances, les bobocrates à grosse crête, faute de commande précise venue des grands centres de l'indignation mondiale, sont aux abonnés absents. Pourtant cette bataille là, au Honduras, c'est celle qui fera jurisprudence pour la démocratie en Amérique latine. Dorénavant, les années de plomb où l'on putschait impunément, peuvent être closes pour de bon. Quatre présidents latino américains attendent pour raccompagner à demeure dans sa capitale Manuel Zelaya. S'ils atteignent leur but, quelque chose d'historique se sera produit sur le continent. Grâce soit rendue à Hugo Chavez qui n'a pas laissé faire et a mobilisé tout ce qui pouvait l'être aussitôt qu'on connut la nouvelle. Raphael Correa (Equateur) et Fernando Lugo (Paraguay) ont assumé crânement leur rôle aussi. Voyons plutôt chez nous. Des phrases ambigües, dans le meilleur des cas. Et encore! Après une longue pause de silence, le temps de savoir de quel côté étaient les américains. Pendant la pause cependant les arguments des putschistes tenaient naturellement le haut du pavé. Le moment venu on récapitulera ce qui s'est écrit dans chacun des grands journaux de ce pays. Comme d'habitude à propos d'Amérique latine, le PS, noyauté jusqu'à l'os, a tenu son registre de complaisance approfondie pour la droite latino et les arguments des agences du Pentagone. Ainsi quand il déclare soutenir les tentatives de conciliation du Mexique. La «conciliation» entre des putschistes et les élus d'un pays, il faut oser! C'est comme si, en 1936, on avait poussé le gouvernement républicain espagnol à la «conciliation» avec l'armée du général Franco! Allende à la «conciliation» avec Pinochet! De Gaulle avec les généraux félons d'Algérie! Pourtant le PS a osé. Depuis que je n'y suis plus, il n'y a plus aucune résistance interne à la dérive atlantiste totale de la direction de ce parti. En fait je connais la vérité. Plus personne à la direction de ce parti ne s'intéresse à l'Amérique latine. Tout est donc écrit dans des bureaux que personne ne contrôle plus du tout et qui expriment seulement les influences auxquels certains se sont volontairement soumis. Informons d'ailleurs que le Mexique ne fait aucune «conciliation» du tout, vu que le président Zelaya et les autres présidents, forts de la condamnation prononcée par l'OEA et les Nations Unies, avancent frontalement pour le rétablissement du pouvoir Constitutionnel au Honduras. D'une façon plus large, le Mexique est absent de la scène. Ce soir, je tape ces mots après avoir eu deux conversations téléphoniques avec des camarades de l'entourage de Zelaya. Ils embarquent dans l'avion qui suit celui du Président. Eux ne sont pas censés atterrir au Honduras. Ils ne m'ont pas donné d'indications à ce sujet. Mais tous y convergeront, dans tous les cas, le moment venu, une fois l'avion de Zelaya posé. Car, juste avant Manuel Zelaya a décollé. C'est lui qui m'a appelé à la fontaine Saint Michel, jeudi. Si peu nombreux que nous ayons été, il était lui très impressionné et renforcé par l'idée qu'on se mobilisait pour son combat à Paris. Moi j'étais très ému d'entendre sa voix et je pensais à ce que nous étions en train de faire tous, c'est à dire régler leur compte aux gorilles et à leur commanditaire nord américain pour qu'il n'y ait plus jamais de putsch, et ce qui a été avec dans le passé: les arrestations et les disparitions et les tortures et tout le reste. L'autre jour j'ai eu des nouvelles des camarades de l'Uruguay qui s'activent pour la candidature de «pépé» Mujica à l'élection présidentielle au nom du «Front élargi». Pépé c'est quelqu'un, lui aussi. Il a été détenu deux ans dans un puits par les putschistes de l'Uruguay. Au total il a passé trois ans avec de l'eau jusqu'à la ceinture la moitié du temps. Compris?

Une rente nommée emprunt

Après mon passage sur France Inter, j'ai eu pas mal d'appels personnels, de mails et de SMS. Sans que j'en prenne la mesure sur le moment, mon argumentation à propos de l'emprunt a paru très intéressante à de nombreux amis. Ils m'ont donc demandé de reprendre par écrit mes arguments de manière à ce que chacun puisse les utiliser de son côté. Je le fais avec plaisir car je me suis bien amusé d'apprendre la pauvreté des arguments présentés par le PS sur le même sujet, Quand il dit quelque chose, bien sûr, et quand celui qui parle n'approuve pas Sarkozy! Ma ligne argumentaire est la suivante. Je pars du fait. Un emprunt va être lancé. Mais on ne sait pas pourquoi faire. D'habitude on sait d'abord ce qu'on va faire, non? Puis on cherche le moyen de le financer. Cette inversion fait sentir le loup dans la bergerie. Mais avant de le désigner il faut faire une pause et reprendre la réflexion. Si l'on emprunte c'est qu'on n'a pas. Ou pas tout. Pourquoi l'État de la sixième puissance économique du monde n'a-t-il pas de quoi? Réponse: parce qu'il a été méthodiquement appauvri. Bon. De tout cela je donnerai plus loin des détails chiffrés. Et maintenant venons en au loup. Qui va acheter des emprunts de l'État? Ceux qui ont de quoi. Ceux qui ont des réserves qu'ils peuvent immobiliser. Vu? Ça veut déjà dire qui ce ne sera pas. Qui n'a pas de réserve a immobiliser dans un emprunt? Je ne fais pas un dessin, tout le monde a compris. Donc je peux renverser la question: qui a des réserves? Devinez. Ceux là ont pourtant déjà été servis avec le bouclier fiscal, non? Justement. C'est là le moche de l'opération. Ceux qui ont reçu un chèque de l'État pour leur rembourser des impôts du fait du bouclier fiscal contribuent moins à l'effort commun. Ceux là vont maintenant recevoir davantage de la collectivité. Non seulement ils continueront comme les autres à bénéficier des services publics et de tout ce qui est payé par l'impôt de tous, mais en plus ils vont recevoir davantage. Ils vont recevoir quelque chose de plus que tous les autres qu'ils aident moins. Et que tous les autres vont se cotiser pour leur donner. Quoi? L'intérêt de l'emprunt auquel ils vont pouvoir souscrire avec l'argent reversé par l'État du fait du bouclier fiscal. 3 506 contribuables les plus aisés ont touché un chèque moyen de 116 000 euros. Ils peuvent s'en servir pour acheter de l'emprunt Sarkozy. Donc qu'est ce que cet emprunt? Une rente de l'Etat servie aux riches contribuables.

La stratégie d'appauvrissement de l'Etat

Nicolas Sarkozy sait parfaitement à quoi s’en tenir car c’est déjà lui qui avait supervisé en 1993 l’emprunt Balladur comme ministre du budget. Un emprunt qui a coûté en intérêts servis plus de 4 milliards de francs à l'État et qui a été remboursé grâce à des privatisations entre 1993 et 1995 (BNP et Elf Aquitaine notamment)! Pour bien comprendre le côté combine irresponsable de cette affaire, il faut savoir que depuis 30 ans, tous les gouvernements de droite ont été les champions de l’endettement car ils ont organisé l’appauvrissement de l'État. Le gouvernement Balladur dans lequel siégeait le petit Nicolas a multiplié par quatre la dette de l'État. En euros constants, les intérêts de la dette ont été multipliés par trois depuis 30 ans. Dans le même temps les investissements de l'État ont été divisés par 2. Depuis 2002, alors que la dette avait diminué sous Jospin, la dette est passée de 57 % du PIB à 67 % du PIB aujourd’hui. Car contrairement aux idées reçues, les recettes de l'État reculent depuis 20 ans! Elles représentaient 21 % du PIB dans les années 1980. Elles n'en représentent plus que 17 % aujourd’hui. Cela constitue une perte de recettes de 60 milliards annuels. Cette érosion des recettes de l'État a été organisée via des baisses régulières d’impôts. Mais aussi par la vente des entreprises nationales qui rapportaient à l'État d’importants revenus. Voyons cela. Depuis 2002, les réformes fiscales cumulées ont amputé de 30 milliards de recettes annuelles l’impôt sur le revenu, l’ISF et les droits de succession. Rien que le paquet fiscal 2007 de Sarkozy fait perdre 7 milliards par an à l'État: 2 milliards de droits de succession, un demi milliard de bouclier fiscal … Les niches fiscales ont atteint un montant de 73 milliards annuels de manque à gagner pour l'État via des exonérations ou réductions d’impôts sur le revenu ou d’ISF! 85 % des réductions d’impôts bénéficient aux 10 % des foyers les plus riches. Exemple de niches fiscales discutables: exonérations des revenus d’actions possédés par les salariés et mandataires sociaux, exonérations des revenus d’actions avec pacte d’actionnaires, exonération et abattement pour investissement immobilier locatif …réductions d’impôts pour emploi de personne à domicile. Résultat: l'impôt sur le revenu ne représente plus que 17 % environ des recettes fiscales, contre près de 22 % en 1993. Vient a présent mon deuxième argument concernant l'appauvrissement de l'État. On en parle jamais. Il s'agit des privatisations. Les privatisations qui amputent l'État de revenus durables. De 2002 à 2007, les gouvernements de droite ont vendu pour 47 milliards d’euros en privatisations. C'est le double de la période 1997-2002. Le record absolu de privatisation a été atteint en 2006 avec 17 milliards de ventes annuelles. Aujourd’hui il ne reste plus qu’une centaine de milliards (essentiellement EDF) et l'État s’est privé de ressources annuelles considérables. Quelques exemples de profits annuels d’ex entreprises publiques :

  • GDF Suez 6,5 milliards de profits 2008 (privatisé par Sarkozy en 2007)

  • France Télécom 4 milliards de profits 2008 (privatisation lancée par DSK en 1998 et achevée par les gouvernements Raffarin et Villepin)

  • Total 10,4 milliards de profits 2008 (privatisation débutée en 1986 et achevée en 1993-1995 par Balladur-Sarkozy)

  • Et même la BNP (privatisée en 1993 par Balladur-Sarkozy) 3 milliards de profits 2008. 

Cette liste incomplète représente 23 milliards de moins dans les caisses de l'État pour 2009. Deux fois le déficit de la sécu. Vous avez bien lu? Et pour quel mieux collectif tout cela a-t-il été vendu, et perdu ? Dès que je reprends la plume sur ce blog je vais traiter de ce sujet: nos marges de manoeuvre financières.
 


201 commentaires à “Le Honduras, l’emprunt Sarkozy”
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  1. Pourquoi avoir mélangé votre article sur le Honduras à celui de l'emprunt?


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