20mar 05

Alors que les mouvements lycéens et enseignants s’amplifiaient pour obtenir le retrait de la loi



Fillon, le gouvernement n’a su y répondre qu’en déclarant l’urgence dans la discussion de ce projet au Parlement. En bâclant ainsi le débat devant la représentation nationale, le gouvernement tentait d’étouffer le rejet de plus en plus large de sa politique d’éducation dans le pays. Une mobilisation relayée vigoureusement par le groupe socialiste du Sénat qui a bataillé jours et nuits du 15 au 19 mars pour tenter d’infléchir ce projet de loi. Une bataille dans laquelle j’ai pris toute ma place en intervenant dans la discussion générale et en défendant de nombreux amendements destinés à garantir et à développer le service public d’éducation.



Vous trouverez ci-après :

  1. mon intervention dans la discussion générale de la loi Fillon

  2. les principaux amendements que j’ai défendus sur des thèmes variés : formation tout au long de la vie, missions de service public des ATOSS et CPE, socle commun de connaissances, droit d’éducation à l’orientation,, a
    ccès à l’école dès 2 ans, pérennisation des TPE en lycée et des PPCP en lycée professionnel, label national du lycée des métiers, fluidité des parcours dans la voie des métiers …

  3. mon intervention finale sur le rapport de politique éducative annexé à la loi Fillon


Intervention dans la discussion générale – 15 mars 2005

« La République
éducative a fait réussir la France

Dans notre pays, école et République vont ensemble depuis la grande Révolution de 1789 et Condorcet. Les Français ont la passion de l’égalité, et c’est à l’école qu’ils confient le plus souvent la réalisation de cette passion. Toutefois, égalité ne signifie pas nivellement, mais plutôt égalité des droits et des opportunités en proportion des efforts, du mérite et du talent. Il ne faut pas chercher d’autre explication au mouvement actuel de la jeunesse lycéenne, puisqu’il semble parfois que vous ayez du mal, monsieur le ministre, à en saisir le sens.

Alors, bien sûr, nous le savons, l’école ne peut annuler les inégalités que la société reproduit et creuse sans cesse. Je trouverais d’ailleurs vain et désespérant de le lui demander. Il n’empêche que l’exigence égalitaire a été et reste féconde pour les Français. Elle nous a imposé d’agir en partant de l’idée que chaque jeune est éducable, que chaque jeune est capable du meilleur et que la société tout entière trouve son compte dans le perfectionnement humain de chacun.

Nous avons largement réussi en empruntant cette voie, que d’autres pays n’ont pas choisie : la République éducative a fait réussir la France, la place des Français dans les domaines d’excellence technique et culturelle en atteste. C’est le résultat concret des travaux de notre école. Si nous avons l’une des économies les plus productives du monde, si nous sommes en tête dans tant de domaines techniques, scientifiques, culturels, c’est grâce à notre école. Ne le perdons jamais de vue !

Ne pas céder au dénigrement infondé du service public

Dès lors, comment comprendre que les premiers mots de l’exposé des motifs du projet de loi que vous nous soumettez dénigrent cette performance ? Et comment comprendre, mes chers collègues, que tant d’entre vous commencent par une sorte de constat désespérant qui, selon moi, n’a pas de raison d’être ? Pourquoi dire que le budget de l’éducation ne cesse d’augmenter depuis des années, ce qui est vrai, sans amélioration des résultats concrets, ce qui est faux ?

En 1989, la loi d’orientation de Lionel Jospin a permis une élévation extraordinaire du niveau d’éducation des Français. La part d’une classe d’âge accédant au niveau du baccalauréat n’a-t-elle pas doublé en dix ans ? (Exclamations sur les travées de l’UMP et de l’UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.) De 1985 à 1995, elle est passée de 35 % à 69 % ! Le précédent doublement avait nécessité quatre-vingts années d’efforts ! C’est donc bien que les moyens qui ont été mis en oeuvre ont rencontré le succès. Le plus remarquable, depuis 1989, ce sont les résultats considérables atteints dans la professionnalisation durable des jeunes et dans l’élévation du niveau de qualification de ceux qui sortent du système éducatif. Le nombre de bacheliers professionnels n’a-t-il quadruplé ? Le nombre de titulaires de diplômes universitaires technologiques et de brevets de technicien supérieur n’a-t-il pas doublé ? Celui des titulaires de diplômes supérieurs d’études spécialisées n’a-t-il pas triplé ? Quant à la licence professionnelle, que nous avons créée il y a quatre ans, n’enregistre-t-elle pas les résultats en expansion vigoureuse que vous connaissez tous ?

Il y a eu une pause dans le progrès, certes, mais il n’y a pas eu de régression. Pourtant, les années que vous mentionnez comme des années de pause ont également été les années les plus dures, socialement, à maints égards. C’est en effet l’époque à laquelle nous avons à la fois connu un recul démographique et une augmentation du nombre des primo immigrants. Ce sont les années fric, les années strass et paillettes au cours desquelles on a laissé croire à la jeunesse que tout pouvait s’acquérir sans effort. Eh bien, pendant ce temps-là, nous n’avons pas régressé, nous avons continué à maintenir notre niveau de performance. Enfin, on ne le dit jamais assez, le nombre des élèves qui sortent du système scolaire sans qualification n’a-t-il pas été réduit de plus de 35 % depuis 1989 ?

Certes, l’objectif de 100 % de qualifiés n’est pas encore atteint. Mais citez-moi un seul système éducatif dans le monde qui soit parvenu à 100 % de réussite ! Citez-en un seul qui, pour une population scolaire équivalente à la nôtre, soit parvenu à la capacité de notre système pour qualifier sa jeunesse.

Ne pas laisser prise à la marchandisation de l’éducation

Au total, si nous pouvons penser atteindre notre but, c’est grâce à l’outil éducatif qui nous a déjà permis d’acquérir ces résultats et non en dépit de lui.

Certes, le dénigrement peut être une politique. Je ne vous fais pas de procès d’intention à cet égard, monsieur le ministre : nous verrons bien si c’est la vôtre. Notre crainte est qu’il se passe à propos de l’école ce qui s’est déjà passé avec tant de nos services collectifs. Le dénigrement a en effet préparé les esprits à la fatalité d’un recours élargi aux services marchands.

Nous ne pouvons ignorer la pression qui s’exerce dans ce sens concernant l’éducation à l’échelon international à la lecture des documents publiés par la Banque mondiale, par l’OCDE et par le Fonds monétaire international. Nous pouvons encore moins l’ignorer si l’on tient compte des analyses des investisseurs financiers qui pointent les 1 400 milliards de dépenses annuelles consenties par les Etats, dans les pays avancés, en faveur de l’éducation. Ceux-là veulent de toutes leurs forces qu’un système par capitalisation, baptisé « responsabilisation individuelle », vienne prendre la place de l’actuel système de financement par répartition, d’une génération sur l’autre, tel qu’il fonctionne à présent.

On connaît exactement les moyens prescrits pour passer de l’un à l’autre de ces systèmes : ils figurent en toutes lettres dans les recommandations des organismes que j’ai cités.

Pour formater un marché des savoirs, il faut d’abord autonomiser toujours plus les établissements scolaires de tous niveaux, notamment sur le plan financier. Il faut ensuite les mettre en compétition en étalonnant leurs résultats. Il faut, enfin et surtout, cantonner les obligations de l’Etat aux seuls âges de la scolarité obligatoire.

A l’aune de ce programme, votre projet de loi est politiquement correct. Je ne suis donc pas étonné que ce soit sur les voies technologiques et professionnelles que se concentre, selon moi, le non-dit le plus flagrant du texte en débat. Ce sont, en effet, les premiers savoirs que le secteur marchand vise.

Garantir l’avenir du service public d’accès aux qualifications


A la rencontre avec de jeunes lycéennes professionnelles

A la rencontre avec de jeunes lycéennes professionnelles

L’acquisition de qualifications professionnelles est la condition sine qua non de l’accès au travail, car le niveau des pré-requis techniques et culturels de chaque métier ne cesse de s’élever et le nombre d’activités qui tendent à devenir des métiers, notamment dans l’aide à la personne, ne cesse de s’étendre. Nul ne peut s’en passer et, de fait, ce sont ces formations que le secteur marchand a déjà commencé à investir de toutes les façons possibles.

Actuellement, le secteur public de l’éducation assure la transmission gratuite de ces qualifications. Elles sont certifiées par l’Etat et reconnues dans les conventions collectives, qui leur font correspondre des niveaux de salaire. On comprend donc l’enjeu !

Si l’on juge ce texte d’après les actes que vous avez posés, on peut alors franchement se demander si vous n’êtes pas en train d’abandonner ce secteur du service public. Vous nous direz tout à l’heure ce qu’il en est vraiment de vos intentions…

Ce qui se passe dans l’enseignement professionnel secondaire est parlant. Même si elle est insuffisante, la demande des jeunes en la matière ne cesse d’augmenter. Les inscriptions en lycée professionnel sont en forte hausse, à rebours de la tendance générale de tout le second degré. Au total, les effectifs de jeunes inscrits dans l’enseignement professionnel dépassent aujourd’hui les 710 000 élèves, soit le niveau le plus élevé depuis 1995.

Pourtant, les moyens publics ne cessent de reculer depuis 2002 et plus de 2 000 emplois de professeurs des lycées professionnels sont supprimés dans les budgets de 2004 et de 2005. La situation s’aggravera avec la chute de 40 % des recrutements de professeurs des lycées professionnels constatée en 2004.

Dans le même temps, vous annoncez que votre loi facilitera la mise en oeuvre du plan Borloo en faveur de l’apprentissage. Or ce plan se propose de ponctionner vers cette voie 150 000 jeunes actuellement scolarisés sous statut scolaire, puisque la classe d’âge est en recul et que l’on veut passer de 350 000 apprentis à 500 000 apprentis.

Les impasses du projet de loi

Ce bilan à grands traits éclaire les impasses que fait le projet de loi sur des questions clefs. Rien n’est dit sur les moyens mis en oeuvre pour augmenter la proportion de bacheliers professionnels parmi les jeunes qui parviennent au niveau du brevet d’études professionnelles mais qui sortent du système pour 50 % d’entre eux.

Rien n’est dit sur la rétribution des périodes en alternance ni, d’une façon générale, sur l’allocation d’études qui est indispensable pour ces jeunes : ce sont eux qui ont le plus besoin de cette aide pour continuer à étudier quand parfois 100 % d’une section d’enseignement professionnel travaille le soir et le week-end pour payer ses études ou pour faire vivre son couple et ses enfants, situation que nombre d’entre vous, élus locaux, connaissez parfaitement bien.

Rien n’est dit sur les moyens à mettre en oeuvre pour rendre réellement possible la transition du bac professionnel vers les classes de l’enseignement supérieur en section de technicien supérieur ou en institut universitaire de technologie, où l’on manque de monde. Je parle ici des moyens pédagogiques de préparation intellectuelle et des moyens matériels de la vie des jeunes.

Rien n’est dit sur le logement des jeunes, qui est pourtant la question clef de la mobilité vers les établissements scolaires professionnalisant, situation qui est ô combien soulignée par les suppressions massives de sections auxquelles vous avez procédé.

Rien n’est dit non plus sur la création de diplômes professionnels européens. Je ne parle pas du licence-master-doctorat, le LMD, qui n’a rien à voir ici sauf à constater la déstructuration des niveaux de qualification délivrés dans l’enseignement supérieur qu’il provoque et dont il ne sera pourtant pas question alors qu’il y a urgence. Pourtant, le gouvernement de Lionel Jospin avait montré la faisabilité de tels diplômes européens. Pourquoi votre prédécesseur a-t-il abandonné tout cela au ministère du travail et consenti à ce qu’il en soit de même au niveau européen alors que le ministère de l’éducation nationale français en avait pris l’initiative et avait réussi à créer par ce moyen deux diplômes européens ? Pourquoi n’en dites-vous rien vous-même, monsieur le ministre, vous qui avez déjà dit à plusieurs reprises votre intérêt pour ces questions ?

Pourquoi votre projet de loi n’évoque-t-il pas, même de manière allusive pour que l’on puisse s’y référer, la place des commissions professionnelles consultatives ? Elles sont cruciales dans notre système de certification. : ce sont elles qui fixent le contenu des diplômes professionnels. Pourquoi ne rien dire des moyens de leur modernisation ?

Pourquoi n’y a-t-il ni bilan ni projet concernant le grand répertoire national des diplômes auquel est dorénavant confiée la reconnaissance des certifications dans notre pays et dont la plupart de nos concitoyens ignorent jusqu’à l’existence ?

Pourquoi ne dites-vous rien du regroupement nécessaire sous une même autorité politique des établissements d’enseignement professionnel, aujourd’hui répartis entre divers ministères tels que ceux de l’agriculture, des transports, ou encore entre écoles professionnelles de diverses obédiences ministérielles dont la dispersion et le cloisonnement constituent à la fois un gâchis de moyens et une perte considérable d’opportunités, de transferts de savoir-faire professionnels et de techniques pédagogiques ?

La nécessité d’une laïcité étendue à l’école

Enfin, pourquoi, dans ce moment de sensibilité si grande à l’exigence laïque, ne dit-on rien de la nécessité d’une laïcité étendue à la protection de l’espace scolaire contre l’intrusion des marques, des logos et des sponsors, ces machines à abrutir et à conditionner l’esprit ? La laïcité n’est pas oeuvre antireligieuse, elle est oeuvre de liberté de l’esprit, de liberté de la conscience, quelles que soient les formes de conditionnement qui s’y opposent.

La liste pourrait être longue de tout ce qui est décisif et qui se trouve abandonné à je ne sais quelle main invisible du marché et de la technocratie réunis, tandis que tant de détails de niveau réglementaire vont encombrer notre discussion. Pourtant, l’enjeu de la place du service public de l’éducation se joue sur ces questions, dont je conviens qu’elles sont certes très techniques… mais tellement politiques ! C’est la véritable question qui est posée au moment où l’Organisation mondiale du commerce, l’OMC, se positionne progressivement, avec l’Accord général sur le commerce des services, l’AGCS, pour « marchandiser » le secteur éducatif.

La loi de 1989 de Lionel Jospin avait une large ambition pour le service public de l’éducation. Elle englobait tous les aspects du parcours éducatif et qualifiant, et c’est, à mon avis, de cette manière qu’il faut travailler. Elle nous a permis de relever victorieusement les défis des années quatre-vingt-dix, les résultats globaux de notre économie en attestent. Sa dynamique n’est pas épuisée.

Vous, membres de la majorité, qui êtes confrontés au défi du creux démographique et des départs en retraite massifs, que proposez-vous afin de permettre le bond en avant des qualifications que cette situation impose ? C’est à croire que vous cherchez plutôt à organiser la pénurie de personnels hautement qualifiés dont nous avons besoin. Il est vrai qu’alors le recours – mathématiquement nécessaire – à l’importation de main-d’oeuvre, selon le modèle anglo-saxon, s’imposerait. Vos amis libéraux pourront alors prétendre que la directive Bolkestein est un atout !

Non, décidément, on ne peut pas parler d’école sans parler de modèle de société ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.) »



Discussion des amendements : une bataille pour défendre le service public

Garantir la place du service public dans la formation tout au long de la vie

Le groupe socialiste a défendu un amendement visant à clarifier et à concrétiser le droit à la formation tout au long de la vie, de manière notamment à ce qu’il ne soit pas détourné pour faire régresser le niveau de formation initiale de notre pays. Une mise en garde restée sans succès du côté du gouvernement qui a fait rejeter l’amendement.

Mon explication de vote en séance ? 16 mars 2005

« [?]Au sein du conseil des ministres de l’éducation de l’Union européenne – même si ce sujet n’est pas de compétence communautaire – des discussions ont lieu sur la place de la formation tout au long de la vie dans le fonctionnement global des systèmes d’enseignement public des différents États.

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous confirmer que vous partagez l’attachement des Français à l’idée que la formation tout au long de la vie n’est pas un substitut à la formation initiale ? En effet, dans les arènes internationales, la tentation est forte de penser que les États devraient se contenter de fournir une scolarité obligatoire avec une formation initiale.

Ensuite, il appartiendrait à chacun de se débrouiller. Dans cette logique, on dirait aux jeunes qu’ils peuvent sortir du système scolaire, que, de toute façon, ils pourront se rattraper soit par la validation des acquis de l’expérience, soit par la formation tout au long de la vie. Ce n’est pas du tout la conception que les Français, sous quelque gouvernement que ce soit d’ailleurs, ont défendue jusqu’à présent. Une modification de notre système scolaire ne ferait pas l’affaire de notre économie nationale, qui a besoin d’une main-d’oeuvre disposant d’une formation de haut niveau.

Nos amendements visent donc à réaffirmer que la formation tout au long de la vie s’insère dans un dispositif global dans lequel d’ailleurs nous, Français, marquons des points. En effet, les jeunes qui sortent de notre système scolaire sont « professionnalisés », si je puis dire, d’une manière beaucoup plus durable que ceux des autres pays européens, dans lesquels la première insertion professionnelle est souvent réussie alors que la suivante est un échec total. Cela tient au fait que la formation générale, les bases qui permettent le développement de l’intelligence technique, manuelle et culturelle ne leur ont pas été données. »

Empêcher le désengagement public des missions de service et de vie scolaire

A mon initiative, le groupe socialiste a défendu un amendement visant à garantir toute la place dans le service public de nombreuses activités menacées notamment par la décentralisation. Là aussi en vain.

Présentation de l’amendement en séance ? 16 mars 2005

« Notre amendement permet de rappeler la contribution décisive des activités d’entretien, d’accueil, de service et d’administration, ainsi que des services d’information et d’orientation, des services sociaux et de santé et des services de vie scolaire et universitaire dans le service public d’éducation.

A l’heure où de nouveaux transferts de compétences aux collectivités territoriales font craindre la dégradation ou la disparition de certains de ces services en raison d’un manque de moyens et de certaines inégalités entre les territoires et leurs revenus, cet amendement vise à rappeler que l’Etat doit rester le garant de l’égalité devant le service public dans l’ensemble des établissements d’enseignement. »

Elargir le socle commun des connaissances

Présentée comme la mesure phare du projet Fillon, la définition d’un socle commun de connaissances à l’issue de la scolarité obligatoire a suscité de très vifs débats. Face au refus obstiné du ministre d’élargir le contenu de ce socle, la bataille menée par les groupes socialiste et communiste a permis de profiter de la faible présence de la majorité de droite dans l’hémicycle pour arriver à modifier le texte. Un vote pourtant contesté immédiatement par le Ministre qui, après avoir battu le rappel de sa majorité, réussit à faire réintroduire sa définition initiale, au mépris de toutes les règles de la discussion parlementaire. De quoi nourrir une saisine du Conseil constitutionnel par le groupe socialiste à l’issue de la discussion.

Intervention sur le socle commun ? 17 mars 2005

« Il n’y a pas, dans notre conception de l’école, d’opposition à l’idée de la définition d’un socle commun. Ce n’est pas le sujet. Au contraire, il est extrêmement important que ce socle commun soit défini. J’ai eu l’occasion de remarquer que tout le monde en parlait comme s’il était évident, mais que personne n’était capable de me dire en quoi il consistait !

Par conséquent, il faut le définir et nous sommes dans notre rôle quand nous disons ce que nous souhaitons y voir figurer.

Mais si les questions du développement humain de l’élève, sous l’angle des apprentissages fondamentaux et élémentaires, dans les matières culturelle et physique, vous paraissent superfétatoires, c’est que nous ne nous comprenons pas, car je suis sûr que vous ne le pensez pas. En effet, cette mentalité, je l’ai connue en d’autres lieux que cet hémicycle, où des rustres prétendaient que l’on n’avait pas besoin d’acquérir des savoirs culturels, et même d’ordre juridique, civique et social – je pense à l’EJCS -, inutiles pour la qualification professionnelle et venant encombrer les enseignements professionnels. Bien au contraire, nous avons fait la démonstration que l’apprentissage culturel au niveau le plus élevé contribuait directement, d’abord, à, l’élévation du niveau de conscience et de formation des travailleurs et, ensuite, à l’accroissement de leurs capacités d’autonomie.

Il s’agit donc non pas d’un domaine accessoire, à côté des apprentissages fondamentaux, mais bien de l’oeuvre éducative elle-même. [?]

A cet égard, monsieur le ministre, je suis étonné de la véhémence avec laquelle vous rejetez l’amendement. Dès lors, que faut-il en déduire? Etes-vous plus attaché à votre définition du socle commun ou à l’idée qu’il en existe simplement un ? Telle est la question !

Dans un cas, nous ferions avancer, en commun, l’idée que nous nous faisons de l’école ; dans l’autre, nous subissons simplement une lubie idéologique. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) »

Garantir un vrai droit d’éducation à l’orientation

Avec le soutien du groupe socialiste, j’ai proposé d’inscrire dans la loi l’obligation pour l’institution scolaire de garantir un véritable droit à l’éducation à l’orientation, en généralisant l’expérience d’un entretien d’étape pour tous les jeunes de 15 ans. Un amendement repris partiellement par le Sénat qui a préféré rendre ce dispositif facultatif plutôt que de créer une vraie obligation d’accompagnement du jeune en matière d’orientation.

Présentation de l’amendement en séance ? 17 mars 2005

« Il s’agit d’un amendement dont le dispositif a, en fait, déjà été expérimenté. Je le dis pour M. le ministre, dans l’hypothèse où il l’ignorerait, ce qui m’étonnerait.

On fait souvent le constat que les parcours scolaires sont assez illisibles. Les jeunes ne savent pas de quel côté se diriger à mesure qu’ils avancent dans ce parcours, et c’est plus particulièrement vrai selon le milieu social.

Le terme de l’obligation scolaire est fixé à seize ans, et nous considérons que c’est une obligation républicaine que de scolariser gratuitement nos enfants jusqu’à cet âge. Cependant, nous savons que nous avons des enfants de plus de quinze ans en classe de quatrième – ils sont même 20 000 par an – et nous savons aussi qu’il est opportun de donner la possibilité à ces élèves de savoir quoi faire de leur avenir, un an avant qu’ils atteignent le terme de la scolarité obligatoire et donc avant d’avoir pu bénéficier le cas échéant des paliers d’orientation en troisième et en seconde.

C’est pourquoi je propose avec le groupe socialiste que soit organisé un entretien d’étape avec chaque jeune, quelle que soit la section, quelle que soit la voie d’enseignement dans laquelle il se trouve à l’âge de quinze ans.

Au cours de l’année scolaire 2000-2001, cinq académies de notre pays ont testé ce dispositif ; puis, au cours de l’année scolaire suivante, 2001-2002, la moitié des académies l’ont à leur tour testé. Partout où cette mesure était appliquée, aussi bien les enseignants que les responsables des établissements scolaires ont constaté un mieux-être des jeunes et un mieux vivre dans les établissements.

Enfin, pour les jeunes, ce fut souvent l’occasion d’une véritable rencontre avec eux-mêmes, d’une véritable révélation, un moment d’éclaircissement de leurs ambitions dans la vie, avec des mots qui, moi, m’ont beaucoup ému. Je me souviens d’une inspection que j’ai faite sur le terrain, dans l’académie de Marseille, et de ces jeunes – je pense en particulier à ceux d’un collège du quartier Nord – reconnaissant qu’ils avaient osé dire pour la première fois que leur ambition était dans l’avenir d’être juges et que, pour la première fois, ils avaient l’impression que, loin de se moquer d’eux, on leur disait au contraire comment faire pour bien faire.

Monsieur le ministre, le dispositif peut être appliqué dans la mesure où il est prouvé qu’il est efficace. Après, évidemment, c’est peut-être une affaire de moyens, mais je fais observer que la commission – et je considère que c’est un point positif dont je peux me réclamer – a renvoyé la décision à la sagesse du Sénat lorsque nous avons débattu de cet amendement. »

A l’issue de cette discussion, l’amendement finalement adopté par le Sénat crée un nouvel article dans le code de l’Education :

« Dans l’année scolaire où l’élève atteint l’âge de 15 ans, un entretien d’étape peut lui être proposé afin de faire le point sur sa situation scolaire et personnelle, d’examiner les conditions de poursuite de sa scolarité et de réfléchir à son projet professionnel. »


Garantir le droit d’accès à l’école maternelle dès 2 ans

Alors que les possibilités d’accueil des enfants dès 2 ans dans les écoles publiques ne cessent de décliner, y compris en zones défavorisées, le groupe socialiste a tenté d’introduire dans la loi des garanties pour mieux assurer cet accueil dès 2 ans. Une demande rejetée par le gouvernement.

Défense de l’amendement en séance -18 mars 2005

« Sur ces sujets, nous devons nous référer aux connaissances issues des travaux scientifiques. Or ces derniers indiquent qu’il n’y a pas de mode évident de prise en charge de la très jeune enfance. L’histoire comme l’anthropologie sociale nous montrent que tous les modes ont été expérimentés par l’espèce humaine : la prise en charge par la seule mère, par la famille, selon des acceptions variées du terme, par un groupe plus élargi, etc. Aucune règle en la matière ne s’impose du fait d’un mythique « état de nature », et cela vaut d’ailleurs pour pratiquement tous les aspects de la condition humaine.

Dans certains cas, la prise en charge des petits enfants par la famille se révélera très positive, très épanouissante, alors que dans d’autres elle produira des résultats totalement lamentables.

Dès lors, la réalité commande de considérer que, chaque fois que les parents le demandent, ils doivent pouvoir trouver le service public de l’école maternelle : c’est cela le moyen terme entre l’obligation pour tous et l’absence totale de structure publique.

Il convient là de mettre cette discussion en relation avec d’autres réalités. En effet, si l’école maternelle est en France si performante et si développée, c’est aussi parce que notre pays est exceptionnel à un autre titre, parce qu’il détient, en Europe, le record du travail féminin. Les Françaises et les Français considèrent en effet que l’autonomie personnelle passe par cette autonomie professionnelle. Dès lors, la question est de savoir où vont les enfants lorsque leur père et leur mère travaillent tous les deux. La réponse de ceux qui, comme nous, croient à la vertu de l’école publique, c’est que mieux vaut qu’ils aillent à l’école ! »

Pérenniser les TPE et PPCP

Menacés par des réductions drastiques de moyens les Travaux personnels encadrés et les Projets pluridisciplinaires à caractère professionnel ont fait l’objet de plusieurs amendements du groupe socialiste, tous rejetés par une majorité UMP peu sensible à la pérennisation de ces dispositifs. L’occasion pour moi de rappeler l’immense profit pédagogique qui peut être tirer de ces méthodes innovantes en particulier dans l’acquisition des qualifications dans l’enseignement professionnel.

Défense de l’amendement en séance ? 18 mars 2005


Un exemple de PPCP :

Un exemple de PPCP : « Le mur de Babel » au LP Torcy

« Cet amendement vise à insérer un article qui institutionnaliserait les TPE et les PPCP.

La plupart d’entre vous savent ce que sont des TPE, des travaux personnels encadrés, mais la plupart d’entre vous ne savent pas ce que sont les PPCP. Ce sont des projets pluridisciplinaires à caractère professionnel. Cette technique pédagogique consiste à croiser les enseignements de matières générales avec les enseignements techniques en vue de la production d’un objet qui concentrera dans sa préparation des savoirs généraux et techniques à caractère professionnel, c’est-à-dire un « objet » en relation avec le métier qui est préparé.

Cela constitue certainement l’une des avancées pédagogiques les plus importantes réalisées dans l’enseignement secondaire au cours des dix dernières années puisqu’elle a été mise en place à partir de l’année 2000 et que, progressivement, un nombre croissant d’enseignants ont perfectionné cette technique.

Ces projets pluridisciplinaires à caractère professionnel bénéficient d’un volume d’heures pour les classes de terminales de BEP et pour les classes de terminales de baccalauréat professionnel. Il avait été convenu qu’un volant d’heures serait également libéré pour que les enseignants puissent les préparer, car il est d’extrêmement délicat de les mettre au point.

Avec cette méthode, sur le plan philosophique, pour ceux qui sont intéressés par les sciences de l’éducation, il est admirable de voir comment on peut tirer du concret, de la coutume parfois même, un processus intellectuel qui conduit jusqu’à la règle générale et universelle. L’on voit bien tout l’intérêt que cela représente pour la pédagogie inductive, qui est pratiquée dans l’enseignement professionnel, au lieu de la pédagogie hypothéticodéductive, qui, elle, est appliquée dans l’enseignement général.

Car, pour faire simple, dans l’enseignement professionnel on part du concret pour aller à l’abstrait alors que dans l’enseignement général on part de l’abstrait et on y reste. (Sourires. – Mme Dominique Voynet applaudit.) C’est une façon de faire qui convient à certains mais pas à d’autres. Cela étant, la méthode inductive a la faveur des matérialistes, dans la mesure où elle renvoie à la tradition des Lumières.

En ce qui concerne les PPCP, il est arrivé que, avec beaucoup de désinvolture, un certain nombre d’ignorants considèrent que, de toute façon, tout contact avec la réalité est un abaissement de l’esprit. Ceux-là n’ont jamais examiné de près un PPCP ! Par ailleurs, d’autres ont jugé que les PPCP ne présentent aucun intérêt, puisqu’ils ne concernent que les lycéens de l’enseignement professionnel. Nous avons donc rencontré, au fil de l’histoire récente, deux sortes d’ennemis de cette technique pédagogique. Dans ces conditions, quelques contractions budgétaires peuvent suffire à provoquer la disparition subite du champ pédagogique de tout un travail. Mon amendement vise donc à mettre les PPCP à l’abri de ce genre d’aléa. »

Garantir un label national pour les lycées des métiers

Laissé à l’abandon par le gouvernement, la labellisation des lycées des métiers avait perdu son caractère national et exigeant suite à l’abrogation en 2003 de la circulaire prise en 2001 par le ministère de l’enseignement professionnel. Une situation qui a conduit à une utilisation confuse du terme de « lycée des métiers », au gré des politiques régionales et académiques. De quoi justifier la réaffirmation de la valeur nationale de ce label dans la loi. Une demande approuvée à l’unanimité du Sénat bien qu’elle soit en partie contradictoire avec la politique ministérielle de laissez aller en matière d’enseignement professionnel.

Intervention en séance ? 18 mars 2005

« Cet amendement vise la façon dont sera délivré le label « lycée des métiers ». Un établissement à qui ce label est attribué enseigne un ensemble cohérent de métiers. Je ne parle pas pour le moment de la façon dont cette cohérence est évaluée, c’est un autre sujet.

A l’intérieur de cet ensemble de métiers, tous les niveaux de formation, du CAP jusqu’au BTS, sont représentés. Le premier résultat obtenu est une lisibilité du parcours des apprentissages d’un métier. En outre, les enseignements rassemblés sont dispensés en formation initiale sous statut scolaire, mais également dans les CFA publics, les centres de formation continue et les centres de validation des acquis de l’expérience.

Pourquoi vouloir faire attribuer le label par l’Etat ? Il existe au moins une raison : la carte des formations, qui est essentielle, est une compétence partagée par l’Etat et les régions. Mais l’Etat ne doit pas simplement servir de témoin des décisions qui sont prises ou de caisse enregistreuse. Il doit être partenaire. C’est en effet lui le dépositaire de l’intérêt national. Or, dans une carte de formation, l’intérêt national joue pleinement. Par conséquent, si c’est l’Etat qui labellise, il entretient une relation contractuelle plus forte avec les régions. Le dialogue est alors beaucoup plus riche.

Pour cela, il faut naturellement que la règle du jeu soit respectée, c’est-à-dire que le lycée des métiers ne serve pas de prétexte à la fermeture d’établissements – parce qu’il n’y aurait pas de cohérence autour d’un métier – ou pour faire des lycées des métiers au rabais.

Il est donc extrêmement important que le label soit établi, qu’il donne lieu à une norme et que celle-ci soit publiée. La liste des établissements ayant obtenu le label « lycée des métiers » doit également être publiée chaque année afin de pouvoir juger de la façon dont celui-ci aura été accordé. C’est à ce prix que l’on aura une véritable gestion démocratique des cartes de formation.

Je fais remarquer qu’il y a deux ou trois ans, et jusqu’à l’année dernière encore, on publiait la liste des lycées des métiers. On ne le fait plus. De surcroît, la circulaire qui établissait ces normes est devenue beaucoup plus « légère » en exigence qualitative.

En faisant figurer le label dans la loi, on lui donnera toute sa force, toute sa valeur. Du coup, l’exigence démocratique du contrôle de la liste, des normes et des conditions dans lesquelles ce label sera attribué fera partie de la capacité de l’Etat et de la représentation nationale à mesurer le travail accompli. »

A l’issue de cette discussion, l’amendement adopté par le Sénat crée un nouvel article dans le code de l’Education :

« Un label de « lycée des métiers » peut être délivré par l’Etat aux établissements d’enseignement qui remplissent des critères définis par un cahier des charges national. Ces établissements comportent notamment des formations technologiques et professionnelles dont l’identité est construite autour d’un ensemble cohérent de métiers. Les enseignements y sont dispensés en formation initiale sous statut scolaire, en apprentissage et en formation continue. Ils préparent une gamme étendue de diplômes et titres nationaux allant du certificat d’aptitude professionnelle aux diplômes d’enseignement supérieur. Ces établissements offrent également des services de validation des acquis de l’expérience.

Les autres caractéristiques de ce cahier des charges, ainsi que la procédure et la durée de délivrance du label de « lycée des métiers » sont définies par décret. La liste des établissements ayant obtenu le label est régulièrement publiée par arrêté du ministre chargé de l’éducation nationale.
»

Assurer la fluidité de la voie des métiers du CAP à l’enseignement supérieur

L’élévation constante du niveau de formation des jeunes, exigence à la fois économique et civique, suppose de développer la voie professionnelle jusqu’au niveau de l’enseignement supérieur. Dommage que cet objectif décisif pour donner toute sa place à la voie professionnelle dans le système éducatif ait là aussi été refusé par le gouvernement et sa majorité.

Défense de l’amendement en séance ? 18 mars 2005

« Cet amendement vise à améliorer la fluidité de la voie technologique et – essentiellement – de la voie professionnelle. Je n’approuve pas la définition du baccalauréat professionnel dans la rédaction actuelle du rapport annexé. Après le baccalauréat général, tous les élèves doivent aller dans l’enseignement supérieur : c’est écrit. Le baccalauréat technologique prépare ceux qui souhaitent à aller dans l’enseignement supérieur technologique, alors que nous savons tous que les élèves ne passent pas de l’un à l’autre, et notamment de la voie technologique aux IUT. Le baccalauréat professionnel aurait, lui, vocation à faire entrer les jeunes directement dans la vie active.

Je ne suis pas d’accord avec cette idée : le baccalauréat professionnel doit être une qualification acquise après laquelle le cursus peut se poursuivre naturellement.

Mon souhait, et celui de mes amis socialistes, serait qu’à chaque palier d’études corresponde une qualification reconnue. En effet, ces dernières sont reconnues dans les conventions collectives : une qualification égale un niveau de salaire et une certaine reconnaissance sociale.

Vous le savez bien : le bac professionnel représente une certaine élite dans le monde des élèves des filières professionnelles. Ce sont les meilleurs qui le préparent et leur niveau vaut largement celui d’autres bacheliers, je vous prie de le croire, y compris dans les matières générales, par leur capacité à comprendre, à abstraire et à théoriser.

Nous devons donner à ces bacheliers professionnels la possibilité, s’ils le souhaitent, de passer dans le supérieur.

Pour cela, il faut une période de transition. Dans le passé, on m’a objecté que si on ouvrait des classes préparatoires après les baccalauréats professionnels, il faudrait alors en ouvrir pour toutes les autres filières, et notamment pour l’enseignement général. C’était l’argument de l’égalité utilisé dans le sens contraire : comme on ne peut pas ouvrir ces classes pour tout le monde, on ne les ouvre pour personne ! Mais dans la réalité, de telles classes existent déjà. Par exemple, au lycée de l’Estaque, au nord de Marseille. Une vingtaine de jeunes extraordinairement motivés y sont scolarisés pour suivre les études qui leur permettront d’atteindre le niveau nécessaire pour tenter le BTS ou entrer en IUT. Ces jeunes n’ont cependant aucun statut : il ne sont ni lycéens, ni étudiants et, partant, n’ont droit à aucune bourse ni aide d’aucune sorte.

Une manière de faciliter la fluidité est de mettre en place les moyens pour permettre cette transition. Il faut accepter de dire que cela s’appliquera à une voie d’enseignement particulière, et pas aux deux autres, car c’est là que se situent les plus grands besoins.

C’était l’argument humain et pédagogique.

Je suis à présent obligé de faire valoir un argument économique. Si nous ne prenons pas les moyens qui s’imposent pour disposer dans notre pays, en formant les jeunes, d’ouvriers hautement qualifiés, d’ingénieurs, de techniciens dont notre économie a besoin, nous allons vers un bug démographique total.

Au cours des dix prochaines années, nous devons parvenir, même avec un taux de croissance extrêmement faible – disons 1,5 % à 2 % – à mettre huit millions de personnes au travail pour remplacer les partants et pourvoir les nouveaux postes de travail. Il en sort 700 000 de nos établissements scolaires par an ! Ce qui signifie que, du fait de la déperdition, nous allons tout droit au bug. On peut penser que les besoins seront en partie satisfaits par une élévation du niveau de mécanisation de notre économie, de nos services et de notre industrie productive. Tant mieux : cela nous poussera vers le haut. Ceux qui seront disponibles pour l’économie devront néanmoins être au plus haut niveau technique, scientifique et culturel. C’est la raison pour laquelle tout doit être fait pour faciliter la fluidité des parcours des jeunes qui étudient afin de leur permettre d’atteindre le niveau le plus élevé possible : nous avons besoin d’eux, et c’est urgent. »



Intervention finale sur le rapport de politique éducative annexé à la loi

La fin de la discussion samedi 19 mars fut marquée par l’examen d’un rapport de politique éducative présenté par le ministre Fillon en annexe au projet de loi. Un rapport toujours sous le signe du dénigrement du système public de délivrance des qualifications. Un rapport qui avance également des propositions dangereuses pour la qualité des formations professionnelles initiales. De quoi justifier la mise en garde suivante en séance :

« [?] Dans ce rapport, on nous dit que les diplômes professionnels, notamment le baccalauréat professionnel, « devraient être » régulièrement réactualisés. Eh bien ! J’ai l’honneur de vous faire savoir, mes chers collègues, que c’est précisément ce qui se pratique déjà, de manière continue, et qu’il n’y a aucune raison pour que cela change !

Par conséquent, pourquoi affirme-t-on que les diplômes professionnels « devraient être » réactualisés ? A mon sens, on sacrifie là à une mode tout à fait insupportable, à l’origine de laquelle se trouvent un certain nombre de gens qui ne connaissent rien au sujet mais qui hurlent avec les loups, prétendant que les diplômes professionnels doivent être actualisés parce qu’ils seraient en déphasage avec la réalité des pratiques professionnelles.

Le seul problème, c’est qu’il n’existe pas, en France, un seul diplôme professionnel – je dis bien pas un seul – dont le contenu ne soit élaboré en concertation avec les branches professionnelles.

Cela étant précisé, par qui et comment sont élaborés les contenus des diplômes professionnels ? Ils le sont au sein des CPC, les commissions professionnelles consultatives, qui regroupent des représentants des professionnels, des pédagogues et des représentants de l’Etat et qui constituent un système unique en Europe.

On y discute du référentiel, démarche à laquelle nous sommes, nous Français, très attachés et permettant de décrire le contenu des enseignements menant aux diplômes professionnels. C’est alors que s’établira la distinction entre une qualification et une compétence.

Dans le système anglo-saxon, on enseigne aux jeunes deux ou trois gestes professionnels, et quand la machine ou l’outil sont obsolètes, le savoir de l’ouvrier l’est également ; dans le système français, on inculque aux jeunes des bases plus larges, incluant les gestes professionnels, des compétences techniques et des connaissances générales.

Toute cette architecture s’élabore au moyen d’un référentiel. Notre méthode doit finalement être assez bonne, puisque nous avons convaincu nos partenaires européens de la retenir. En effet, les seuls diplômes européens qui existent à l’heure actuelle sont quatre diplômes professionnels ayant été élaborés par des commissions professionnelles consultatives européennes. Je le répète, ce sont les seuls diplômes européens qui existent actuellement !

On ne doit donc rien faire qui puisse donner le sentiment que les diplômes professionnels de notre pays n’auraient qu’une valeur relative. Si les diverses branches du patronat n’en sont pas satisfaites, elles doivent s’en prendre à leurs propres représentants au sein des CPC ! J’ajoute d’ailleurs que, le plus souvent, elles ne se hasardent pas à exprimer un tel mécontentement, car elles savent ce que leur rétorqueraient ceux qui sont informés de ces questions ! Pour ma part, je juge que les CPC font plutôt du bon travail.

Afin que vous soyez complètement renseignés sur ce sujet, mes chers collègues, sachez qu’il existe dix-sept commissions professionnelles consultatives, au sein desquelles siègent non pas une ou deux personnes travaillant à leurs moments perdus, mais huit cents représentants des entreprises, des salariés et de l’Etat révisant continûment les contenus de 744 diplômes de l’enseignement technologique et professionnel, allant du certificat d’aptitude professionnelle au brevet de technicien supérieur.

Ainsi fonctionne notre système. Ceux qui le critiquent – et ils ne sont pas si nombreux – ne doivent pas y être encouragés quand cela revient à approuver qu’ils se vantent de leur propre turpitude !

Si cette actualisation n’est pas assez rapide, au point qu’il faille inscrire dans le rapport annexé une sorte d’injonction à la rénovation de nos diplômes professionnels, la solution est très simple : le ministre doit convoquer à échéances régulières le comité interprofessionnel consultatif, c’est-à-dire réunir les représentants de tous les CPC – je connais au moins un ministre qui l’a fait -, d’abord pour montrer à ces personnes qu’on les respecte et que l’on prend en considération le travail extrêmement précieux qu’ils accomplissent, ensuite pour les inciter à aller plus vite.

A cet égard, j’évoquerai un exemple tiré d’une époque que je connais bien : de 2000 à 2002, cent quarante-huit diplômes professionnels ont été entièrement rénovés, sous l’impulsion du gouvernement de Lionel Jospin, dont vingt-deux baccalauréats professionnels, puisque c’est de ce diplôme qu’il s’agit ici.

Ce n’est certainement pas votre personne que je mets en cause dans cette affaire, monsieur le ministre. Je me contente d’exprimer ce que m’inspire un texte dont il faut tirer les implications pratiques, certains verbes fussent-ils conjugués au conditionnel.

Notre devoir est d’affirmer que les diplômes professionnels français sont bons, et les membres des organisations professionnelles ou syndicales qui n’en sont pas satisfaits doivent s’adresser à leurs représentants au sein des CPC.

Je n’ai pourtant traité que le premier point de mon intervention ! (Rires.) Avec votre permission, monsieur le président, je vais résumer le second en quelques phrases.

Je tiens également à souligner avec force qu’une réduction de quatre ans à trois ans de la durée de préparation du baccalauréat professionnel ne constitue nullement un progrès. Là aussi, d’ailleurs, je m’élève contre les ignorants qui qualifient les études professionnelles d’études courtes, ne sachant pas qu’elles durent un an de plus que les études générales et sont donc, de fait, les études longues de l’enseignement secondaire…

En fait, ramener à trois ans la préparation du baccalauréat professionnel répond à une revendication de l’UIMM, l’Union des industries et métiers de la métallurgie. Or vous devez tous savoir, mes chers collègues, que pour faire passer de quatre ans à trois ans la durée de préparation du baccalauréat professionnel, on rogne non pas sur l’apprentissage des gestes professionnels ou sur l’acquisition de la compétence technique, mais, naturellement, sur l’enseignement des matières générales ! Les responsables de l’UIMM ne comprennent rien au sujet ! Ils considèrent qu’acquérir des connaissances générales est une perte de temps. Je m’en suis expliqué à maintes reprises avec M. de Calan, qui finit toujours par m’approuver pour avoir la paix mais qui continue inlassablement à réclamer que le baccalauréat professionnel soit préparé en trois ans.

Et je constate que l’on entend généraliser cette mesure. Que l’on me permette de dire que c’est une erreur ! »



Blog basé sur Wordpress © 2009/2015 INFO Service - V3 Archive