26sept 08

 

«La voie étroite de Nicolas Sarkozy pour réformer le capitalisme» minaude le journal «Le monde» On se pince. Sarkozy anti capitaliste! Quelle farce! Et depuis, ses gesticulations tournent en boucle. Mais ce qu’il dit n’a pas de sens. La crise du capitalisme n’est pas une crise morale. Dans cette note je parle de cela du traité de Lisbonne et du congrès socialiste.

La cause de la crise n’est pas dans la voracité des traders mais dans le système qui a non seulement permis mais encouragé leur activité. C’est d’ailleurs pourquoi l’idée de les punir est absurde. Ces gens n’ont pas agit contre la loi mais avec elle. D’ailleurs les lois ont été modifiées sans trêve pour leur convenir et faciliter leur travail. Tous les compartiments de l’activité économique ont été mis au diapason. Tous sans exception et chaque jour davantage. C’est ce qu’on appelle «la réforme» ou «la modernisation» depuis des années et des années. La financiarisation du capitalisme n’est pas un accident du capitalisme mais l’état naturel de son nouvel âge depuis bientôt au moins vingt ans. Déréglementation, dérégulation, flexibilité sont les maitres mots des politiques des programmes de droite et des sociaux libéraux pendant toute cette période. Et cela, Sarkozy ne propose pas de l’arrêter un instant. Ni une semaine, un jour, une seconde. A l’inverse. Il dit que la crise ne doit pas ralentir la réforme mais au contraire l’approfondir. Lui et les autres ont compris qu’il faut donner l’impression que tout va changer pour que tout dure comme avant. Vieille tactique des puissants lorsque leurs turpitudes sont devenues trop visibles ou qu’elles ont créé trop de dégâts. Comme il est triste de voir se réaliser nos pires prédictions. Voyez par exemple les fameuses retraites par capitalisation! Des millions de gens ont d’ors et déjà perdu des années de travail, d’économie et d’efforts. Ils seront pauvres jusqu’à leur dernier souffle. Ou sont les coupables? Tous ceux qui ont fait taire nos voix, brocardé nos porte paroles et déversé des millions en publicité et pot de vin pour obtenir des législations qui permettent l’installation de ces fonds partout dans le monde. Ce sont les hommes politiques de droite et de gauche, les journalistes de tous poils à la Charles Sylvestre qui ont des années durant  été les griots du système. Ils ne seront pas punis par Sarkozy. Ni par personne. Et voila le point qui compte. Combien de temps pour que la prise de conscience de cette impunité gagne du terrain ? Selon moi, après bien d’autres, tout ceci ne fait que commencer. Une nouvelle période s’ouvre, très dangereuse pour la paix et la démocratie si l’on se réfère à ce qu’a montré l’histoire dans des situations comparable. C’est ça aussi la nouveauté: plus le monde change plus il ressemble au passé… Mais il y a un absent de taille: un projet et un programme alternatif. Le communisme est rayé de la carte, le socialisme «démocratique» est domestiqué. Le monde du travail est donc sans voix politique. En France, les commentaires des portes parole du PS sont aussi creux qu’éloquents. Ils ne peuvent naturellement pas dénoncer le système: ils viennent juste d’annoncer partout avec leur déclaration de principe qu’ils y sont ralliés. Donc ils politicaillent: «Sarkozy peut pas dire que tout est de la faute de la crise parce que c’est aussi de sa faute!» Nannanère! Nannanère! Et au passage un peu de sauce social libérale: Michel Sapin reproche à Sarkozy le déficit excessif du budget de l’Etat et la perte de compétitivité des entreprises! Mais le plus «perché», comme on dit à Marseille, c’est encore une fois ce pauvre Rocard. Il déclare dans «le Parisien» de ce 26 septembre que Sarkozy est le représentant d’une droite «réformatrice et intelligente» jusqu’au point où si «des hommes politiques de droite se rendent compte qu’il ya une erreur d’aiguillage du capitalisme cela n’en fait pas des hommes de gauche pour autant mais cela rend des convergences possibles». Avec de tels ennemis, le capitalisme financier n’a pas besoin d’amis.

DE LA SUITE DANS LES IDEES

On aurait tort de croire que la crise financière abat seulement le château de carte du capital fictif. Ou  qu’elle ridiculise seulement les politiciens de village qui ont couru derrière les compliments des puissants et des gavés. Elle fiche aussi par terre ce qui reste de boniments en faveur du lamentable traité de Lisbonne dont Nicolas Sarkozy oublie de parler dans ses tirades de nouveau guévariste. Il sera bon de l’y ramener ainsi que tous les euros béats de droite et de gauche qui s’y sont raccrochés comme à une bouée de sauvetage depuis la noyade du traité constitutionnel dans l’océan du vote populaire. Si ces beaux parleurs lisent au moins une fois dans leur vie le texte auquel ils adhérent ils découvriront le genre d’Europe protectrice qu’ils ont mis en place. Par exemple à l’article 56 du nouveau Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, qui reprend exactement l’article III-156 de feu la prétendue Constitution européenne. Lisez, lisez, brave gens: «toutes les restrictions aux mouvements de capitaux entre les Etats membres et entre les Etats membres et les pays tiers sont interdites» Pas de barrage contre l’argent fou, les flots de placements toxiques, les brassées de titres pourris. C’est interdit de s’en protéger! La belle Europe que voila! Et comme si ça ne suffisait pas le même article prévoit que «toutes les restrictions aux paiements entre les Etats membres et entre les Etats membres et les pays tiers sont interdites.» Succursales et agents double sont donc autorisés à puiser à pleine main dans les caisses européennes pour nourrir les comptes bancales d’outre atlantique. Mille mercis au grand prévoyant Nicolas Sarkozy, auteur parait-il de ce texte «simplifié». Sera t il sanctionné? Mille bravos aux zozos du PS, des verts et des radicaux de gauche qui ont permis par leur vote complices au congrès du parlement que ce texte soit approuvé. Ceux là ou sont-ils passé? On n’entend pas leur voix ni leur trémolos européiste ni leur tirade contre les «xénophobes nonistes». Seront-ils sanctionnés. Et quand ils vont venir faire leurs tirades anti capitalistes pour se mettre à la mode du jour se souviendront-ils du mal qu’ils ont déjà fait en tant qu’apologiste du traité de Lisbonne? Lequel de mes lecteurs veut bien publier ici de nouveau la liste de ceux qui ont voté oui à la réforme de la Constitution a Versailles pour rendre ce mauvais coup possible! Evidemment ca vaudra la peine de voir qui signe quelle motion au congrès du PS parmi eux. Car ce ne sera pas un bon signe de lucidité politique.

UN FAIT HISTORIQUE

Voila qui m’amène jusqu’à la porte du congrès socialiste. Je rappelle à mes lecteurs intéressés par le détail de ce sujets et ses rebondissements qu’ils peuvent avoir des nouvelles à tout instant sur ce thème en se rendant sur le blog du courant auquel je participe : « Trait d’union » et dont la responsable est Pascale Le Néouannic conseillère régionale d’ile de France. « Trait d’union aujourd’hui, c’est un plancher de huit mille voix, une présence dans quatre vingt cinq départements, cinq membres au bureau national du PS, vingt dans les instances nationales de ce parti, près de cent cinquante secrétaires de sections, trente maires, autant de conseillers généraux,  et ainsi de suite. Mais c’est aussi et de bien des façons une force en suspend. Des centaines de ses membres considèrent que c’est sans doute leur dernier congrès si rien ne change au PS. Si nous n’avions pas fait la motion commune de la gauche du parti je pense que nombreux auraient été ceux qui n’auraient même pas attendu le congrès pour jeter l’éponge. C’est pourquoi l’accord pour la motion commune a pu se faire sans difficulté de ce côté et que les conditions de la cuisine interne qui l’on accompagné ont été si vite réglées. Une fois Hamon et Emmanuelli bien convaincus que rien de cohérent ne pouvait se faire à cette étape avec Martine Aubry, nous étions partisans sans préalable de la motion commune. Ce qui s’est fait. Le dépôt d’une motion commune de toute la gauche du parti est un évènement historique. C’est la première fois depuis trente ans que cette branche du socialisme se présente unie aux suffrages des militants.  En plaçant un homme de 41 ans, ancien premier secrétaire du MJS, à la fois moderne par son âge et traditionnel par son parcours, comme premier signataire et candidat au poste de premier secrétaire nous avons aussi donné un signal de renouvellement qui finit de mettre toutes les chances de notre côté pour proposer aux socialistes une alternative crédible et conquérante. Je crois que l’hétérogénéité des cultures et des histoires des composantes qui forment cette motion est elle aussi un signe de bonne santé et un gage d’ouverture d’esprit. Un ancien rocardien, Benoit Hamon, voisine avec un ancien fondateur de la ligue communiste révolutionnaire, Gérard Filoche, un ancien jospiniste comme Henri Emmanuelli s’unit à un ancien fabiusien comme Paul Quilès. Et ainsi de suite, même si je sais bien que toutes ces histoires sont dorénavant loin derrière chacun des personnages que j’évoque… En tous cas, pour moi qui ai fondé et animé quinze ans «la gauche socialiste» puis «Nouveau Monde» je dois dire que, même si mes illusions à l’égard du PS sont quasi nulles, je vois avec beaucoup d’émotion et d’espoir ce rassemblement se mettre en mouvement. Je l’ai tant espérer en vain dans le passé. Mes amis s’y sont voués avec énergie et leur pétition pour cela avait recueilli en mai dernier mille trois cent signatures.Je pense que la motion commune de la gauche du parti peut inverser la pente droitière sur laquelle dévale le Parti surtout depuis la défaite de 2002. Je n’exagère pas. Les niveaux précédents de votes de gauche au PS permettent d’envisager que la motion Hamon passe en tête. Surtout quand l’ancienne majorité est divisée en trois motions concurrentes. Et plus encore dans le contexte de la crise financière qui valide les thèses constantes de la gauche du parti et ridiculise les professions de foi sociale libérale des poids lourds de l’ancienne majorité. Je sais bien que les mêmes qui hier faisaient assaut de gages droitier peuvent demain se mettre à débiter des discours quasi révolutionnaires avec la même tranquille assurance. «Mettez vous à genoux vous finirez par croire », disait Blaise Pascal. Donc je préfère les entendre pourfendre le capitalisme que lui lécher les bottes. Mais je ne crois pas qu’ils convaincront beaucoup dans leur nouvelle posture. Il me semble que si c’est pour passer enfin à une critique constructive du capitalisme et penser un autre futur, la gauche du parti est plus crédible.

 

 


267 commentaires à “La farce de Sarkozy”
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  1. jennifer dit :

    Et pan, les insultes repleuvent!

  2. jennifer dit :

    JM j'ai parlé de capitalisme. Tu faiblis: tu aurais dû te mettre en colère!

  3. JM dit :

    oui.
    alleeeez, je te serre la louche, camarade, et te donne une tape bourrue pour te souhaiter bonne nuit.

  4. jennifer dit :

    Chevere! companero

  5. commandant P. dit :

    Thierry REBOUR est géographe
    Maître de conférences à l’Université d’Amiens (SEDET, Paris 7)
    (2000) « La théorie du rachat » Sorbonne

    une analyse de fond : Crise ou crises ? Du "peak oil" au crunch monétaire

    en 4 parties

  6. commandant P. dit :

    Depuis quelques mois, l’économie mondiale est entrée dans une phase de crise. Tout a commencé aux Etats-Unis par la crise immobilière dite des subprimes, laquelle s’est propagée vers l’Europe assez rapidement. Une forte inflation, en particulier des matières premières, coexiste avec une déprime paradoxale des prix industriels apparemment d’origine structurelle. En outre, des crises financières récurrentes qui vont de bulles spéculatives en krach secouent les indicateurs économiques mondiaux depuis plusieurs dizaines d’années.
    En réalité, il s’agit de l’interaction de plusieurs crises au tempo différent :
    une dépression longue qui touche essentiellement les pays développés depuis plus de 40 ans, où prix et volumes divergent à long terme ;
    une crise de surproduction (ou/et de sous-consommation), conséquence de la précédente, liée à un ajustement par le bas des revenus du travail dans le monde à cause de la concurrence internationale entre pays de niveau de développement très différent ;
    enfin une crise financière, de court terme mais dont les racines sont pluridécennales et dont la conséquence se manifeste par un surinvestissement sur les marchés des matières premières, en particulier les marchés à terme.

    Pour comprendre les relations d’interdépendance entre ces trois phénomènes, nous étudierons tout d’abord la crise inflationniste de court terme et nous montrerons qu’elle est une conséquence de la dépression longue. Celle-ci fera l’objet de la deuxième partie. Enfin nous analyserons les effets de feed-back entre conjonctures longue et courte afin de comprendre la nature du problème financier structurel qui affecte l’économie du monde depuis plusieurs décennies.

  7. commandant P. dit :

    I - LA CRISE COURTE

    Il existe en réalité deux problèmes de court terme dont l’un est la conséquence de l’autre. La crise américaine des subprimes a déclenché une crise financière globale. Il s’agit au départ d’une crise de crédits immobiliers à taux variables hypothéqués sur les dits-biens, touchant non seulement les débiteurs insolvables, mais aussi les bailleurs, principalement des banques. Les soubresauts violents d’un certain nombre de produits financiers, touchés par la crise des subprimes via la titrisation (c’est-à-dire le partage des risques liés aux titres « pourris » à travers des produits financiers divers, parfois très éloignés en apparence des titres initiaux) ont dirigé les spéculateurs vers des investissements plus sûrs. Or, par ailleurs, des tensions inflationnistes apparaissaient dans certains secteurs agricoles et énergétiques, dont il va nous falloir expliquer les causes. Le report massif des investissements financiers vers les marchés de ces secteurs - en particulier les marchés à terme - ont transformé ces tensions en une véritable inflation à l’échelle mondiale.
    Les arguments traditionnels répétés en boucle sur les médias pour expliquer cette inflation sont extrêmement discutables. Ainsi sont accusés conjointement :
    la hausse de la consommation des nouveaux pays industriels et l’ « essor » apparemment « considérable des classes moyennes consommatrices de céréales, de lait et de viande » ;
    la sécheresse australienne et les mauvaises récoltes de ces dernières années ;
    la substitution de culture de céréales alimentaires en produits énergétiques (dans le but de diminuer les émissions de gaz à effet de serre) ;
    l’émergence du peak oil énergétique, c’est-à-dire le moment précis où la moitié des réserves mondiales d’hydrocarbure aura été extraite.
    La rigidité structurelle de l’offre de ces matières premières, pourtant évidente depuis plusieurs décennies, est bien moins souvent invoquée que celle supposée de la demande. Or, c’est bien ici que la plupart des analystes se trompe.
    Il est inutile de s’étendre sur les causes physiques (sécheresses, inondations, etc.) dans la mesure où si elles sont bien réelles, leurs déclenchements - par nature aléatoire - et leurs conséquences révèlent un problème de plus long terme. Le monde a connu d’autres années de récoltes mauvaises ou médiocres sans que l’inflation se déclenchât pour autant.
    L’expansion des classes moyennes dans les NPI est quant à elle une fable. Ainsi, par exemple, la demande chinoise en matière première ne représente que 3 % de la demande mondiale (malgré la rapidité de sa croissance) ; celle de lait et de viande est infime (inférieure à 0,5 %). L’idée fort répandue d’une croissance rapide des salaires - valable dans le cas des petits pays (Dragons d’Asie) où le marché du travail est restreint - n’est pas tenable pour des pays de la dimension de la Chine ou de l’Inde. L’offre de travail y est immense. Il y existe une « armée de réserve » de travailleurs en provenance des campagnes qui interdit toute hausse salariale avant longtemps. Les entreprises industrielles ne sont pas philanthropiques : seule une rigidité de l’offre de travail y justifierait des augmentations de salaire. Elle n’aura lieu ni en Chine, ni en Inde dans les années qui viennent ; tout au plus à la fin du siècle, si le rythme de croissance actuelle se maintenait.
    La question de l’éthanol - dont la Banque Mondiale a prétendu récemment qu’elle était la cause essentielle de l’inflation des matières premières alimentaires - est également discutable : cela fait plusieurs années que la substitution culture alimentaire / culture énergétique est en œuvre ; or ce serait justement cette année que les quantités produites atteindraient le point critique, déclencheur d’inflation des produits alimentaires. La coïncidence serait curieuse ! En outre, l’inflation touche toutes les matières premières et non les seules matières premières alimentaires. L’augmentation du volume des cultures énergétiques, jugée capable de hausser par défaut les prix de la nourriture, aurait du logiquement faire baisser les prix de l’énergie, ou au minimum en limiter l’inflation. Or, c’est précisément le contraire qui se produit : énergies et aliments sont conjointement victimes de l’inflation.
    Le problème du peak oil censé expliquer les prix élevés des hydrocarbures est une équation qui comporte, par nature, de nombreuses inconnues. Puisqu’on ignore le volume des réserves mondiales, on ignore forcément le moment du peak oil. Prétendre qu’il serait en train de se produire est une affirmation tout aussi gratuite que de d’avancer - comme certains experts le faisaient encore l’année dernière - qu’il aurait lieu en 2050. La vérité oblige à admettre, qu’on aura connaissance de la date du peak oil qu’une fois les réserves de pétrole totalement épuisées. Il sera évidemment alors loin derrière nous ! La loi de l’offre et de la demande n’étant pas rétroactive, il est donc de facto impossible que le peak oil puisse influer sur les prix. Souvenons-nous des fluctuations violentes des prix du baril au cours de ces 40 dernières années et souvenons-nous de leurs causes. Le peak oil n’en est naturellement pas responsable.

  8. commandant P. dit :

    II - LA CRISE LONGUE

    La question des prix du pétrole est toutefois exemplaire quand on veut comprendre les mécanismes de l’inflation des matières premières. En 1973-1974, l’OPEP décida de réduire les volumes et de multiplier les prix par 4 afin de restaurer des profits menacés par une éventuelle déflation.
    Ce schéma, de type ciseaux prix / volume, est désormais classique en Occident. C’est même la marque qu’appose la Crise longue à un secteur d’activité, lorsqu’elle l’atteint.
    Si l’on prend l’exemple de la France, la crise de ciseaux commence par atteindre le secteur minier au tout début des années 1960. Puis ce fut le tour des textiles, des industries lourdes et du BTP (avant 1973). Vient alors la crise du pétrole, qui a ceci de particulier qu’il représente une part importante des coûts de production. Ainsi, la France « découvre » en 1973 une crise qui était déjà là depuis plus de 10 ans. Pourtant, ce qui arrive à la branche pétrolière est similaire à ce qui était arrivé dans les autres branches précédemment. D’abord des tensions déflationnistes pesant sur les prix et les profits ; puis, une restauration des profits via une baisse des volumes et une hausse conséquente des prix. Les oligopoles industriels ont ainsi été capables de contrecarrer l’inversion des ciseaux prix / volumes. Contrairement à la Grande Dépression de la fin du XIXème siècle, où malgré la déflation, la production avait continué d’augmenter et avait alors laminé la profitabilité, les entreprises ont cette fois anticipé une crise dont elles avaient déjà fait l’expérience. Le caractère oligopolistique ou monopolistique de ces branches a permis aux producteurs d’inverser la baisse des profits en court-circuitant une éventuelle déflation par une baisse anticipée des volumes.
    Après 1973, d’autres branches ont continué d’être touchées, dans l’agriculture comme dans l’industrie. Il serait fastidieux d’indiquer par le menu les dates d’entrée des différents secteurs de la production « physique » dans la crise. Au début du XXIème siècle, quel secteur connaît encore une réelle croissance des volumes ? Et la France n’est pas un cas particulier.
    La crise longue que les pays développés « découvrent » en 1973 les touche différemment selon leur structure de production. Plus un pays est spécialisé dans des branches qui entrent tôt dans la crise, plus il est tôt touché. Ainsi, les années 1970 seront fatales à des pays ou à des régions tels que : la France du Nord-Est, la Belgique francophone, la Manufacturing Belt américaine, le Royaume-Uni (1er pays touché dès les années 1960, ce qui explique la stagflation britannique dès 1960). En revanche, d’autres pays moins marqués par la Première Révolution industrielle et, par conséquent, spécialisés dans des secteurs entrés plus tardivement en crise, seront également plus tardivement touchés : Allemagne, Pays Scandinaves, Suisse, Croissant périphérique américain, Japon. Il semble même que les Dragons d’Asie soient à leur tour entrés dans cette crise à la fin du XXème siècle ; comme s’il existait un seuil de développement « critique » qu’ils auraient à leur tour atteint.
    Les pays en voie de développement, n’ayant naturellement pas atteint ce seuil critique, devinrent alors logiquement le réceptacle de capitaux que les « rendements décroissants » expulsaient des pays développés. C’est ce que les économistes ont alors commencé d’appeler : « Mondialisation ».

  9. commandant P. dit :

    III - INTERACTIONS CONJONCTURE LONGUE / CONJONCTURE COURTE

    La Crise longue, dans laquelle sont progressivement entrés les pays développés entre 1960 et 2000, procède d’une inversion totale de leurs dynamiques économique et spatiale. Les rendements sont devenus décroissants, via la baisse des volumes. En même temps, les flux spatiaux s’inversaient également avec la fin de l’exode rural et le début de la périurbanisation. Là où les « rendements croissants » avaient provoqué un phénomène millénaire d’agglomération des facteurs de production, les « rendements décroissants » produisent le contraire : une dynamique spatiale centrifuge à toutes les échelles. Les facteurs quittent les villes pour les campagnes périurbaines, les régions industrielles et urbaines (vieilles régions industrielles) pour les régions rurales (parfois appelées « Sunbelt » en vertu d’une théorie fantaisiste de l’héliotropisme), les centres pour les périphéries, les pays développés pour les pays en voie de développement.
    Les puissants mouvements de capitaux vers les NPI procèdent de cette logique. Le capital y trouve des rendements croissants qui lui sont désormais inaccessibles dans les pays développés. Par conséquent, ce que les économistes et les médias appellent curieusement « Mondialisation » n’est rien d’autres que le fruit de cette nouvelle dynamique centrifuge. La « Mondialisation » est donc une pure conséquence de la crise. Il s’agit d’une stratégie du capital pour restaurer ses profits, une stratégie spatiale. On sait que les mouvements spatiaux de facteurs sont sous-optimaux, car coûteux. Pour que le capital y trouve un moyen optimal de restaurer sa profitabilité, il fallait qu’il fût privé de toute autre solution dans le strict cadre des pays développés.
    Cependant, si la « Mondialisation » est donc une conséquence de la crise de « rendement décroissant » des pays développés, elle leur renvoie en feed back leurs propres déséquilibres.
    En soumettant à la même concurrence, volontairement dérégulée (afin que le mouvement des capitaux en fût facilité) des pays de niveaux de développement et de niveaux de salaire - à productivité équivalente - très différents, la « Mondialisation » a provoqué une augmentation du chômage dans les pays développés. Toutefois, le chômage « keynésien », généré par cette concurrence qui pèse sur les revenus des travailleurs des pays développés et qui ajuste les salaires mondiaux par le bas, est très différent du chômage « classique » qui y existait jusque là à cause de la Crise longue. Rappelons que le chômage « classique » est causé par des coûts salariaux trop élevés - conséquences des rendements décroissants [1] dans les pays développés - ; tandis que le chômage « keynésien » a au contraire pour cause des salaires trop bas - liés à la concurrence internationale. La « Mondialisation », en surimposant ce chômage « keynésien » à un chômage « classique » endémique préexistant dans les pays développés, les a privé de toute possibilité de lutter contre ce chômage. Une baisse des salaires entraînerait une augmentation du chômage « keynésien » proportionnelle à la baisse du chômage « classique » ; tandis qu’une hausse de ces salaires aurait un effet à la fois inverse (augmentation du chômage « classique » proportionnelle à la baisse du chômage « keynésien ») et strictement identique, le maintien d’un niveau de chômage inchangé. Ainsi, le taux de sous-emploi est de l’ordre de 20 à 25 % dans tous les pays développés ; y compris dans ceux qui prétendent avoir atteint le plein emploi avec 3 à 5 % de chômeurs officiels pour plus du double ou du triple de « chômeurs dissimulés » ; soit par une multiplication du temps partiel, soit par un taux de « handicap » démesuré (Royaume-Uni, Pays-Bas, Danemark). De toute façon, la « Mondialisation » prive les gouvernements de toute action efficace contre le chômage.
    Dès lors, malgré la croissance du commerce international qui tente de différer la surproduction en se défaussant sur les pays voisins (et en y exportant au passage son chômage et ses déséquilibres), celle-ci est à terme inévitable à l’échelle mondiale. La conséquence en est la déflation qui touche désormais la plupart des secteurs industriels [2].
    En outre, un flux croissant d’épargne, liée à l’explosion des inégalités, ne trouve nulle part d’investissement productif, à cause de la faiblesse de la demande mondiale. Cette épargne n’a donc d’autre choix que de se financiariser, alimentant de la sorte des déséquilibres dans ce secteur.
    La spéculation amplifie ou raccourcit le flot des transactions financières, provoquant tour à tour expansion et crunch monétaires [3]. Plus les inégalités croissent à cause de la « Mondialisation » et du déséquilibre profit / salaire, plus l’épargne financière augmente, plus les mouvements d’expansion et de ralentissement de ces flux financiers deviennent chaotiques.
    Ainsi vint la crise des subprimes qui fait suite à bien d’autres krachs boursiers ou immobiliers durant ces 40 dernières années ; à cette différence près que l’épargne financière n’a jamais été aussi élevée. Or, par « chance », il reste certains titres qui rapportent...
    Alors que la surproduction est plus qu’une menace, en particulier pour l’industrie, la baisse des volumes dans certains secteurs en crise depuis 40 ans dans les pays développés provoque paradoxalement des crises pénuriques dans ces secteurs. De la même manière que le chômage « classique » coexiste avec le chômage « keynésien », l’inflation des matières premières coexiste avec la déflation des produits finis. A chaque fois, c’est la logique des rendements croissants dans les pays sous-développés et les NPI qui s’entrechoque avec la logique inverse des rendements décroissants dans les pays développés (et les ex-pays communistes), à cause de la « Mondialisation ». Ainsi, la « hot money » (capitaux flottants de l’épargne financière) trouve son profit dans la faim des miséreux.

  10. commandant P. dit :

    CONCLUSION

    La crise courte inflationniste qui résulte en partie de la crise des subprimes est, en fin de compte, une conséquence à long terme de la Crise des pays développés. C’est la logique inverse de la dynamique économique dans une partie du monde et dans l’autre qui en est la cause. Dans les pays développés, où le capital tente de contrecarrer les rendements décroissants par une baisse des volumes, la conséquence ultime en est pénurie et inflation [4]. Dans les pays en voie de développement, les rendements croissants mêlés aux inégalités provoquent surproduction et déflation. La stratégie de fuite du capital des pays développés vers les pays sous-développés - en réponse à la crise longue des premiers - fait ainsi s’affronter deux logiques économiques strictement inverses. Aucune politique économique néo-classique n’est plus alors capable d’inverser ce processus.

    Thierry REBOUR

    [1] La baisse des volumes liée à la crise longue a ainsi logiquement provoqué du chômage « classique » dans les pays développés.

    [2] Ainsi est-il vain de croire régler la question du pouvoir d’achat par une baisse des prix, synonyme de surproduction.

    [3] Ralentissement brutal de la vitesse de circulation de la monnaie.

    [4] Pénurie et inflation sont de même nature : la pénurie est un ajustement par les quantités, l’inflation est la pénurie avec un système de prix.

  11. paul dit :

    @Commandant P

    Cà veut dire qu'on est dans une m**** noire?

  12. commandant P. dit :

    ça, c'est juste l'analyse économique, dans ces rapports géographiques
    (j'avoue que j'ai rarement eu une aussi bonne analyse de la "mondialisation")

    maintenant, il reste à se re-construire l'outil politique qui va bien, pour ce sortir de la m....

  13. commandant P. dit :

    un sociologue / politologue de mes amis, proposait récemment :
    "commencer par interdire les paradis fiscaux et supprimer le secret bancaire, partout, même sur Mars :"

  14. donimico dit :

    dans le même temps supprimer toutes les bourses mondiales et décider de renationaliser toutes les entreprises cotées en compensant financièrement au cout des actions après avoir parlé de renationalisation sauvage quelques jours avant (cout d'achat des actions = 0) mais cela fait dans les règles du capitalisme lol.
    décreter une valeur nulle à l'or.

    et voilà de quoi déclencher une 3eme guerre mondiale qui laissera dans 1000 ans la possibilité à la nature de se reconstruire...

    trèves de conneries... belle analyse

  15. JM dit :

    à ce sujet, souvenons nous avec émotion du silence de nos politiques sur la VRAIE affaire Clearstream, qui n'a rien à voir avec ce paravent que fut le duel Villepin/Sarkozy, la manière dont les media l'ont traitée, et le sort du courageux Denis Robert qui aurait mérité la légion d'honneur, LUI!
    pourri de haut en bas et de gauche à droite notre écosystème, le karscher est nécessaire, et ce n'est pas la banlieue 93 qu'il devra viser!

  16. 4 Août dit :

    @ JM

    Vaste programme qui récolterait certainement plus de 53% des suffrages.
    Mais qui en aura les c******s ?

    Sinon ce matin, le FUTURE CAC40 est à -8,78%. Ca sent les 3500 pts !
    Une bonne purge...

  17. DiGeo dit :

    Jennifer vous avez transformé le bonhomme soyez-en remerciée.

    Vous avez déclaré:"J’ai l’impression qu’on retourne avec Crusoé dans son île, avec ou sans caresses, cher JM désinhibé"

    C'est vrai qu'il parait moins complexé, refoulé. On peut même penser que çà en est fini pour ce qui est de ses pollutions nocturnes!
    Cependant il demeure fragile, ces idées fixes sont toujours là comme en témoigne la phrase déguisée suivante qu'il produit dans un de ses post:"Viva la conneria della gaucha gaucharda! Viva el pecore! Viva la lobotomisazion!"
    C'est vrai qu'il est toujours envahi par l'idée du "gauchard lobotomisé".
    Ne le lachez pas vous allez en faire un homme.


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